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En marge de l'élection provinciale

le mercredi, 01 novembre 1939. Dans Élections, Politique

Vd 1 nov 1939 p8 louis even ; 1,012 mots

Lettre ouverte à MM. MAURICE DUPLESSIS, PAUL GOUIN, ADÉLARD GODBOUT, et à tous les candidats à l’Assemblée Législative de la Province de Québec (pour l'élection provinciale à venir):

« Messieurs,

Nul doute que les plus pures intentions vous animent tous, en ces jours où vous aspirez à la conduite des affaires publiques de notre province. Mais vous savez très bien, par expérience ou par observation, que les meilleurs objectifs sont trop souvent bafoués par les obstacles financiers. S’il n’était question que de trouver dans la province les capacités productives pour les services sociaux et les travaux publics, l’administration ne serait plus qu’affaire de sélection et d’orientation. Les capacités productives inutilisées foisonnent : la preuve en est dans l’empressement des hommes et des compagnies à solliciter la faveur de fournir leur travail au gouvernement. Mais le problème réside dans la capacité de payer, parce qu’une puissance, extérieure au gouvernement autant qu’extérieure à la production, mesure parcimonieusement les droits au fruit de travail des hommes et des machines.

« Notre contribution à la guerre, pas plus que la continuation des travaux entrepris par le gouvernement, ne devraient diminuer d’un degré le niveau de vie de nos familles tant qu’il reste dans la province une production potentielle non utilisée. Mais il faudrait trouver un moyen de l’utiliser autrement qu’en augmentant les dettes de la province.

« Lorsque, par exemple, la province fait un emprunt de dix millions à New-York, qu’est-ce, sinon la permission accordée par le financier de New-York d’utiliser pour dix millions une capacité de production de chez nous qui autrement reste enchaînée ? Pourquoi faut-il qu’après avoir utilisé cette application de la main-d’œuvre et de la technique disponibles dans notre province sur du matériel de la province, nous devions soustraire ce dix millions de sang économique, plus un tribut pour la permission obtenue, et faire disparaître à nouveau les dix millions, et plus, de droit de produire ?

« Il y a actuellement, au Canada, une province qui trouve moyen d’utiliser de plus en plus sa capacité potentielle de production sans demander la permission par des signatures de dette. C’est l’Alberta ; et la province de Québec, beaucoup mieux située, beaucoup plus diversement riche, pourrait certainement faire la même chose, en améliorant même la technique employée par la province de l’ouest, pour le plus grand bien de nos familles et l’allégement du fardeau financier de l’administration publique.

« La base du crédit de la province, c’est sa capacité de production. Une immense partie de ce crédit provincial est actuellement oisif, justement parce qu’il n’est pas exprimé par une capacité de payer la production qui s’offre. Sans empiéter sur les prérogatives réservées au gouvernement fédéral, sans légiférer en matière bancaire, le gouvernement provincial peut certainement tenir ou faire tenir une comptabilité pour exprimer cette production latente par des titres qu’il met en circulation au moyen de transferts de crédit, comme le pratique le gouvernement d’Edmonton. Ces titres comptables sont un substitut à la monnaie, aussi bien protégés que les titres comptables obtenus des banquiers par des débentures ; ils ont la même base, une meilleure garantie et ils ne sont point onéreux.

« Des octrois et des transferts de crédit provincial, non négociables, opérant par des déplacements de crédits dans les comptes des acheteurs et des vendeurs, peuvent servir sans difficulté à l’écoulement dans la province des produits de la province. Une très forte proportion de nos transactions commerciales devrait être encouragée par ce moyen : ce serait le stimulant le plus efficace à la production domestique et à la consommation chez nous des produits de chez nous. Là encore, l’exemple de l’Alberta est probant. Le commerce par les transferts de crédit provincial n’y présente aucune difficulté ; 300 succursales du Trésor y ont été mises en opération en moins d’un an, et les quatre cinquièmes des magasins y acceptent les transferts de crédits avec autant de confiance que des pièces d’or. Les certificats de transfert de crédit priment même dans le commerce local, car ils valent à l’acheteur une ristourne que ne lui apporte pas l’usage de la monnaie de banque. Le gouvernement provincial accepte aussi les transferts de crédit en paiement des impôts.

« Supposez la chose établie dans la province de Québec. Vous y pouvez émettre autant de crédit provincial qu’il en faut pour porter à sa pleine utilisation la capacité de production utile résidant dans la province. Que, de temps en temps, par exemple, le gouvernement provincial fasse placer dans les livres tenus à cette fin, cinq dollars au crédit de chacun des trois millions de citoyens de la province de Québec. Cela fera un total de 15 millions de pouvoir d’achat, pas concentré en quelques mains, mais à la disposition de TOUS les consommateurs. Ce serait un appel de 15 millions de plus sur la production provinciale ; autant de diminution de chômage et de machines. Le va-et-vient de ces titres, de ces crédits comptables opérant comme monnaie, augmenterait la production annuelle dans la province peut-être de 45 à 60 millions. Une nouvelle émission serait recommandée périodiquement tant qu’on n’aurait pas déclenché tout le travail (hommes et machines) en disponibilité.

« L’augmentation de revenu augmenterait les recettes fiscales ; ou bien les mêmes recettes fiscales pourraient être entretenues avec un pourcentage d’impôts très diminué. La dette publique n’en serait pas augmentée d’un sou. La mise en circulation du crédit provincial par l’entremise du consommateur aurait l’avantage d’encourager à la fois la production privée et l’administration publique, puisqu’en définitive c’est le consommateur qui paie l’une et l’autre.

« Il ne s’agit nullement là d’un "scheme", aventureux, d’une théorie inapplicable : l’expérience est faite et elle réussit. Encore une fois, notre province est en meilleure posture que l’Alberta pour en faire une adaptation chez elle. On se plaindra longtemps de la dictature économique et financière si l’on s’obstine à suivre ses directives. Espérant que les élus qui tiendront le gouvernail après le 25 octobre sauront prendre le moyen de mettre en œuvre, sans endettement, le crédit de la province, je demeure

« Votre respectueusement dévoué, LOUIS EVEN

« Organisateur-en-chef de la Ligue du Crédit Social. »

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