Le Devoir du 21 janvier donne le résumé du discours prononcé par M. Chaloult, unique orateur sur l'adresse en réponse au discours du Trône. En voici quelques extraits :
Nous battons-nous pour la chrétienté ? Pas davantage, parce que si nous nous battions pour la chrétienté, le Pape, chef de la chrétienté, interviendrait ; pourtant le Souverain Pontife reste neutre dans ce conflit.
Combattrions-nous pour la civilisation ? Le mot civilisation est interprété dans plusieurs sens. Presque tous les pays se proclament les plus civilisés de la terre. Par ailleurs, toutes les guerres ont été conduites au nom de la civilisation, comme la guerre des Bœrs, qui fut, au fond, une guerre de spoliation, aussi bien que la guerre de 1914 et comme sera la guerre de 1960, si le Canada n'a pas alors proclamé son indépendance et ne s'est pas affranchi des liens impériaux.
Nous battons-nous pour la démocratie ou la liberté ? Mon voisin de pupitre, M. Houde, dit M. Chaloult, aussi bien que Gandhi, ne seront pas de cet avis. Nous devrions préalablement établir la liberté au Canada où la minorité française est traitée injustement au regard de son nombre et de ses droits. Par exemple, on voit défiler des régiments canadiens-français, qui sont commandés par des Anglais et dans la langue anglaise que souvent les troupiers ne comprennent même pas.
On proteste lorsque l'Allemagne s'empare d'une partie de la Pologne, mais on reste insensible, quand la Russie emploie le même procédé. Pourtant, ne nous a-t-on pas affirmé en 1939, que nous déclarions la guerre pour la défense des frontières polonaises, pour empêcher l'Allemagne de s'emparer de Dantzig et du corridor polonais ? Le député de Lotbinière craint que la Charte de l'Atlantique ne devienne un "chiffon de papier", dont nous ramasserions les lambeaux en France, en Belgique, en Serbie et certainement... au Canada. On adopterait la politique du plus fort.
Nous sommes en guerre parce que l'Angleterre est en guerre principalement pour défendre ses intérêts, ses colonies et ses comptoirs.
La plupart des pays de l'Amérique latine ont déclaré la guerre, mais ne la font pas. Quant à nous, suivant M. Chaloult, notre contribution au conflit est disproportionnée à nos moyens : nous avons mobilisé plus d'un demi-million d'hommes, nous avons dépensé plus de quatorze milliards et nous payons un tribut annuel d'un milliard à l'Angleterre. Le Canada a lancé plus de 500 navires, dont plus de 200 seraient finalement cédés à la Grande-Bretagne.
Si nous avions employé cet argent et ces énergies à démolir les taudis, à construire des hôpitaux, des gymnases et des piscines, à stimuler l'enseignement et à doter nos universités !
La participation à la guerre de 1914 ne nous a rien rapporté, si ce n'est quelque 60,000 soldats morts dans les Flandres et une dette dont nous parvenons à peine à verser les intérêts. "Que l'on se détrompe si l'on espère que l'Angleterre nous aidera à nous relever de nos ruines. Elle continuera à soigner ses intérêts, elle ne connaît pas le sentiment dans ses relations commerciales. Faut-il l'en blâmer ou l'imiter ?
M. Chaloult souhaite que l'on songe "dès maintenant à accorder à l'Angleterre son statut d'indépendance ; elle nous coûte vraiment trop cher et elle nous rapporte trop peu". Après lui avoir permis de gagner trois guerres, après l'avoir aidée à établir des comptoirs et à conquérir des colonies dans le monde entier, il me semble qu'elle pourrait vivre un peu par elle-même, sans le tribut périodique de notre argent et de nos soldats.
M. Chaloult termina son discours en proposant un amendement pour exprimer au gouvernement fédéral que l'effort de guerre est excessif, et le prier de le conformer à nos moyens.
Il n'y eut aucun député dans toute la Chambre pour seconder l'amendement. C'est peut-être parce que tous jugent que l'effort de guerre n'est pas excessif, et que nous pouvons continuer de "toffer".
