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Le Chemin de Croix du Cardinal Kazimierz Swiatek

le samedi, 01 janvier 2005. Dans Catéchèses et enseignements, Témoignages

Dans les prisons soviétiques, sous le régime communiste

Dans la matinée du 27 septembre 2004, S. S. le Pape Jean-Paul II remettait à S. Em. le Cardinal Swiatek archevêque de Minsk-Mohilev, (Biélorussie) le prix « Fidei testis » décerné par l'Institut Paul VI de Brecia. (L'Osservatore 5 octobre 2004.)

De S. S. le Pape Jean-Paul II

En m'adressant à vous, cher et vénéré Cardinal Swiatek, je désire vous présenter mes sincères félicitations pour cette reconnaissance prestigieuse. Le titre de « Fidei testi » est, en effet, un titre approprié plus que tout autre pour un chrétien ; il l'est à plus forte raison pour un pasteur élevé à la pourpre cardinalice et qui, au cours des années difficiles de la persécution de l'Église en Europe de l'Est, a rendu un témoignage fidèle et courageux au Christ et à son Évangile.

Monsieur le Cardinal, votre ordination sacerdotale précéda de peu le début de la Deuxième Guerre mondiale. Deux années plus tard, la Providence vous appela à parcourir la via crucis (Chemin de la Croix) de la persécution, solidaire à la passion du peuple chrétien qui vous était confié, portant personnellement la croix de la prison, de la condamnation injuste, des camps de travail avec leur fardeau de fatigue, de froid, de faim. « On en pouvait survivre qu'avec la foi », avez-vous confié. Et le Seigneur vous a accordé un foi forte et courageuse pour surmonter cette longue et dure épreuve, au terme de laquelle vous êtes revenu dans la communauté ecclésiale en tant que témoin plus crédible encore de l'Évangile : Fidei testis....

« Dieu comme tu es puissant, Comme tu es bon ! »

Du Cardinal Swiatek

Je voudrais vous exprimer ma plus profonde gratitude pour la remise du prix spécial « Fidei testis » attribué par l'Institut « Paul VI ». Je me sens véritablement honoré de cette récompense, mais je dois cependant confesser que je la considère comme un honneur fait non seulement à ma personne, mais surtout à tous les fidèles de nos terres qui ont souffert sous le régime communiste, mais qui ont conservé la foi au fil des ans.

Il faut également manifester une reconnaissance spéciale aux babushke (grands-mères) qui ont transmis la foi catholique aux générations futures. C'est à elles que nous devons notre gratitude pour la foi et le fait que celle-ci n'ait pas complètement disparu de ces terres si profondément opprimées.

Même si elles n'ont pas payé leur foi au prix du sang, leur vie porte toutefois le signe du martyre. Et il y a encore de nombreux héros qui restent dans l'ombre de l'histoire et de la mémoire humaine, mais qui sont ceux à propos desquels saint Jean écrivait : « Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau »

Chaque paroisse, chaque village et même chaque famille a ses témoins de la foi qui ont souffert pour elle, certains d'entre eux ayant donné leur propre vie.

J'ai été ordonné prêtre le 8 avril 1939 et je pourrais dire que je n'ai eu une vie normale que pendant quelques mois, celle qui est décrite dans les manuels de théologie pastorale. Le premier septembre de la même année, la Deuxième Guerre mondiale a éclaté. C'est à partir de ce moment qu'a commencé ma vie « extraordinaire ». Ce fut d'abord l'occupation soviétique puis successivement l'occupation allemande, la condamnation à mort par une armée d'occupation, puis par l'autre. Puis vinrent dix années de camps.

Après la libération apparut l'interrogation : où aller ? Où est ma maison ? Qui est resté en vie dans ma famille ? Où sont mes parents, mes amis, qui a survécu ?

Je suis finalement arrivé à Pinsk, où j'ai obtenu avec de grandes difficultés le permis d'exercer le ministère sacerdotal. J'ai ensuite vécu de longues années dans la réalité soviétique, dans la résistance contre l'œuvre du malin, avec la menace permanente de me voir ôter la permission d'exercer le ministère sacerdotal ou d'être renvoyé dans un camp, d'où je venais à peine de revenir. C'était chaque jour une bataille pour l'âme de chaque fidèle.

Et les proportions de cette lutte étaient semblables à celles de David et Goliath, mais dans mon cas, David n'avait même pas de fronde. Il semblait que le monde libre nous avait oubliés, faisant alliance avec nos persécuteurs, cherchant la paix et la sécurité. Alors que le monde exultait de joie pour sa réconciliation avec les communistes, ici on détruisait les églises, les prêtres mouraient et les fidèles étaient sans cesse persécutés à cause de leur foi. Aujourd'hui encore, nombreux sont ceux qui ne veulent pas entendre parler des crimes des communistes, et qui pensent que le communisme n'a été qu'une aventure romantique qui n'a été la cause d'aucun mal.

Mais Dieu est plus grand que notre faiblesse et que notre imagination. Il y a un temps pour détruire, il y a un temps pour construire. Je remercie infiniment Dieu parce qu'il m'a accordé la grâce de survivre aux longues années de persécution et d'être encore un témoin et un acteur de la libération, de la renaissance et du développement de l'Église qui est en Biélorussie. Il s'agit d'une joie immense : voir les églises remplies de fidèles, voir l'Église qui se développe, voir que l'amour est plus fort que la mort.

Certains d'entre vous se demanderont peut-être : Comment as-tu fait pour supporter tout cela ? En 1954, cette même question m'a été aussi posée par un officier du KGB. C'était le dernier jour de mon séjour dans le camp. Un Capitaine major était assis derrière un bureau et je me trouvais contre le mur. L'officier examinait avec attention un dossier volumineux contenant la documentation sur mes séjours dans les prisons et dans les camps. De temps en temps, il levait le regard sur moi, me dévisageant avec une expression de surprise. Parvenu à la dernière page, il me demanda : « Comment as-tu pu supporter tout cela et rester en vie ? » Il ne réussissait pas à le comprendre, les règles du KGB étaient simples et sans équivoques : pour une personne comme moi, on ne devait pas gâcher une balle, qui servait sur le front, une fatigue surhumaine, les conditions du camp étaient suffisantes pour m'éliminer. D'où son immense stupeur. Ma réponse fut claire et ferme : « Capitaine major, je dois ma vie à ma foi inébranlable en Dieu. C'est lui qui me l'a sauvée. » Le Major ne mit pas en question l'existence de Dieu. Il manifesta seulement son doute : « Mais Dieu existe ? » Puis il resta longtemps à réfléchir.

C'était de cet homme que dépendait la décision de mon sort. Quant à moi, immobile contre le mur, je priais Dieu de m'aider, de me sauver la vie, de me rendre la liberté. Après une longue réflexion, le Major me regarda avec un air de bienveillance (c'était la première fois qu'un homme du KGB manifestait une telle attitude à mon égard). Il prit son stylo et avec un geste ample, apposa sa signature. Puis, avec gentillesse, il dit simplement : « Vous êtes libre ».

Je suis sorti du bureau sans escorte, j'étais libre ! Et j'ai immédiatement élevé une prière d'action de grâce : « Dieu comme tu es puissant, comme tu es bon ! » Ces paroles sont également mon message pour vous, rappelez-vous en bien : « Dieu comme tu es puissant, comme tu es bon ! »

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