Les Africains sont heureux, et nous aussi d’ailleurs, de la nomination de Son Eminence le Cardinal Peter Turkson à la présidence du Conseil Pontifical Justice et Paix.
Samedi 24 octobre 2009: Benoît XVI nomme le cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, archevêque de Cape Coast, au Ghana, nouveau Préfet du Conseil pontifical justice et Paix. Ce poste, jadis occupé par le cardinal béninois Bernardin Gantin, fait de lui l’une des personnalités les plus écoutées de l’Église catholique. Nommé cardinal en 1992 par Jean-Paul II, l’énergique archevêque de Cape Coast devient ainsi l’un des plus proches collaborateurs du souverain pontife et entre dans le cercle fermé des prélats éligibles au poste suprême. En 2010, ce théologien et enseignant aura à cœur de faire travailler en réseau les Églises africaines sur les questions de justice sociale, de favoriser la formation et l’engagement des laïcs, et de faire entendre la voix des évêques africains
A 61 ans, il est le plus jeune cardinal africain, il remplace le cardinal Renato Martino, âgé de 77 ans. Il a fait ses études pour la prêtrise dans l’État de New-York, et a obtenu, en 1992, un diplôme en études bibliques de l’Institut biblique pontifical de Rome, ce qui fait qu’il parle couramment l’italien. La même année, à 44 ans, il était nommé archevêque de Cape Coast. Il était le rapporteur général du synode des évêques d’Afrique, et parle aussi couramment le français et l’allemand, ainsi que le latin.
Il est le quatrième d’une famille de dix enfants, et compte 30 neveux et nièces. Son prénom (Kodwo) en langue locale (le fante) signifie «lundi», car la tradition est de nommer chaque enfant d’après le jour où il est né. «Il y a deux vendredis dans ma famille, et trois dimanches, je suis le seul lundi», dit-il.
ROME, Mercredi, 3 Février, 2010 (ZENIT.org) ... Dans un entretien accordé à Edward Pentin, mardi, 26 janvier, dans son bureau du Trastevere, à Rome, le cardinal Turkson a estimé qu’il était encore trop tôt pour présenter ses objectifs pour le dicastère, mais il a tout de même donné quelques indications sur sa direction future.
Puisant dans son background africain, il a exprimé le souhait de pouvoir apporter au travail du Conseil pontifical ce «grand sens de la solidarité» du continent. Un des thèmes principaux du Synode pour l’Afrique de 2009 - dont il était Rapporteur général - était «le sens commun de la fraternité de l’humanité» qui, affirme-t-il, «sera utile pour comprendre et poursuivre le bien commun».
Un des premiers devoirs, que s’est imposé le Cardinal, est celui de rencontrer Benoît XVI pour lui demander sa vision sur le Conseil pontifical justice et paix. «C’est lui le Chef et tous les dicastères existent pour l’aider à mener la mission et le ministère de l’Eglise», a-t-il expliqué. «Je ne voudrais donc pas que mes programmes diffèrent du sien».
Il a aussi exprimé sa volonté de visiter tous les présidents des dicastères avec Mgr Mario Toso, son secrétaire, lui aussi arrivé depuis peu au Conseil pontifical justice et paix.
En somme, il souhaite construire sur ce que le cardinal Martino, son prédécesseur, a déjà obtenu: «Que les Africains me pardonnent cette expression, mais je ne voudrais pas finir comme un chef d’Etat africain», plaisante-t-il.
«Quand un nouveau gouvernement se met en place, il balaie tout ce qu’a fait le précédent, l’accusant de corruption. Je souhaite au contraire maintenir une continuité», pour découvrir ce que le cardinal Martino a fait.
Dans les prochains mois, deux thèmes seront probablement au centre de l’attention du dicastère. Le premier est la manière dont les gouvernements et le monde de la finance entendent répondre à la crise économique et dans quelle mesure l’encyclique sociale de Benoît XVI «Caritas in veritate» sera suivie par les responsables dans le monde (le document souligne notamment que l’absence de moralité, d’éthique et de vérité sont à la base de la crise actuelle).
Si, à ses yeux, il est trop tôt pour dire si les réformes actuelles sont en accord avec «Caritas in veritate», le cardinal Turkson a la conviction que les gens y portent de l’intérêt. «Ce que je peux dire c’est que l’attention des gouvernements du monde aux paroles du pape s’est beaucoup renforcée ces derniers temps», affirme-t-il. «Cet intérêt est pour moi la chose la plus positive: certains sont finalement disposés à écouter». Même s’il se dit conscient qu’écouter n’est pas agir concrètement.
Un second thème fondamental sera celui de l’environnement. Un thème auquel Benoît XVI porte beaucoup d’attention.
Je ne crois pas que le Saint-Père élabore une «nouvelle théologie» de l’environnement, comme certains l’ont suggéré. «Il s’agit plutôt d’adopter une conscience environnementale», affirme-t-il. Pour le cardinal africain, le mot clé qui unit «Caritas in Veritate» au Message pour la Journée mondiale de la paix, qui unit le soin de l’environnement à la paix, est «solidarité».
Le cardinal Turkson réfute l’idée selon laquelle la justice sociale serait une préoccupation majoritairement de gauche, à considérer comme un héritage de la théologie de la libération des années 1960-1970.
«En suivant l’intuition du Concile Vatican II pour ce dicastère, son devoir est de réfléchir et de traduire la doctrine sociale de l’Eglise sur des thèmes sociaux», affirme-t-il. «Je pense que c’est un point de vue très valable, que ce Conseil pontifical cherchera à actualiser et, dans ce sens, je ne le vois pas comme un programme de gauche». Il estime également qu’il faut rester «attentif et vigilant pour qu’il ne soit pas instrumentalisé» par des idéologies politiques.
Le cardinal Turkson a également évoqué sa grande préoccupation pour l’insuffisance de la catéchisation en Afrique, des laïcs comme des prêtres, (...) qui mène à la superficialité. Le christianisme, souligne-t-il, se réfère à un événement, une expérience et finalement une conversion. Trop souvent, la catéchèse a été détournée, limitant Jésus à des informations et des idées et non à un enseignement ou à une expérience personnelle. La foi est souvent enseignée par cœur, et cela a ses conséquences.
«Nous avons dans les séminaires des gens qui n’ont jamais fait une expérience concrète de Jésus, qui n’ont qu’une notion d’un certain Jésus et cela est destiné à se perpétuer», déplore-t-il. «On ne peut pas donner ce qu’on n’a pas ». Et «c’est peut-être aussi le problème en Occident».
Edward Pentin
Rédaction française Marine Soreau