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«Toute la terre est devenue comme un grand super-marché»

le lundi, 01 mars 2004. Dans Homélies

Extraits de la conférence de S. E. Mgr François Lapierre, évêque de St-Hyacinthe, au congrès missionnaire à Guatamala, le 24 novembre 2003.

par S. E. Mgr François Lapierre p.m.é.

Nous connaissons tous quelques défis du monde actuel. Il est devenu pratiquement un lieu commun de parler de mondialisation et de globalisation. Ce processus n'est pas nouveau, il est présent sur notre continent depuis le XVIe siècle. Mais aujourd'hui, il prend des formes nouvelles. Depuis la visite des premiers colonisateurs martyrs.

Toute la terre est devenue comme un grand super-marché. Tout peut y être transformé en marchandise. Même la religion. Il faut aujourd'hui faire la preuve qu'une vie avec un élément transcendantal est une vie plus riche qu'une vie purement matérialiste.

Nous savons que cette globalisation de l'économie, loin de faire disparaître les inégalités les accentue. Les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Cela est vrai dans les pays plus riches comme dans les pays plus pauvres.

Beaucoup de gens sur notre continent n'ont pas de travail. D'autres font l'expérience de la précarité du travail, du jour au lendemain, ils peuvent perdre leur travail. Il y a tout le phénomène des travailleurs saisonniers qui ont des conditions de vie très difficiles, c'est une réalité que je peux constater dans mon diocèse.

Nous avons une vision commerciale de la religion.

Le modèle de développement actuel a généré dans les pays plus pauvres de notre planète une dette extérieure qui rend impossibles des projets de transformation sociale. Comme l'a écrit le pape Jean Paul II dans l'exhortation apostolique « Ecclesia in America » « déjà le paiement des intérêts constitue pour l'économie des pays pauvres un poids qui enlève aux autorités la disponibilité de l'argent nécessaire pour le développement social, l'éducation, la santé et l'institution d'un fonds pour créer du travail. » (Ecclesia in America 22). J'ai vu sur le t-shirt d'un jeune homme : « La dette, c'est la mort, nous voulons vivre. »

Il y a la libre circulation pour les biens, mais pas pour les personnes.

Nous sommes souvent aveugles sur le fait que cette priorité des relations commerciales sur les relations humaines, de l'avoir sur l'être crée un grand vide existentiel et spirituel. La plus grande frustration aujourd'hui, c'est la désolation spirituelle.

Une réalité qui exprime bien cette frustration, c'est la drogue. Elle est produite au sud de notre continent, emmagasinée au centre et vendue au nord. Un évêque m'a dit un jour que si je voulais mourir martyr, je n'avais qu'à m'opposer à ce pouvoir de la drogue.

Dernièrement, nous avons eu une journée de retraite d'un groupe de jeunes de la rue de la ville où je demeure. Le thème de la journée était « Être dans le monde sans être du monde ». La retraite a bien fonctionné jusqu'à ce que trois de ces jeunes découvrent une plantation de marihuana à proximité de la maison où nous étions, et la retraite s'est terminée ainsi que l'humanisme chrétien. Je voyais des jeunes qui n'ont pas eu d'amour d'un père ou d'une mère, et donc la drogue est devenue leur religion. Comme on entend dire que la religion est l'opium du monde, aujourd'hui, il semble que l'opium est devenue la religion du monde.

J'ai vu dans cette expérience comme une parabole des temps où nous vivons, le signe du déclin d'une civilisation.

Heureusement, il y a des signes de la recherche d'une nouvelle civilisation. Il faut noter la conscience de plus en plus grande des droits humains et de la dignité de la personne humaine. Comme le Pape Paul VI mentionnait, la civilisation de l'amour.

Comment cette réalité du monde interpelle-t-elle nos Eglises ? Que signifie la Mission dans toute cette réalité ? Quelle parole nous dit le Seigneur dans la réalité actuelle ?

Mondialisation et mentalité paroissiale

...Nous nous sommes rendus compte que nous pouvions travailler ensemble. Nous devons vivre davantage une meilleure relation entre nos églises de l'Amérique. On oublie que ce continent est majoritairement catholique.

Dans les premiers chapitres de l'évangile de Saint Luc, nous trouvons le texte de la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth. Cette visitation nous rappelle que « Dieu visite et rachète son peuple », que la Mission est d'abord la Mission de Dieu. La mission n'est pas d'abord géographique mais théologique. Nous pouvons en faire l'expérience chaque fois que nous sortons de nous-mêmes et que nous nous ouvrons à l'autre comme Marie qui est allée vers sa cousine Élisabeth.

Aucune Église ne peut trouver la solution à tous ses problèmes à l'intérieur d'elle-même. Le magnifique décret « ad gentes » nous dit que c'est la charité prête à aller jusqu'au bout du monde qui renouvelle l'Église. Une Église se meurt quand elle se replie sur elle-même.

Mission et dialogue

Samuel Huntington, dans son livre fameux « Le choc des civilisations » affirme que la force centrale, non une des forces, mais la force centrale qui mobilise les personnes dans les cultures d'aujourd'hui, c'est la religion.

Dieu est plus grand que notre cœur. Il est plus grand que tout ce qu'on peut imaginer, il a voulu que les différences soient ainsi dans son plan qui est difficile pour nous de comprendre.

Cette culture du dialogue m'apparaît particulièrement importante dans un monde où beaucoup croient apporter des solutions aux problèmes du monde à travers la violence et la guerre. La culture du dialogue est une culture de la Paix....

Annonce de l'évangile

La mission c'est la culture du désir de l'annonce de l'Évangile.

La nécessité du dialogue n'enlève rien à l'urgence de la Mission qui, normalement, doit aller jusqu'à l'annonce explicite de Jésus-Christ. Au cœur de la mission, il y a un immense désir de dire l'amour de Dieu manifesté en Jésus, le Seigneur. C'est ce désir qui habitait le coeur des grands missionnaires. Je pense à Saint François Xavier mort sur une petite île en face de la Chine, brûlant du désir d'annoncer l'Évangile.

Dans notre communauté, il y a eu un évêque avant moi, le premier, il s'appelait Lapierre aussi, il est mort dans le nord de la Chine. Il est mort au début de la révolution sous Mao. Personne ne sait où est son corps, il a dû tomber comme une graine qui va produire en Chine.

La société de consommation où nous vivons éteint le désir. On parle beaucoup de sexualité mais pas de relation humaine. Ceci explique peut-être que beaucoup gémissent sur les difficultés du temps où nous vivons mais peu sont prêts à s'engager. Un père de l'Église a dit : « Il y a beaucoup de prêtres mais peu d'ouvriers. » Il est bien de voir les structures qui ne fonctionnent pas mais, pour créer un monde nouveau, il faut des acteurs prêts à risquer leur vie.

Jonas a eu peur d'aller à Ninive, il lui a fallu vivre une retraite de trois jours dans le ventre d'une baleine pour se décider à prendre la route que lui indiquait le Seigneur.

À la fin du livre des Actes des Apôtres, nous retrouvons un Paul isolé dans l'appartement qui lui sert de cellule à Rome. Sa mission est apparemment un échec, et cela aussi semble être une loi de la mission.

Mais le livre des Actes se termine en affirmant que Paul « enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ avec une entière assurance et sans entraves. » (Actes 28,31) Il me semble que cette attitude est tout à fait adaptée à la situation que nous vivons. L'entière assurance, c'est la « parrèsias » un mot très important dans la culture grecque, un mot qui veut dire assurance, courage, enthousiasme, vigueur. Un mot qui veut dire qu'on n'est pas sur la défensive et qu'on ne pratique pas la fuite en avant.

Le livre des Actes nous dit aussi que Paul enseignait « sans entraves », c'est dire que la Parole de Dieu n'est pas enchaînée (2 Tm 2,9) rien ne peut arrêter sa course. C'est là le fondement de notre espérance. Comme saint Paul, dit « Ce n'est plus moi qui vit, mais le Christ qui vit en moi. » Le plus grand défi, un monde de paix. Bon courage aux églises de l'Amérique.

24.11.03

+François Lapierre p.m.é.

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