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L’amour de l’argent, racine de tous les maux

Mgr Mathieu Madega Lebouakehan le dimanche, 01 octobre 2017. Dans Doctrine Sociale

Réflexions de Mgr Mathieu Madega Lebouakehan

Mgr Mathieu MadegaDepuis 2006, plus de 70 évêques d’Afrique sont venus à Rougemont participer à nos sessions d’étude sur la Démocratie Économique (aussi appelée Crédit Social). Le premier de tous fut le cardinal Bernard Agré, de Côte-d’Ivoire, qui est venu trois fois. Mais un autre évêque africain – certainement le plus enthousiaste de tous pour la cause de Vers Demain – est venu pour la quatrième fois en septembre dernier : il s’agit de Mgr Mathieu Madega Lebouakehan, évêque du diocèse de Mouila au Gabon. Comme la fois précédente, il a donné, durant la session, une des leçons (qu’il maîtrise toutes parfaitement d’ailleurs). En octobre 2013, il avait même remis en main propre au Pape François le livre des leçons sur la Démocratie économique.

Le 29 septembre 2017, fête des saints archanges Michel, Gabriel et Raphaël — et dernier jour de notre plus récente session d’étude — Mgr Madega a livré les réflexions suivantes, qui sont à méditer par tous les lecteurs de Vers Demain :


Pour nous, créditistes, notre préoccupation pour l’être humain est grande, mais il est bon de ramener toutes choses au premier préoccupé : la personne la plus préoccupée de notre bonheur c’est Dieu Lui-même. Voilà pourquoi Il avait envoyé des prophètes, et lorsque les temps furent accomplis, Il a envoyé Son Fils. Ça veut dire que Dieu est vraiment préoccupé de notre sort et qu’Il veut prendre soin de nous.

C’est pourquoi je vous ai dit de prendre soin de Celle qui a été la conjonction ou le point d’atterrissage de Dieu sur la terre ̵̶ et comme vous le savez bien, la piste d’atterrissage est souvent aussi la piste de décollage – donc la Vierge Marie, qui nous a donné le Sauveur. En nous faisant son allié, et aidés avec la grâce extraordinaire du jour – qui est celle des archanges (saint Michel, saint Gabriel et saint Raphaël, dont nous célébrons la fête liturgique aujourd’hui), des anges et de toute la cour céleste, nous pourrons nous mettre en marche vers notre destinée finale qui est le Ciel, en essayant, avec l’aide même de Dieu, de nous préoccuper de nos compagnons de marche — nos frères et sœurs les êtres humains. C’est-à-dire que quand on est en plein voyage, si des personnes tombent malade, on ne les fait pas descendre de l’autobus et continuer le voyage sans eux ; on veut les soigner pour que l’on chemine ensemble.

Le système actuel est piégé par l’argent.

Or, si notre système actuel de vie et de survie, de consommation, de maintien de soins de la vie terrestre est piégé par l’argent, nous savons cependant qu’aussi bien les banquiers, les mécréants que les croyants, nous devons tous aller au Ciel, et que donc, notre préoccupation est de savoir comment nous soigner maintenant, nous soutenir, pour aller au Ciel. Avec les archanges et les anges, nous savons qu’il y a la force ennemie qui veut tout faire : freiner le bus, nous faire tous descendre du bus, qui veut nous empêcher de nous embarquer. C’est dans ce cadre-là que je nous suggère :Premièrement, de ne pas rendre notre peur supérieure à notre espérance, parce qu’il y a Dieu qui nous appelle et qui nous accompagne. Si notre espérance est déjà plus grande, alors armons-nous de courage – que nous allons appeler la foi – pour dire que si Dieu est notre allié, nous arriverons à bon port, et donc que nous continuerons la marche.

Mgr Mathieu Madega  bénissant le monument de Louis EvenMgr Mathieu Madega bénissant le monument de Louis Even – fondateur de Vers Demain – devant la Maison Saint-Michel à Rougemont, le 29 septembre 2017

Le deuxième point, vous l’aurez compris, c’est maintenant l’amour : il faudrait que nous nous aimions d’un amour vraiment sincère et que nous apprenions à aimer les autres, parce que sans amour — même des banquiers – nous allons plutôt nous livrer la guerre, et vous savez, dans une guerre, on ne veut pas perdre. Donc si toute notre préoccupation est de savoir comment nous sauver ensemble, essayons avec modestie d’apporter le message créditiste au plus grand nombre de personnes possible, pour que nous nous détachions de ce qui nous alourdit dans cette marche.

Je crois que tous les problèmes actuels arrivent simplement parce que chaque jour — moi le premier – nous nous éloignons du b.a.-ba (connaissances élémentaires) que nous donne Dieu. Il n’est pas possible de s’aimer et d’aimer les autres et en même temps de vouloir à tout prix profiter des autres. Ce n’est pas possible. Vous les mamans, les papas, vous aimez tellement vos enfants qu’habituellement vous leur demandez plutôt des services pour la bonne marche de la famille, mais vous ne profitez pas outre mesure des enfants, parce qu’il y a l’amour et qu’on veut vivre ensemble. Si cet amour manque, il y aura toujours le désir de profiter des uns sur les autres, et donc de nous piétiner.

Déraciner l’amour de l’argent.

Et comme Celui qui nous a embarqué ensemble nous demande aussi des comptes sur nos compagnons de route — « Caïn, qu’as-tu fais de ton frère ? » (Genèse 4, 9) — nous sommes donc obligés de nous réveiller. C’est Dieu Lui-même qui nous dit, par saint Paul, que l’amour de l’argent est la source, la racine de tous les maux (1 Timothée 6, 10). Il faut que nous demandions la grâce extraordinaire de déraciner, de tuer l’amour de l’argent en nous.

Je dis bien « l’amour de l’argent en nous ». Je vais l’illustrer de la manière suivante : Nous portons beaucoup de choses — chapeau, foulard, lunette, bague, ceinture, chemise, pantalon, chaussures, etc. Ce sont des choses utiles, mais je parie qu’il y a parmi toutes ces choses certaines que nous portons simplement par utilité, et non pas parce que nous avons un amour spécifique pour ces choses-là. Nous les portons car elles sont utiles, et si nous pouvions nous en passer, nous ne les porterions pas. Je vais donner l’exemple de ceux qui ont des lunettes : est-ce que vous portez ces lunettes parce que vous avez l’amour des lunettes ? Vous avez plutôt l’amour de la vue, vous voulez bien voir. Et comme les lunettes deviennent pour vous une nécessité pour bien voir, alors vous les portez.

Alors en changeant ce qui doit être changé, j’aimerais que l’argent soit utilisé comme quelque chose d’utile, tout comme nous utilisons des lunettes pour mieux voir. L’argent est utile pour s’échanger des biens. Si on peut déjà commencer à cheminer vers un déracinement de l’amour de l’argent en nous, et bien sûr essayer d’annoncer ce message, alors en progressant vers la correction du système d’argent, ça devient facile. On appelle aussi les lunettes de « verres correcteurs », les verres viennent corriger la vue.

Donc Dieu nous a dit, par saint Paul, que l’amour de l’argent n’est pas une bonne chose. Ensuite, il y a notre sainte Mère l’Église qui, par l’enseignement des papes et même des saints, qui nous dit qu’il faut faire très attention.

Jésus et le jeune homme richeJésus et le jeune homme riche

Il me vient à l’esprit une affaire grave : c’est le choix de suivre on non Jésus. Il y a, dans l’Évangile, une personne qui était peut-être dix fois, mille fois meilleure que moi, et peut-être meilleure que nous tous. C’est une personne qui avait déjà respecté tous les commandements, y compris l’amour des autres. C’est l’épisode du jeune homme riche (Matthieu 19, 16-30), où le jeune homme répond à Jésus : « Oui, tout cela je l’ai fait depuis ma jeunesse. » Donc nous pouvons dire que depuis sa jeunesse, il était saint. Et il demande à Jésus : « Que me manque-t-il encore ? » Jésus lui répond : « Vas, vends tout ce que tu possèdes, distribue-le aux pauvres, puis viens et suis moi. » Et le drame arrive : le jeune homme s’en alla tout triste, parce qu’il avait d’immenses biens.

Alors, chers amis, si vous êtes immensément riches, si vous êtes banquiers, etc., j’aimerais que ce drame ne vous arrive pas. Peut-être êtes-vous déjà très honnêtes dans votre manière de faire, et vous n’agissez que selon les règles communément établies et universellement acceptées, même si elles ne sont pas bonnes. Jésus, pour corser la chose, dit qu’il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. Celui qui dit cela n’est pas venu pour nous distraire, ce qu’Il dit est sérieux : Jésus est vraiment venu nous donner toutes les bonnes cartouches, tous les bons trucs pour aller au Ciel. Je le dis d’abord à moi-même en premier, et je le dis à vous tous qui m’écoutez, il faudrait que l’on fasse un effort. Et c’est vraisemblablement pour l’avoir compris, que la plupart, sinon toutes les congrégations religieuses, tous les groupes religieux, même les laïcs consacrés, habituellement, quand ils veulent commencer à mener une vie selon l’appel de Dieu, ils font, entre autres, le vœu de pauvreté (en plus des vœux d’obéissance et de chasteté).

L’amour de la pauvreté.

Et c’est peut-être pour cela que Celui qui a tout créé – « Au Seigneur le monde et sa richesse, la terre et tous ses habitants ! (Psaume 23, 1) — quand Il prend chair et naît sur terre, il n’y a même pas de place pour lui à l’hôtel, et il naît dans une étable. Ce dépouillement devrait assez souvent nous interpeller, et nous guider dans l’usage que nous avons à faire des biens de la terre, que nous en usions avec respect, ce sont des cadeaux de Dieu. Vous savez, quand on reçoit un cadeau d’une personne qu’on aime, bien sûr nous regardons le cadeau avec joie, donc tout ce que nous recevons de Dieu comme cadeau, nous avons à le traiter avec joie, mais le cadeau ne doit pas tuer l’amour de celui qui nous a fait le cadeau.

Donc, que le monde qui nous a été donné par Dieu pour vivre ne tue pas en même temps notre amour pour Celui qui nous a donné ce cadeau. J’aurais même envie d’ajouter : si nous voulons avoir d’autres cadeaux, alors ne coupons pas la main de Celui qui nous tend le cadeau pour prendre ce cadeau ! Demandons plutôt à la main de s’ouvrir pour que nous prenions le cadeau. Or, la mauvaise utilisation actuelle des biens de ce monde, c’est comme si nous coupions à Dieu la main, et nous Lui disions : « Le cadeau nous suffit, toi, tu peux t’en aller. »

On a parlé de Dieu, on a parlé des saints, parlons maintenant de Louis Even qui lui aussi, vivant déjà ces trois vœux (pauvreté, chasteté, obéissance) : Quand il découvre une manière joyeuse de vivre sa pauvreté, et de l’inculquer dans toute la communauté, il dit justement que le Crédit Social, ou mieux, la Démocratie Économique, est la bonne solution pour vivre les conseils évangéliques en relation avec la pauvreté, pour vivre les œuvres de miséricorde qui sont notre examen de passage au Ciel (cf. Matthieu 25).

Mgr Madega  à la cathédrale St-Michel de SherbrookeMgr Madega et quelques prêtres à la cathédrale de Sherbrooke

Donc n’ayons pas honte de proclamer le message de Dieu, le message des saints – que nous trouvons d’une manière concentrée, incarnée et spécifique, donné ici à Rougemont par les Pèlerins de saint Michel. Et comme conseil, parlons de Dieu, de notre relation avec Lui, parlons de ceux qui doivent nous aider à aller à Dieu, parlons de l’ancre qui nous est attachée au pied et qui nous empêche d’aller aux autres et à Dieu, cette ancre qui est le système financier qui ne nous aide pas à nous épanouir tous et ensemble.

Dites donc à tous que l’amour de l’argent n’est pas une bonne chose. On ne demande pas aux gens de ne pas vivre. J’ai la faiblesse de croire que des monastères bien organisés vivent assez bien, n’est-ce pas ? Les grands monastères, même dans le passé : personne n’était en manque ; le père abbé qui était responsable du monastère n’avait pas une assiette plus remplie que celle du moine qui était à la cuisine. Donc vous voyez, dans le cadre des monastères, quand on a une vie fraternelle bien organisée, c’est déjà une espèce de clin d’œil du paradis.

Je prends l’exemple du réfectoire ici de la Maison de l’Immaculée : qui a manqué de nourriture (durant cette session d’étude) pendant que nous mangions ? Donc si nous pouvons déjà continuer à avoir ces petites habitudes pour essayer de les propager partout où nous sommes, nous ferons œuvre utile. Ici, nous tous avions droit au même repas, aux mêmes assiettes, à la même eau, à la même boisson, donc c’est déjà aussi une manière concrète de nous montrer qu’une vie fraternelle, avec une abondance partagée, est possible.

Alors, au travail ! Allons annoncer aux autres que tout le monde aujourd’hui est très coincé par le système d’argent-dette, et de grâce, ne laissons pas notre corps, notre être entier brûler (en enfer) parce que nous sommes attachés à des dollars, des « piastres » (comme on dit au Canada français) que l’on veut sauver. Par exemple, il y a un gros incendie, on veut vous tirer de l’incendie, mais votre main est plutôt attachée aux piastres (qui sont dans la maison en feu)… C’est un peu ce que nous vivons. On est trop attachés à ce que nous avons — maison, argent, comptes – et cela peut nous distraire.

Nous sommes lourdement conditionnés par le système d’argent-dette dans lequel nous vivons, mais le simple fait de prendre conscience qu’il est mauvais, et d’implorer de Dieu la grâce de nous en délivrer, fera en sorte que Dieu nous donnera la solution pour que nous puissions nous détacher de ce système le mieux que nous puissions.

Pour conclure, j’aimerais faire un commentaire sur certaines personnes qui disent que nous devrions avoir l’approbation des banquiers, des experts financiers durant cette session d’étude, par exemple, pour confirmer ce qui y a été dit : on vous a dit et expliqué que le système actuel est piégé, et vous voudriez que celui qui piège le système vienne vous parler de son système encore… Certains voudraient que des banquiers viennent ici pour nous aider à comprendre, mais on vous a dit que ce sont eux le problème ! Quelle publicité, quel discours pensez-vous viendra-t-il vous faire ? Vous avez vu, dans la leçon sur l’histoire du contrôle bancaire aux États-Unis, que les banquiers ont contrecarré toute tentative d’installer un système d’argent honnête, sans dette. Alors sommes-nous vraiment sérieux en voulant que les banquiers viennent ici pour détruire leur propre système ? Oui, ils peuvent le faire, s’ils reçoivent la lumière, s’ils comprennent que sous le firmament, tout n’est que changement et tout passe, et que son travail devrait être tout simplement une espèce de logistique bien agencée pour que les biens circulent entre ceux qui les produisent et ceux qui les consomment, sans préjudice pour personne.

Jésus est venu pour nous sauver et Il nous a dit que l’amour de l’argent n’est pas une bonne chose. Alors est-ce que l’on peut faire le contraire de ce que Jésus a dit et être sauvé ? Ce n’est pas possible, je crois. Alors, accomplissons notre devoir de créditistes jusqu’au dernier souffle, continuons de transmettre le message, et Dieu fera le reste. Aussi longtemps qu’il y aura un pèlerin de saint Michel vivant sur terre, le message du Crédit Social ne mourra pas, ça vous pouvez en être sûrs. Or le premier créditiste est déjà venu, et le premier créditiste reviendra : c’est Jésus Lui-même. Donc l’œuvre qui est la vôtre, qui est la nôtre, qui est l’application de l’Évangile, ne mourra pas, parce que l’Évangile est immortel. Les ennemis peuvent prendre toutes les stratégies qu’ils veulent, Jésus ne mourra plus. Il est à jamais vivant.

Saint Michel archange, nous te disons assez souvent : « De votre lumière éclairez-nous, de vos ailes protégez-nous, de votre épée défendez-nous. » Mais nous vous disons aussi une chose : Rattrapez-nous, quand nous sortons de vos ailes, et que nous ne sommes plus protégés, parce qu’en dehors de votre protection, nous pouvons devenir la proie des autres.

Et toi, Vierge Marie aussi, rattrape-nous, comme tu étais partie à la recherche de l’Enfant Jésus qui était resté au Temple. Et toi Jésus, qui pars à la recherche de la brebis égarée, vas nous chercher partout où nous sommes égarés, rattrape-nous. Et que toute la cour céleste nous accompagne. Et toi, Père éternel, que ton Esprit vienne en abondance en nous, qu’Il vienne purifier notre intelligence, notre volonté, notre vie, pour que nous soyons à même de briller au milieu du monde, être le sel de la terre et la lumière du monde par le Crédit Social. Que Dieu nous écoute, qu’Il nous exauce. Amen.

Quand l’Évangile parle de l'argent né avec la production

Dans l’article ci-haut, Mgr Madega dit que le premier créditiste, c’est Jésus. Dans un article écrit en 1960, expliquant le passage de l’Évangile «Rendez à César ce qui est à César...», Louis Even explique:

Il est une autre occasion, moins citée et pourtant bien intéressante, où Jésus eut affaire avec l'impôt. Et cette fois-là, il ne s'agissait pas d'un tribut au vainqueur, mais d'un impôt établi par la nation juive elle-même. (Matthieu 17, 24-36.) Les percepteurs de cette taxe vinrent trouver saint Pierre et lui demandèrent: «Votre maître (Jésus) ne paie-t-il pas le didrachme de l'impôt?» Jésus dit à Pierre: «Va à la mer, tire le premier poisson qui montera, ouvre-le; tu trouveras dans son ventre un statère, et tu le donneras aux percepteurs pour toi et pour moi.» Pierre, pêcheur de son métier, se tira très bien d'affaire.

Cette fois-là, l'argent naquit avec la production. Le gouvernement ne peut faire de miracle, mais il peut très bien ordonner le système monétaire de sorte que l'argent soit basé sur la production, en rapport avec la production. Faire chiffrer la capacité de production du pays, et faire chiffrer en conséquence les moyens de paiement pour les deux secteurs: privé et public. Ce serait plus conforme au bien commun que d'abandonner ce contrôle de l'argent et du crédit à l'arbitraire des grands-prêtres de Mammon.

Mgr Mathieu Madega Lebouakehan

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