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La doctrine sociale de l’Église et le Crédit Social à la lumière de la Bible

Abbé Albert Kaumba Mufwata le vendredi, 01 mai 2020. Dans Témoignages

L’abbé Albert Kaumba Mufwata, ordonné prêtre en 1988 dans le diocèse de Kolwezi, Province ecclésiastique de Lubumbashi en République Démocratique du Congo, est depuis 2017 curé de l’Unité pastorale Soleil Levant dans l’Est-Ontarien (St-Grégoire de Vankleek Hill, Ste Anne de Prescott, St-Eugène, St-Joachim à Chute-à-Blondeau, St-Jean-Baptiste de L’Orignal et St-Bernardin, dans le diocèse d’Ottawa-Cornwall, au Canada.

En 2009, il accompagnait M. Marcel Lefebvre, Pèlerin de saint Michel de Rougemont, dans une tournée en RDC, et depuis ce temps, il fait connaître la philosophie du Crédit Social autour de lui, et reste en contact régulier avec la direction de Vers Demain. Voici le texte de son intervention lors de la session de formation sur la doctrine sociale de l’Église à la lumière du Crédit Social au diocèse de Kolwezi en RDC tenue en août 2019. C’est le premier d’une série d’articles à suivre dans de prochains numéros :

Introduction générale

Notre présentation vise à introduire à l’approfondissement de la connaissance de la doctrine sociale de l’Église à la lumière du Crédit Social. Certains d’entre nous connaissent plus ou moins la doctrine sociale de l’Église ou ont déjà entendu parler aussi du Crédit Social, mais pour beaucoup d’autres, la notion du crédit social doit soulever sans doute bien des questions ! Nous allons nous pencher dans le présent texte à la fois sur la doctrine sociale de l'Église et le crédit social à la lumière de la Bible.

Revenons sur quelques notions essentielles :

L’Église qui est définie chez nous ici en Afrique comme la famille de Dieu1, tient son origine de la convocation en vue de la mission. Même son étymologie qui se tire du verbe Qahal (en hébreu, convoquer, appeler une assemblée, réunir), et qui se traduit en grec par le verbe Kalew (qui donnera en latin le mot ecclesia), reflète au départ cette notion de convocation, qui indique clairement que nous tenons tout d’un Autre ou de sa providence. Il faut tout le temps nous rappeler qu’il y a quelqu’un qui nous appelle, c’est le Seigneur Dieu qui nous convoque et donc c’est Lui qui nous confie la mission. On ne s’attribue pas soi-même une tâche à accomplir ou mission, c’est le Seigneur ou son représentant qui nous la confie, l’épître aux Hébreux (5,4) est on ne peut plus claire à ce sujet : « Nul ne s'attribue cette dignité, s'il n'est appelé de Dieu, comme le fut Aaron. »

Ainsi, donc si l’Église est rassemblée, elle l’est pour être envoyée en mission. Ceci vaut beaucoup aussi pour les Pèlerins de saint Michel qui se considèrent à tout instant comme des missionnaires engagés à aller répandre la Bonne Nouvelle du Crédit Social. Ainsi concluons ce paragraphe en soulignant de nouveau que l’Église n’a de sens que si elle ne perd pas de vue ce qu’elle est parce que centrée sur l’Autre et portée vers d’autres.

C’est ce souci du bien de l’autre, de la compassion non pas simplement anthropologique, mais divino-cosmo-anthropologique, qui motive l’action missionnaire de l’Église et son côté de charité ou dévouement pour les autres. La notion de disciples missionnaires chère au Pape François ne peut mieux se comprendre qu’en cette ligne. Et ainsi dit, les Pèlerins de saint Michel, par leur souci d'apostolat missionnaire, ont été fondés dans cet esprit de l'Église qui se porte au secours des autres.

Déjà dans l’Ancien Testament un écho comme celui d’Exode 3, 9-10, nous indique clairement que Dieu n’aime pas voir son peuple souffrir : « Maintenant, le cri des fils d’Israël est parvenu jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que leur font subir les Égyptiens. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. »

Les consignes que Dieu va indiquer iront clairement en ce sens. Deutéronome 24, 10-22 :

« Lorsque tu fais à ton prochain un prêt quelconque, tu n’entreras pas dans sa maison pour lui prendre un gage. Tu resteras dehors et l’homme à qui tu prêtes sortira pour te l’apporter. Si c’est un pauvre, tu ne te coucheras pas en gardant son gage. Tu devras le lui rapporter au coucher du soleil : il se couchera dans son manteau et te bénira. Et tu seras juste devant le Seigneur ton Dieu.

« Tu n’exploiteras pas un salarié pauvre et malheureux, que ce soit l’un de tes frères, ou un immigré qui réside dans ton pays, dans ta ville. Le jour même, tu lui donneras son salaire. Que le soleil ne se couche pas sur cette dette, car c’est un pauvre, il attend impatiemment son dû. Ainsi, il ne criera pas contre toi vers le Seigneur, et tu ne te chargeras pas d’un péché. (…)

« Tu ne feras pas dévier le droit de l’immigré ni celui de l’orphelin, et tu ne feras pas saisir comme gage le manteau de la veuve. Souviens-toi que tu as été esclave en Égypte et que le Seigneur ton Dieu t’a racheté. Voilà pourquoi je te donne ce commandement.

« Lorsque tu feras ta moisson, si tu oublies une gerbe dans ton champ, tu ne retourneras pas la chercher. Laisse-la pour l’immigré, l’orphelin et la veuve, afin que le Seigneur ton Dieu te bénisse dans tous tes travaux.

« Lorsque tu auras récolté tes olives, tu ne retourneras pas chercher ce qui reste. Laisse-le pour l’immigré, l’orphelin et la veuve.

« Lorsque tu vendangeras ta vigne, tu ne retourneras pas grappiller ce qui reste. Laisse-le pour l’immigré, l’orphelin et la veuve.

« Souviens-toi que tu as été esclave au pays d’Égypte. Voilà pourquoi je te donne ce commandement. »

D’autres textes autour de Moïse et des cinq premiers livres de la Bible iront dans ce sens :

Deutéronome 23, 20-21 : « Tu n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour rien de ce qui se prête à intérêt. Tu pourras tirer un intérêt de l'étranger, mais tu n'en tireras point de ton frère, afin que l'Éternel, ton Dieu, te bénisse dans tout ce que tu entreprendras au pays dont tu vas entrer en possession. »

Exode 22, 24 : « Si tu prêtes de l'argent à mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu n'exigeras de lui point d'intérêt. »

Exode 22, 25-26 : « Si tu prends en gage le vêtement de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil ; car c'est sa seule couverture, c'est le vêtement dont il s'enveloppe le corps : dans quoi coucherait-il ? S'il crie à moi, je l'entendrai, car je suis miséricordieux. »

Lévitique 25, 39-40 : « Si ton frère devient pauvre près de toi, et qu'il se vende à toi, tu ne lui imposeras point le travail d'un esclave. Il sera chez toi comme un mercenaire, comme celui qui y demeure ; il sera à ton service jusqu'à l'année du jubilé. »

Les prophètes en l’occurrence Amos, Osée, Isaïe, Michée, Jérémie ou Ézéchiel nous amèneront en ce sens au cœur de Dieu qui est Amour, donc tout donné pour les autres, qui est Justice, Compassion et Miséricorde. Oui il porte notre misère dans son cœur. En ce sens il ne tolère pas l’exploitation de l’humain par l’humain. C’est ce que bien des latinistes exprimaient par l’adage homo homini lupus, « L’homme est pour l’homme un loup ».

Amos 2, 8 aura ces mots spécialement : « Ils s'étendent près de chaque autel sur des vêtements pris en gage, et ils boivent dans la maison de leurs dieux le vin de ceux qu'ils condamnent. »

On retrouve la même dénonciation chez Ézéchiel 18, 12 : « s'il opprime le malheureux et l'indigent, s'il commet des rapines, s'il ne rend pas le gage, s'il lève les yeux vers les idoles et fait des abominations. »

Même durant la période plus proche de l’arrivée de Jésus, on retrouve les mêmes types de dénonciation de la part des hommes de Dieu ; arrêtons-nous à deux citations de Job :

Job 22, 6 : « Tu enlevais sans motif des gages à tes frères, Tu privais de leurs vêtements ceux qui étaient nus. »

Job 24, 3 : « On enlève l'âne de l'orphelin, On prend pour gage le bœuf de la veuve. »

C'est en ce sens que nous pouvons comprendre la mission confiée au Seigneur Jésus, sous l’impulsion de l’Esprit-Saint : annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, aux prisonniers la libération, aux gens tristes la joie, aux malades la guérison, toute une année ou vie de bienfaisance (Luc 4,18). Il faut remarquer la subtilité et l’ironie que le Seigneur Jésus va souvent utiliser pour dénoncer toute exploitation des faibles ou pauvres.

Luc 6, 34-35 : « Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin de recevoir la pareille. Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très Haut, car il est bon pour les ingrats et pour les méchants. »

Luc 7, 41-43 : « Un créancier avait deux débiteurs : l'un devait cinq cents deniers, et l'autre cinquante. Comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel l'aimera le plus ? Simon répondit : Celui, je pense, auquel il a le plus remis. Jésus lui dit : Tu as bien jugé. »

C’est dans cette mouvance que l’Église est née et s’est répandue. Personne ne considérait son bien comme personnel. Le partage était une assise importante pour la communauté. Joseph Barnabé nous est donné en exemple ici dans les Actes des Apôtres 4, 32-37 :

« La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun.

« C’est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et une grâce abondante reposait sur eux tous.

« Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun.

« Il y avait un lévite originaire de Chypre, Joseph, surnommé Barnabé par les Apôtres, ce qui se traduit : “homme du réconfort”. Il vendit un champ qu’il possédait et en apporta l’argent qu’il déposa aux pieds des Apôtres. »

C’est dans ce contexte que la fourberie et l’égoïsme d’Ananie et sa femme Saphira vont les conduire à leur perte et ruine :

Actes des Apôtres 5, 3-5 : « Pierre lui dit : “Ananie, comment se fait-il que Satan a envahi ton cœur, pour que tu mentes à l’Esprit, l’Esprit Saint, et que tu détournes pour toi une partie du montant du domaine ? Tant que tu le possédais, il était bien à toi, et après la vente, tu pouvais disposer de la somme, n’est-ce pas ? Alors, pourquoi ce projet a-t-il germé dans ton cœur ? Tu n’as pas menti aux hommes, mais à Dieu.” En entendant ces paroles, Ananie tomba, et il expira. Une grande crainte saisit tous ceux qui apprenaient la nouvelle. »

La doctrine sociale de l’Église, comme le Crédit Social qui en est une meilleure application, tire son impulsion de cet élan de Dieu comme de son fils Jésus. Elle se définit principalement comme étant la préoccupation d’assurer le mieux être pour le peuple de Dieu.

À partir de ce point nous suivons principalement les données recueillies et présentées à travers le livre La démocratie économique vue à la lumière de la doctrine sociale de l’Église, étude préparée par Alain Pilote et publiée par les Pèlerins de Saint Michel, Rougemont, Canada, version de 2015.

Nous débutons par les leçons 13 et 14 (Le Crédit Social et la doctrine sociale de l’Église – 1ère et 2e parties) et nous tenterons dans la mesure du possible de revenir sur toutes les leçons.

Alors que la crise mondiale des années 30 bat son plein, les Papes qui ont dirigé l’Église durant ce temps interviennent, citons en l’occurrence le Pape Benoît XV et son successeur Pie XI.

Comment mettre en pratique leur préoccupation ? Comment les vulgariser et amener le peuple de Dieu à trouver solution à sa situation misérable ?

La lecture de C.H. Douglas ouvrira les yeux à Louis Even, fondateur des Pèlerins de saint Michel. Ici lisons intégralement les textes des leçons 13 et 14 (Pages 162-197).

On se penche sur la vie de Louis Even et sa rencontre ou lecture de C.H. Douglas, on développe les quatre principes de base de la doctrine sociale de l’Église, on se penche sur la comparaison du capitalisme et du communisme. Nous relisons ensemble l’illustration présentée à travers l’Île des naufragés et la brochure Qui sont les véritables maîtres du monde ?

Nous lisons l’introduction du livre la démocratie économique et donnons un aperçu général sur toutes les leçons. Comme nous nous sommes penché sur les leçons 13 et 14, nous orientons nos questions principalement dans cette ligne et allons développer chaque chapitre et toute la thématique du crédit social à la lumière de la Bible. Donc à suivre...


 

1) Voir “Ecclesia in Africa”, Exhortation finale du Synode africain tenu à Rome du 10 avril au 8 mai 1994.

Abbé Albert Kaumba Mufwata

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