Les extraits suivants sont d'un discours prononcé à la Chambre des Communes d'Angleterre, le 5 août 1943, par M. Rhys Davies, député de la circonscription de Westhoughton.
Je désire contester la philosophie qui prétend que la guerre soit un instrument approprié aux fins de l'humanité... Si les guerres pouvaient régler les problèmes de l'humanité, il y a longtemps que la race humaine aurait atteint la nouvelle Jérusalem.
En réalité, les guerres créent plus de problèmes qu'elles n'entreprennent d'en résoudre, et je prédis que cette guerre-ci tombera exactement dans la même catégorie.
J'ai assez longtemps siégé en cette Chambre pour y entendre le premier-ministre du temps nous dire qu'il fallait réduire les secours aux chômeurs de 50 sous par semaine, à la demande des banques des États-Unis (Federal Reserve Board).
Et aujourd'hui, nous puisons sans compter à la substance même de la nation. Plus nous affectons à la guerre, moins il restera pour la reconstruction, lorsque la paix reviendra. Et les entreprises sanitaires ? Et les services d'eau ? Et les écoles ? Et les professeurs ? Et les autres choses semblables ?
Lorsque la guerre sera finie, les propositions actuelles concernant l'éducation, les rapports Uthwatt et Scott, serviront à peu de chose. Nous verrons alors le Chancelier de l'Échiquier prendre place dans cette loge et dire qu'il ne reste plus d'argent pour aucun de ces projets si désirables.
La Chambre des Communes vote cette semaine, sans un murmure, un milliard de livres sterling (5 milliards de dollars) — bill du Fonds Consolidé. Mais, lorsqu'on demande quelques sous de plus pour les pensions de vieillesse, le Gouvernement et le Trésor alignent tout leur art pour y faire opposition.
Nous avons déclaré la guerre à l'Allemagne, parce qu'elle attaquait la Pologne.
Je suis opposé à toute aggression. Mais je n'accepte pas l'argument de quelques honorables messieurs, ici, qui répètent souvent que l'Allemagne est le seul vilain, parce qu'elle a déclaré la guerre trois fois en 75 ans. Elle l'a fait, et elle a eu tort. Je refuse à toute nation forte et puissante le droit de se servir des petites nations comme des pions dans le jeu international, ainsi que l'ont fait l'Allemagne et d'autres grandes puissances.
Mais soyons justes. Prenons le cas de la Russie. En autant que je connaisse mon histoire, durant les 75 années que l'Allemagne a déclaré trois guerres, la Russie en a déclaré une douzaine ; l'Italie, 11. Et si nous tenons compte des combats livrés par nous sur la frontière nord-ouest de l'Inde, nous avons à peine cessé d'être en guerre depuis plusieurs siècles. En tout cas, de mon propre vivant, nous avons déclaré la guerre trois fois en 45 ans.
Je suis aussi opposé que n'importe lequel de mes concitoyens au nazisme, au fascisme, au totalitarisme. J'y suis tellement opposé que je condamne la technique nazie employée dans l'industrie de notre propre pays.
Une chose qui m'étonne, c'est que tant de gens ici, qui s'opposent au totalitarisme en Russie, en Allemagne ou en Italie, n'ont pas la moindre remarque à faire en face de son application chez nous. De fait, nous en sommes déjà rendus au point où une plus forte proportion que jamais de la population de ce pays porte l'uniforme et marche sous discipline.
L'essence de la technique nazie est en pleine floraison ici. Ne nous soumet-on pas maintenant des propositions pour conscrire le travail des enfants d'école et des grand-mères ?
Je réprouve les idées émises par certains honorables messieurs d'en face, qui voudraient nous voir porter la démocratie sur le continent européen à la pointe de l'épée.
Les honorables messieurs et moi-même sommes d'accord pour nier aux Nazis le droit d'essayer d'imposer le nazisme aux autres nations. De quel droit, alors, voudrions-nous imposer une forme de gouvernement à l'Allemagne ou à l'Italie ?... Il serait fatal, pour la paix future de l'Europe, que les démocraties essaient d'imposer un régime de leur choix aux pays du continent qui pourront être ultimement subjugués par les Nations-Unies. Adopter cette attitude serait revenir presque à l'époque des guerres de religion entre catholiques et protestants, chaque groupe essayant d'imposer à l'autre ses philosophies religieuses.
Il y a, en ce pays, des gens qui parlent bien haut d'éduquer les Allemands après la guerre.
Le président du Conseil de l'Éducation dit qu'il faudrait environ 70,000 professeurs de plus pour enseigner notre propre population, pour commencer. Et voici qu'en même temps, on suggère que nous devrions éduquer en plus 80 millions d'Allemands, et probablement aussi 42 millions d'Italiens. Et y aurait-il du mal à donner quelques leçons aux Français ? Puis les Japonais — qui sont environ 100 millions ?
Si cette Chambre ne m'en veut pas, je suggérerais que nous commencions par éduquer le peuple de l'Inde (300 millions). Ce n'est pas là un mince travail. Puis, naturellement, si la Russie fait une paix séparée avec l'Allemagne, je suppose que nous aurons à ajouter l'éducation de 160 millions de Russes...