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Pie XII, injustement accusé d'avoir laissé périr les Juifs

le mercredi, 01 mai 2002. Dans Autres Papes

Durant la seconde guerre mondiale, sous le régime nazi

Chanoine Paul Larrive

Nous publions des extraits d'un article du Chanoine Paul Larrive, publié dans l'édition du 2e trimestre 2002 - No 186 de la magnifique revue « L'appel de Notre-Dame », 193, Avenue du Maine, 75014-Paris, France.

Article pour répondre aux calomnies portées contre le Pape Pie XII par les media d'information :

De nouvelles attaques se déchaînent contre le Pape Pie XII, au moment où sort le film « Amen » sur les écrans, attaques qui n'ont d'autre but que de salir la mémoire de ce grand Pape. Déjà en 1963, à l'occasion de la sortie de la pièce « Le Vicaire » au théâtre de l'Athénée, le Pape Pie XII fut violemment accusé de n'avoir pas pris de responsabilités face à la persécution des Juifs, il s'agit d'une accusation totalement fausse, venant de réseaux anticléricaux.

À l'époque déjà, le Chanoine Paul Larrive avait donné dans le numéro 171 de « L'Appel de Notre-Dame », un article qui avait eu une certaine résonance et que nous voulons rappeler aujourd'hui.

On est allé jusqu'à affirmer, sans aucune preuve, l'existence d'une correspondante entre Pie XII et Hitler, à accuser le Saint-Siège d'avoir caché des caisses d'or que les Nazis avaient volées aux Juifs. On a même entendu des personnages déclarant s'opposer à ce que l'on béatifie Pie XII, toujours pour la même raison...

Cependant, les travaux historiques les plus récents ont établi que la « légende noire » concernant le prétendu « silence » du Pape a été bâtie de toutes pièces, une légende qui a commencé à se répandre six ans après la mort du Pontife, en 1963, avec la sortie de la pièce de théâtre, « le Vicaire », de Ralph Hochuth.

Jean-Paul II n'a pas hésité à prendre la défense de son prédécesseur. À un journaliste qui lui demandait dans l'avion qui le conduisait au Nigéria, ce qu'il pensait de Pie XII, il a répondu : « Ce fut un grand Pape ».

Il se peut que certains de nos lecteurs aient été troublés par les accusations qui ont trouvé un large écho dans tous les media ; « L'Appel de Notre-Dame » a pensé qu'il était de son devoir de consacrer un article à cette question. C'est pour notre publication, d'abord, un devoir de vérité ; c'est ensuite, un devoir de reconnaissance à l'égard de ce Pape qui s'est voulu « le Pape de Fatima ».

En effet, il avait accepté à ce titre qui avait été proclamé par des pèlerins portugais lors de l'inauguration de la chapelle de Notre-Dame de Fatima dans l'église jubilaire de Saint-Eugène, en juin 1951. Déjà, en 1946, il avait désigné le cardinal Masella comme son légat, à Fatima, pour couronner en son nom, « la Reine du monde et de la paix ».

Lors des cérémonies de clôture de l'Année Sainte, à la Cova da Iria, le cardinal Légat, Fédérico Tedeschini, avait déclaré, par quatre fois, les 30 et 31 octobre, les 1er et 8 novembre, le « signe de Dieu » du 13 octobre 1917 s'était montré au Souverain Pontife, au Vatican. (Osservatore Romano des 13 et 17 novembre 1951) Il avait conclu en proclamant : « Le binôme Fatima-Vatican est devenu évident comme jamais durant ce saint Jubilé ».

On sait que le Pape avait déclaré au R.P. Suarez, maître général des Dominicains : « Dites à vos religieux que la pensée du Pape est contenue dans le message de Fatima »,

Personnalité de Pie XII

Eugenio Pacelli était issu, tant du côté de sa mère que du côté paternel, de deux anciennes familles de la noblesse romaine. Un de ses grands-pères avait été ministre des Finances de Grégoire XVI ; l'autre grand-père avait été le fondateur, sous Pie IX, de « l'Osservatore Romano », son père, Filippo, avait été le doyen des avocats consistoriaux ; son frère aîné, François fut l'interlocuteur direct de Mussolini et avait joué un rôle important dans la réalisation des Accords du Latran.

On le voit, un départ dans la vie selon une grande tradition de service du Saint Siège.

Le 2 mars 1939, après un conclave de deux jours, le plus court dans l'histoire de l'Église, il est élu Pape. Il a 63 ans. La guerre va commencer.

À la défense de Pie XII

Après la fin de la guerre, les Juifs remercient le Pape pour son action en faveur de leurs coreligionnaires. On entend dans ce sens de grandes voix d'Israël : Le Docteur Natha, de la Commission hébraïque italienne, en 1945, puis, la même année, Léo Kubowitzi, secrétaire général du Congrès juif mondial, présente au pape « au nom de l'union des communautés israélites, les remerciements les plus chaleureux pour les efforts de l'Église catholique durant la guerre ». Quatre-vingts représentants des rescapés des camps d'extermination sont venus remercier le Pape pour sa générosité envers ceux qui furent persécutés.

À la même époque, Einstein est venu mêler sa voix au concert de remerciements pour déclarer : « L'Église catholique est la seule à élever la voix contre l'assaut mené par Hitler contre la liberté... J'exprime ma grande admiration et mon profond attachement envers cette Église... » Le 16 mai 1955, 94 musiciens juifs venus de 14 pays différents, jouent devant Pie XII la Neuvième Symphonie de Beethoven pour le remercier d'avoir sauvé tant de Juifs pendant la Guerre.

À la mort du Pape, Golda Meir, ministre des Affaires étrangères d'Israël, écrivit : « Quand l'effroyable martyre atteignit notre peuple, la voix du Pape monta au nom des victimes. Nous pleurons un grand serviteur de paix ».

N'oublions pas le témoignage émouvant du grand rabbin de Rome. Lorsqu'il se convertit, frappé par le dévouement du Pape pour les Juifs qu'il avait abrités partout où il avait pu, il voulut prendre comme nom de baptême celui même du Saint Père : Eugénio. Il mourut prêtre catholique.

Ajoutons ceci qui n'est pas sans signification, le 29 novembre 1944, l'United Jewish Appeal avait délégué soixante-dix rescapés pour exprimer au Pape la reconnaissance du peuple juif. Le 9 février 1948, le consul d'Israël à Milan, Pinhas Lapid fut reçu par le Pape avec une délégation de soldats de la brigade palestinienne et le remercia pour son action en faveur des Juifs. Il déclarera dans le journal « Le Monde » du 13 décembre 1963, qu'il ne comprend pas pourquoi l'on s'acharne contre Pie XII. « Je peux affirmer, déclara-t-il, que le Pape, personnellement, le Saint Siège, les Nonces et toute l'Église catholique ont sauvé 150,000 à 400,000 Juifs d'une mort certaine ».

En 1967, après des enquêtes approfondies menées dans toute l'Europe et dans les archives de Jérusalem ainsi qu'auprès des survivants, il aboutit finalement au chiffre de 860,000 Juifs sauvés grâce à Pie XII (« Rome et les Juifs », Seuil, 1967).

D'où est donc venu le début des attaques contre Pie XII et son prétendu « silence » ?

Nous l'avons dit plus haut : de la médiocre pièce d'un obscur auteur allemand, Ralph Hochuth, – ancien membre des Jeunesses hitlériennes, soit dit en passant, — « le Vicaire »... Il y salit la mémoire du Souverain Pontife qui aurait consenti au génocide des Juifs.

Le thème est le suivant : « Un jésuite, le Père Fontana est allé supplier le Pape d'intervenir par une déclaration publique, le Pape a refusé ; alors le jésuite a décidé de porter l'étoile jaune, a été arrêté, déporté et est mort à Auschwitz... Le Pape a du sang sur les mains. Il pouvait parler, il ne l'a pas fait. Il est donc gravement coupable. La pièce a été interdite en Allemagne, en Angleterre, en Suisse, aux États-Unis. Elle ne put pas être jouée en Israël. Hélas, elle l'a été en France sous l'égide d'un auteur « catholique », François Mauriac. Ce dernier écrit en épigraphe des premières éditions : « Nous n'avons pas eu la consolation d'entendre le successeur du Galiléen Simon-Pierre condamner clairement, nettement et non par allusions diplomatiques, la mise en croix de ces innombrables « frères du Seigneur » (cité par la « Nef » no 55, p. 26). Ce devait être le signal de l'assaut avec le livre de J. Nobecourt, « Le Vicaire et l'Histoire », celui de Guenter Lewy ou de Saul Friedlander, avec l'accusation portée par le bénédictin belge Georges Passelecq, et le juif Bernard Suchecky contre le Pape qui aurait « enterré » une encyclique de Pie XI sur l'antisémitisme.

Ainsi, à écouter ces défenseurs des exigences morales, Pie XII aurait été aveuglé par sa germanophilie, aurait fermé les yeux sur les crimes du Nazisme, sur la persécution des Juifs. Il n'est pas le grand Pape que l'on se plaît à célébrer mais, par son lâche silence, un grand coupable devant l'Histoire.

Pie XII a parlé

On doit dire que Rome et l'Église ont parlé bien avant la guerre. Il y a avait eu l'Encyclique de Pie XI contre le Nazisme, « Mit brennender sorge ».

On sait de façon certaine que c'est le Cardinal Pacelli, Secrétaire d'État, futur Pie XII, qui l'avait rédigée. Il y avait eu, le 25 septembre 1928, un décret du Saint Office condamnant l'antisémitisme sous toutes ses formes. Pie XI avait déclaré d'une manière très forte : « Nous sommes tous spirituellement des sémites ». La formule avait frappé. Il y avait eu des premières persécutions contre les Juifs à la suite des cinq sermons du Cardinal Faulhaber, de Munich, condamnant les sévices dont les Juifs étaient victimes. Ainsi le Cardinal Pacelli aida le grand rabbin de Bavière à abriter les objets sacrés de la synagogue au palais épiscopal de Munich.

Si, après la « nuit de cristal » (« Kristalnacht ») de novembre 1938 où 30,000 Juifs furent arrêtés, des synagogues incendiées, des magasins pillés, le Cardinal Pacelli n'éleva pas la voix, c'est qu'il en fut dissuadé par Monseigneur Von Preysing qui redoutait les conséquences d'une intervention romaine. Mais Hitler avait compris : l'Allemagne ne fut pas représentée au couronnement de Pie XII.

Pie XII a parlé pendant la guerre. Il y a eu la première Encyclique du nouveau Pape, « Summi Pontificatus » où il proclame « l'égalité de nature raisonnable chez tous les hommes... Il n'y a ni Grecs, ni Juifs ». Le Pape reprend la parole de Saint Paul qui prend maintenant une signification particulière. Le Saint-Père a été informé par l'ambassadeur Myron Taylor de mesures d'extermination des Juifs, d'où le radio-message de Noël 1942 où il évoquait ceux qui « ont été pour le seul fait de leur nationalité ou de leur race voués à la mort ou une extermination progressive ».

Le Pape a bien parlé, mais pourquoi n'a-t-il pas parlé plus fort ? C'est parce qu'il savait que ses paroles pouvaient avoir des conséquences désastreuses pour ceux-là mêmes qu'il voudrait sauver.

Dès le 13 mai 1940, il le disait à l'ambassadeur d'Italie près du Saint Siège. Le 2 juin 1943, il fit la même déclaration devant le Sacré Collège. Lorsque à la fin de l'année 1939 il y eut des atrocités nazies en Pologne et qu'il les eût dénoncées à la radio, les évêques polonais l'ont supplié de ne plus parler. Durant les dernières années de la guerre, Monseigneur Paganuzzi, aumônier de l'Ordre Souverain de Malte, qui accompagnait des trains de son Ordre avec des aides sanitaires, demanda son avis au Cardinal Sapieha, primat de Pologne de la part du Pape qui voulait faire un geste pour dénoncer les crimes qui étaient en train de s'accomplir, le Cardinal polonais répondit : « Dites au Pape que nous le conjurons de ne rien faire ; c'est le peuple polonais, Juifs et catholiques ensemble, qui paierait, le prix de la dénonciation ».

On sait, au reste, quel fut le résultat de la protestation des évêques hollandais, en juillet 1942. Ce fut une recrudescence de la persécution atteignant maintenant même les Juifs baptisés. Edith Stein et sa sœur, religieuses carmélites qui s'étaient réfugiées aux Pays-Bas, en furent les victimes, gazées et brûlées à Auschwitz. À chaque protestation publique répondaient aussitôt des violences terribles. C'est pourquoi les évêques polonais et allemands se turent.

C'est pourquoi, - et personne ne leur reproche – la Croix-Rouge abandonna son projet de protestation officielle, c'est pourquoi les U.S.A., les Anglais, les protestants observèrent un silence total alors que le silence de Pie XII fut un silence « relatif » de paroles feutrées comme les 124 lettres adressées aux évêques allemands concernant la pastorale antinazie. Cette discrétion permettait au Pape d'agir avec les moyens qui étaient les siens.

Le Pape a agi

Car Pie XII a agi et il est malhonnête de le cacher ! Il a d'abord soutenu les évêques allemands qui ont maintenu la position de l'Église face au Nazisme. Il a agi en Europe : en Belgique avec l'aide du Cardinal Van Rœy ; en Hongrie où il est intervenu auprès du Régent Horthy ; en Autriche, en Roumanie, en Bulgarie, avec la collaboration du nonce apostolique qui devait devenir Jean XXIII et qui en a témoigné par la suite. En Italie, il ouvrit toutes grandes aux Juifs les portes du Vatican, de sa résidence de Castelgandolfo, de ses appartements privés. Il donna ordre aux Communautés religieuses d'agir de même. Il créa une commission pontificale d'assistance aux réfugiés (2 millions de repas distribués en 1944). il monta un réseau de filières clandestines, « l'Œuvre Saint-Raphaël », afin de faire passer les Juifs en Amérique sous de fausses identités : il fait passer, avec la collaboration d'un moine français, le Père Benoît, 250,000 Juifs en Espagne.

Il agit, en liaison avec le recteur de l'Église protestante allemande à Rome, auprès du commandant militaire de Rome, le général Stahel, pour arrêter les perquisitions et les arrestations. Lorsque le commandant des S.S. de Rome imposa aux Juifs de la Ville Éternelle de verser, dans les 36 heures, une rançon de 50 kg d'or, le Pape fit ramasser au Vatican tous les objets en or pour que les Juifs puissent arriver au poids exigé. Il sauvait ainsi 200 de leurs coreligionnaires de la déportation. Enfin, ajoutons qu'il autorisa les prêtres à délivrer de faux certificats de baptême. Comme l'a écrit dans un livre, publié à Milan, l'historienne italienne, Monica Biffi, se basant sur l'activité du Nonce Apostolique à Berlin, Mgr Caesare Orsenigo, pendant le conflit mondial, « C'est une vraie "guerre froide" que Pie XII a livrée à Hitler ». On comprend qu'en mai 1952, Pie XII est pu déclarer : "Qu'aurions-nous dû faire que nous n'avons pas fait ? »

Pasteur Angélique, Maître de Vérité, thaumaturge aussi, comme en a témoigné un médecin personnel, Pie XII a été un Pape de grand courage et de grande sagesse. Un Pape qui est la gloire de l'Église, à qui doivent aller notre admiration, notre reconnaissance et notre prière.

Chanoine Paul Larrive

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