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Pour ou contre la guerre

Louis Even le lundi, 01 janvier 1945. Dans Guerre

Un de nos abonnés de Québec, bien intentionné d'ailleurs, mais outré de certaines déclarations de chefs créditistes de l'Ouest, nous écrivait récem­ment :

"Pouvez-vous vraiment nous redonner con­fiance en une institution, le Crédit Social, qui proclame l'autonomie, la grandeur de la per­sonne humaine, et ne sait pas se dresser con­tre la guerre qui fait de la personne humaine une chair à canons ?"

Le Crédit Social proclame certainement l'auto­nomie et la grandeur de la personne humaine ; et de plus, le Crédit Social sait se dresser mieux que n'importe quelle autre école contre la guerre qui fait de la personne humaine une chair à canons.

Mais, pour voir clair en tout cela, il faut com­mencer par savoir faire des distinctions, ne pas mêler les choses.

Deux choses différentes

Ce qu'il ne faut pas confondre ici, sans s'exposer à beaucoup d'injustice et à des irritations inutiles, c'est :

    1. Être pour la guerre ;

    2. Être pour la participation à une guerre.

On peut se battre, on peut aider à un autre à se battre, sans pour cela être en faveur de la guerre.

Vous êtes un homme paisible. Vous ne désirez rien tant que vivre dans la paix et l'harmonie avec tout le monde. Mais voici que votre voisin tombe sur vous, vous roue de coups, déchire vos vête­ments, veut mettre le feu à votre maison. Allez-vous le laisser faire ? Non, n'est-ce pas. Si vous n'êtes ni lâche ni impotent, vous allez vous défen­dre, même si vous devez cogner. Mais cela ne veut pas du tout dire que vous soyez pour un régime de batailles.

Peut-être n'est-ce pas vous, mais votre troisième voisin, homme paisible et honnête comme vous, qui est attaqué par un intrus plus fort que lui. Il demande votre aide pour maîtriser son agresseur. Si vous avez du cœur, vous vous précipitez à son secours. Peut-on pour cela vous accuser d'avoir renoncé à votre amour de la paix ?

Sous prétexte qu'un pays ou une personne est en faveur de la participation à la présente guerre, n'allons pas pour cela accuser ce pays ou cette personne d'être pour la guerre. Ce n'est pas du tout la même chose.

On sait que l'Église est pour la paix, qu'elle abo­mine les guerres. Et pourtant, n'a-t-on pas vu des papes et des moines délégués par eux prêcher les croisades, guerres de grande envergure pour cette époque ?

Cela ne veut pas du tout dire qu'on doive don­ner son cœur à la participation à la guerre actuelle ; ni que la guerre actuelle soit une croisade contre les ennemis de la chrétienté. Non. Nous voulons seulement souligner la différence entre "être pour la guerre" et "être en faveur de la participation à une guerre donnée".

Qui est pour la guerre ?

Qui est pour la guerre ? Qui est pour que les hommes s'affrontent sur des champs de bataille avec les engins les plus destructeurs que le génie humain puisse imaginer ?

Qui peut être pour la guerre ? Nous ne croyons pas qu'il y ait beaucoup de personnes normales capables d'être en faveur d'une chose aussi atroce, aussi indigne d'êtres raisonnables.

Selon nous, seuls peuvent être pour la guerre :

    1. Les sadiques, ces espèces de monstres humains qui prennent plaisir aux choses qui font souffrir les hommes ;

    2. Les profiteurs immédiats des guerres : les trafiquants de munitions, les financiers qui y voient l'occasion d'augmenter leurs créances sur l'État ou sur l'industrie ; aussi peut-être les conqué­rants assoiffés de pouvoir, bien que le profit pour eux soit beaucoup plus risqué, beaucoup moins certain et moins assuré de permanence que le profit des trafiquants de piastres et de canons ;

    3. Les idéologistes d'un gouvernement central universel, dominant les hommes et les nations, qui voient dans la guerre les conditions idéales pour imposer un régime d'enrégimentation et de plans et pour centraliser les pouvoirs.

Cette troisième catégorie nous semble même la plus intéressée dans les guerres mondiales moder­nes. L'organe officiel du planisme international, P.E.P. (Political and Economic Planning) écrivait dans son numéro du 4 octobre 1938 :

"Nous partons du fait qu'un gouvernement britannique ne se lancera bien dans le pla­nisme sur une grande échelle qu'en temps de guerre ou sous la menace d'une guerre im­minente."

Ces gens-là ne peuvent voir de mauvais œil une guerre de l'ampleur et de la durée de la présente guerre. Et leurs espoirs sont justifiés : les plans et les couches à plans, non seulement pour la guerre mais pour l'après-guerre, n'ont jamais été aussi à l'ordre du jour ni reçu une aussi puissante publi­cité.

Quant à la finance, elle est un fameux instru­ment entre les mains des idéologistes de la cen­tralisation universelle. Les maîtres financiers y trouvent d'ailleurs leur récompense. Comme ins­trument de centralisation, le jeu est très simple :

    a) Par la compression de l'argent et du crédit, rationner les masses, leur infliger les affres de la faim et les soucis du lendemain ;

    b) Par un plan centralisateur, escamoteur de la liberté personnelle, offrir aux affamés du pain aux conditions du plan, une assurance relative du lendemain aux conditions du plan.

Le Crédit Social contre la guerre

Le Crédit Social s'oppose catégoriquement à la centralisation, à l'enrégimentation, au planisme.

Le Crédit Social veut que chaque personne puis­se faire elle-même ses propres plans, et il supprime les obstacles qui l'en empêchent.

Le Crédit Social soustrait la personne à la domi­nation par d'autres. Selon une expression récente du Major Douglas, l'initiateur des propositions du Crédit Social :

"Conférez à chaque individu tellement de pouvoir que personne ne puisse le dominer." Le Crédit Social est contre le système financier actuel qui forge des chaînes aux individus et aux gouvernements et qui conduit directement à la centralisation, non seulement de la richesse, mais aussi et surtout du pouvoir.

Le système financier actuel, par ses règlements de la distribution des biens liés uniquement à l'em­ploi, même lorsque les machines remplacent l'hom­me, et par l'obligation qu'il impose de se ruer à la conquête des marchés étrangers, conduit directe­ment à la guerre.

Aussi le Major Douglas écrivait-il dès 1923 : "À moins qu'on change complètement et à temps le système financier actuel, le monde connaîtra une autre guerre formidable vers 1940."

Les créditistes savent tous cela. Et c'est pour­quoi, en luttant contre le système financier actuel et en proposant un système financier de décentra­lisation et de service, ils luttent contre les princi­pales causes des guerres modernes.

Tous les créditistes sont donc contre la guerre. Ils ne le sont pas seulement de sentiment ou en paroles ; mais ils le sont par leurs actes, par leurs luttes. Ils repoussent la guerre en repoussant, en connaissance de cause, les facteurs qui y conduisent infailliblement.

L'introduction du Crédit Social dans le monde est indispensable à la préservation de la paix. Le plus grand ennemi de la guerre, c'est le Crédit Social. Ce serait donc faire preuve d'ignorance manifeste sur le Crédit Social ou sur les causes réelles des guerres, que d'imaginer le Crédit Social en faveur de la guerre.

Participation à la guerre actuelle

Voilà pour la guerre. Mais, en ce qui concerne la participation à la guerre actuelle, n'y a-t-il pas des créditistes au Parlement d'Ottawa qui l'ont recom­mandée sans hésiter ?

Nous sommes ici, nous l'avons expliqué, dans un ordre de choses très différent, dans la question de la participation au présent conflit.

La guerre éclata en 1939. C'est l'Angleterre et la France qui déclarèrent cette guerre à l'Allemagne, parce que l'Allemagne mordait dans la Pologne et ces deux nations avaient un pacte d'alliance avec la Pologne.

On sait la suite : Convocation immédiate du Parlement canadien à Ottawa ; déclaration de guer­re à l'Allemagne votée par l'unanimité des dépu­tés présents, seuls Wilfrid Lacroix et Liguori Lacombe se levant en Chambre pour protester ; en­rôlement des jeunes qui crevaient de faim aupara­vant ; découverte de tous les fonds nécessaires, alors qu'on n'en pouvait trouver depuis dix ans pour combattre la crise.

Les créditistes en Chambre furent-ils pour la participation ? Oui, certainement, tous. Et tous d'ailleurs venaient de l'ouest et étaient de langue anglaise.

Non seulement les créditistes, mais les libéraux, les conservateurs, et tous les autres groupes, votè­rent la participation avec un élan remarquable.

Alors, le Crédit Social, qu'on vient de dire oppo­sé à la guerre, est-il en faveur de la participation du Canada à la présente guerre ?

Le Crédit Social n'a rien à faire là-dedans. Le Crédit Social est une doctrine pour inspirer les hommes en économie et en politique. Il ne com­mande ni la participation ni l'abstention à un acte comme celui de la participation à la présente guer­re.

Ce qu'il faut dire, par exemple, c'est que la phi­losophie politique du Crédit Social demande que les citoyens déterminent eux-mêmes les objectifs. Or, le peuple canadien n'a point du tout été consul­té pour la participation du Canada à la guerre. La manière créditiste ne fut donc point du tout utili­sée pour décider la participation ou l'abstention.

Sans doute que les députés, tous les partis sans distinction, votèrent la participation ; mais com­bien d'exemples n'a-t-on pas de cas où les décisions du Parlement ne répondent point du tout aux as­pirations de la masse des citoyens ?

Il peut certainement se faire qu'en votant la participation, le Parlement répondait aux vues des électeurs, mais ce ne fut point prouvé avant de poser l'acte. Et l'acte obligeait dès lors tous les électeurs à s'y rallier. Voilà une méthode qui n'est pas du tout du Crédit Social. Et c'est une tout au­tre méthode que l'Union Créditiste des Électeurs de Nouvelle-France essaie d'introduire dans la conduite des affaires publiques.

En tout cas, devant l'unanimité frappante des divers groupes politiques en Chambre à embarquer dans la galère, qui osera dire de bonne foi, et qui pourra s'évertuer à démontrer, que certains dépu­tés votèrent pour la participation à la guerre à cause du Crédit Social ?

Il faut être mal intentionné et peu scrupuleux de logique ou de vérité pour répéter, pareilles insani­tés.

Louis Even

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