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Le super-État mondial

le dimanche, 15 décembre 1940. Dans Gouvernement mondial

Nous disons le "super-état mondial". L'idée peut avoir des noms divers.

Nous expliquions, dans le dernier numéro de Vers Demain, qu'à cause de la tournure des événements, les adeptes prévoient au moins une étape préalable à la centralisation universelle en un seul super-état, et que, dans le secteur auquel appartient le Canada, certains éléments s'agitent pour hâter une fédération immédiate des démocraties. Fédération qui serait plutôt la fusion de toutes en une seule grande démocratie. Il n'y aurait plus de Canada comme tel, plus d'États-Unis, plus d'Angleterre, plus d'Australie, plus de républiques latines. Mais une grande démocratie unique. Le Canada en serait une province ; l'Angleterre une autre ; le pays des Yankees une autre, et ainsi de suite.

C'est le mouvement "Union, Now", dont M. Clarence Kirshman Streit, journaliste de New-York, a pris l'initiative en Amérique. On trouve de beaux lurons là-dedans. Paul Warburg, le financier que nos lecteurs connaissent, en fait partie. Le chairman du chapitre de New-York est M. W. J. Schieffelin. Essayez de retenir ces noms.

Nous possédons maintenant la liste des membres du comité canadien formé à Toronto en novembre. Le président n'est autre que notre célèbre pan-américaniste et pan-tout Jean-Charles Harvey, directeur du journal Le Jour, de Montréal. Un grand joueur de tennis, Philip D. Lyons, d'Ottawa, y apporte son prestige sportif. Aussi M. E. S. Bates, que nous avons connu comme éditeur et rédacteur du Canadian Textile Journal : il sait apprécier les gros bonnets des textiles, les Gordon et compagnie, qu'il défendait contre le rapport Turgeon.

Voici la liste complète du comité canadien :

Jean-Charles Harvey, président ;

Dr. Herbert L. Stewart, Université de Dalhousie, vice-président ;

Capitaine Elmore Philpott, Victoria, Colombie-Britannique, organisateur ;

Révérend Henry H. Walsh, Dartmouth, Nouvelle-Écosse ; Brigadier-général F. W. Hill, Frédéricton, N.-B. ; Archdeacon F. G. Scott, Québec ; E. S. Bates, Montréal ; Phillip D. Lyons, Ottawa ; Arthur Ford, de la Free Press de London, Ont. ; Révérend J. C. Cochrane, North Bay, Ont. ; John Queen, maire de Winnipeg ; l'honorable M. A. MacPherson, Régina, Sask.

Si dans ce groupe, notre nationalité n'est représentée que par un seul homme, ce n'est pas le moindre, puisqu'il en est le président. M. Harvey honore sa province chaque fois qu'il en sort.

Le mouvement, nous le disions, n'a point eu à quêter ses fonds jusqu'ici. S'il n'est pas encore populaire, il a de gros souteneurs. Il bénéficie d'ailleurs des bénédictions d'hommes publics de Londres et de Washington ; celles d'Ottawa lui sont donc assurées et les moyens de propagande lui seront facilités. C'est ainsi que le 1er décembre, un des protagonistes de l'union des démocraties, Lewis Mumford, se faisait entendre sur le réseau national de la radio canadienne, dans le programme Let's Face the Facts, organisé à même les deniers publics, par le directeur fédéral de l'information publique, M. G. H. Lash.

Lewis Mumford est un auteur américain. "Rien moins qu'une union fédérale des peuples démocratiques, dit-il, ne sera assez forte et assez décisive pour servir de point de départ au long procédé de reconstruction qui nous attend."

Remarquez bien qu'il parle d'un point de départ, non d'un objectif éloigné. "Union Now" — Union immédiate. Grande fédération, nous laissant les jouets, mais centralisant l'ARMÉE et L'ARGENT, au point de départ de toute réforme, de tout ordre nouveau.

L'armée et l'argent ! Après ces deux préambules-là, ceux qui, comme nous, s'imaginent avoir droit de réclamer l'affranchissement des liens de la finance, devront s'asseoir tranquilles pour le reste de leurs jours. Quant à nos rhéteurs des nuages, habitués à gesticuler tout en respectant religieusement les bornes posées par les banquiers, ils seront libres de continuer leurs gesticulations, le regard serein et longanime posé sur le menu peuple qui courbe l'échine ou crève. Rien ne sera changé pour eux.

Quand aurons-nous compris qu'on ne peut attendre de décentralisation, de corporatisme viable, d'organisations véritablement autonomes, faites pour des personnes libres, tant qu'on se laissera conduire par un système de finance qui est la centralisation incarnée ?

Louis EVEN

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