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Participation à la guerre

Louis Even le lundi, 01 janvier 1945. Dans Guerre

À la page 5 du présent numéro, nous rappelons que le Parlement canadien fut pratiquement una­nime à voter la déclaration de guerre en septembre 1939.

Depuis lors, il est devenu illégal de s'opposer à la participation; mais il n'est pas pour cela défen­du de garder son opinion propre, et il ne peut être interdit d'analyser et de peser les raisons qu'on a pu donner pour la participation.

L'adoption d'une loi défend la désobéissance, mais non pas la critique. Ne passons-nous pas no­tre temps, nous créditistes, à critiquer et dénoncer la loi des banques, en ce qu'elle donne un pouvoir souverain à des institutions à profit?

On nous permettra donc, sans manquer d'égard envers personne ni envers aucune idée respectable, de passer en revue les raisons qui, d'après nous, ont dû influencer nos parlementaires en septembre 1939. Notre analyse sera sans doute incomplète. Bornons-nous à quatre motifs mis en valeur pour déterminer la participation.

1. "L'Angleterre est en guerre"

La grande raison qui nous paraît en avoir con­vaincu plusieurs et avoir primé tous les autres, c'est le fait que l'Angleterre était en guerre.

Quand l'Angleterre est en guerre, comment le Canada n'y entrerait-il pas sans hésiter? On ne dira pas que le Canada est en guerre du seul fait que l'Angleterre y est. Non, ce serait par trop co­lonial. Mais on dira qu'il doit y entrer (et libre­ment) du seul fait que l'Angleterre a jugé bon de le faire.

Sans doute, nos chefs politiques nous disaient depuis deux décades que nous ne nous lancerions plus dans des guerres européennes, que nous n'a­vions rien à faire avec les querelles du vieux mon­de. Sans doute, ils nous disaient, depuis 1931, que le Canada était indépendant, aussi indépendant que l'Angleterre elle-même.

Mais Mackenzie King avait été bien plus franc avec Adolf Hitler: Si l'Allemagne entre en guerre contre l'Angleterre, lui avait-il dit, le Canada se rangera certainement aux côtés de l'Angleterre.

L'Acte du Parlement ne venait que comme la ratification d'une chose décidée d'avance. Lorsque les députés, vinrent à Ottawa pour l'historique ses­sion de six jours, ce n'était pas pour choisir entre la participation et l'abstention, mais pour signer la participation.

Mackenzie King ne posa-t-il pas l'alternative clairement devant le Parlement: Si ce Parlement refuse de voter la déclaration de guerre, il peut se chercher un autre gouvernement. L'autre gouver­nement, c'eût été, Évidemment, soit un gouver­nement tory soit un gouvernement d'union d'ins­piration torie. Degré 100 au lieu de degré 80.

Pour nous, comme pour nombre d'autres dont la patrie est le Canada et non l'empire, la raison de "l'Angleterre en guerre" ne devait pas entrer en ligne de compte. Elle pouvait émouvoir des inté­rêts de sang ou d'argent; mais pas, en elle-même, déterminer la participation et toutes les consé­quences de la participation.

2. — Intérêts canadiens lésés

Le Canada pouvait entrer en guerre contre l'Al­lemagne si ses intérêts étaient lésés et s'il n'y avait pas d'autres moyens que la guerre pour les faire respecter.

Par intérêts du Canada, nous ne pouvons pas entendre les intérêts des magnats de la finance ou de l'industrie, mais les intérêts des Canadiens. Et les Canadiens, pour nous, ce sont les, hommes, les femmes et les enfants qui constituent la masse de la population canadienne.

Les intérêts de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants avaient-ils été lésés par l'Allemagne? Nous aimerions en avoir la preuve.

Ah! nous savons que bien des hommes, des fem­mes et des enfants du Canada étaient frustrés, terriblement frustrés des avantages de leur pays depuis une dizaine d'années. Mais, quelle que puis­se être la perversion du dictateur de Berlin, on ne nous a jamais démontré que c'est Hitler ou ses compères qui avaient fait des dizaines de mille chômeurs au Canada, des millions aux États-Unis; ni que c'est à Hitler qu'on devait s'en prendre pour les poches vides en face des magasins pleins, de Ha­lifax à Vancouver.

Certes, nos Canadiens étaient lésés de leurs droits à une vie décente dans un pays abondamment pourvu de tout. Mais les responsables de ces frus­trations étaient au Canada; ils y sont encore; ils y jouissent encore de tous leurs privilèges, et jamais encore on n'a demandé au Parlement canadien de leur voter une déclaration de guerre.

3. — Menace au territoire et à la liberté

Le Canada ne devrait pas hésiter à entrer en guerre lorsqu'un ennemi envahit son territoire ou entrave le libre exercice de son gouvernement.

Certains se sont attelés à cette argumentation. Ils ne pouvaient Évidemment dire que les Alle­mands envahissaient le Canada, ni qu'Adolf Hitler empêchait le gouvernement de Mackenzie King de passer des lois à sa guise ou de percevoir des taxes à son appétit. Non, mais ils se sont rabattus sur les possibilités.

L'Allemagne se jetterait bientôt sur le Canada, disaient-ils, si nous n'allions pas arrêter son élan en Europe. Avaient-ils raison?

Il est difficile de nier ou d'affirmer quand on est dans le domaine des hypothèses. Telle chose n'a pas eu lieu, mais aurait-elle eu lieu si telle autre chose n'avait pas eu lieu? Nous abandonnons cela aux ergoteurs. Mais nous nous demandons certaine­ment si l'on peut décider une chose aussi grave que la déclaration de guerre à un autre pays pour de simples possibilités.

Si l'Allemagne nous avait demandé: Mais qu'est-ce que je vous ai fait? — qu'aurions-nous répondu?

Si, en septembre 1939, l'Allemagne menaçait le territoire canadien par le fait des actes qu'elle po­sait en Europe, il nous semble qu'elle menaçait aus­si réellement le territoire américain. Et s'il y avait à Ottawa des hommes assez perspicaces pour per­cevoir cette menace à 4,000 milles de distance, il de­vait aussi se trouver des hommes pour le moins aussi perspicaces à Washington. Pourtant Was­hington ne déclarait nullement la guerre à l'Alle­magne et nous y allions quand même en vitesse.

C'est dire que cette troisième cause — la me­nace d'une invasion de notre pays par l'Allemagne — ne nous paraît pas avoir été un facteur bien ca­pital dans la décision prise par notre Parlement.

4. — Obligation de morale et d'honneur

Mais, remarquera-t-on, sans être ni pilotés par l'Angleterre, ni lésés dans nos intérêts nationaux, ni attaqués, ni même menacés, nous pouvions avoir une autre raison de décider la participation à la guerre. C'est que l'invasion de la Pologne par l'Allemagne créait une injustice, un piétinement des droits des faibles par la force des puissants. Cette violation obligeait moralement les autres nations à intervenir pour y faire obstacle.

Nous convenons, en effet, qu'il est telle chose que le droit, et que toute l'humanité est solidaire­ment responsable du respect des droits entre na­tions, qu'elle doit s'opposer efficacement à la do­mination des petits par les gros.

Mais il s'agit là d'une obligation morale et uni­verselle, qui lie toutes les nations, chacune en pro­portion de son importance.

Le Canada ne pouvait être plus vite ni plus lar­gement lié que les États-Unis, que le Mexique, que les républiques de l'Amérique du Sud, ou que les nations civilisées des autres continents.

Si l'on devait partir en croisade sur ce sujet-là, il aurait été beaucoup plus efficace de le faire de con­cert avec toutes les nations civilisées: si le crime était si flagrant, si le tort était réellement et ex­clusivement du côté de l'Allemagne, il ne pouvait y avoir de doute pour personne.

Pourtant, les États-Unis n'ont pas bougé. Seul, à part la France, l'empire britannique a bougé. Était­-ce bien pour championner l'intégrité de la Pologne ou pour protéger un empire contre un concurrent?

Comment se fait-il que ceux qui bondissaient parce que l'Allemagne convoitait le corridor polo­nais ne se font point de scrupule de consentir aujourd'hui à l'occupation d'un gros tiers de la Pologne par la Russie soviétique?

Nous craignons fort que la principale raison qui fit Ottawa se précipiter dans la guerre, c'est la toute première des quatre données ci-dessus: "L'Angleterre est en guerre, le Canada doit marcher!"

On ne s'étonnera pas que ceux qui ne sont pas très chauds sur ce point-là n'y aillent que tièdement dans leur participation.

* * *

Toutes les questions surgies depuis rationnement, embêtements bureaucratiques, conscription surtout sont des corollaires de la déclaration de guerre. La participation ou la non-participation était la question vitale. Et on l'a réglée sans consulter le peuple canadien!

Mais la participation existe. Et les milliers de décrets et de règlements issus du gouvernement fé­déral, ou des tsars auxquels il a délégué des pou­voirs législatifs, exécutifs et judiciaires, suffiraient pour le rappeler à quiconque peut être tenté de l'oublier.

Pour nous, créditistes de Nouvelle-France, nous subissons comme les autres les conséquences du vote de participation. Ceux d'entre nous qui ne sautent pas bien haut pour l'empire et ses intérêts voudraient trouver d'autres mobiles pour se don­ner du coeur... ou de la patience.

On nous dit bien que cette guerre a pour but de mettre fin pour toujours aux guerres. Ce serait un magnifique encouragement, mais nous n'y croyons pas du tout. Nous croyons faire plus que tous les canons de l'empire et des nations unies, pour met­tre fin aux guerres, en travaillant de toutes nos forces à détruire les causes de guerre par l'instaura­tion d'un régime de Crédit Social.

Louis Even

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