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Un bandeau sur les yeux

le jeudi, 15 juillet 1943. Dans Éditorial

Trois aveugles — aveugles-nés ou aveugles volontaires — viennent en contact avec un éléphant.

Le premier, palpant une patte de la bête, tire sa conclusion : "Ça doit être une colonne".

Le second, avec les mains sur le corps de l'animal, n'est pas du même avis : "Je pense que c'est plutôt un baril".

Le troisième, abordant l'éléphant par en arrière, prend la queue et s'écrie sans hésiter : "Pour moi, c'est un serpent".

*    *    *

C'est un peu le cas de ces esprits — grands et petits — qui ne voient du Crédit Social que ce qu'ils consentent à en regarder. Et ce qu'ils consentent à en regarder ne ressemble pas plus au Cré­dit Social que la queue de l'éléphant ne ressemble par ses dimen­sions à la bête qui la porte.

L'un vous dit : "Le Crédit Social, c'est du communisme, par­ce que ça donne à tout le monde un dividende égal".

Un deuxième : "Non, le Crédit Social, c'est plutôt du fascis­me, parce qu'il place le gouvernement au-dessus des banques".

Un troisième intervient : "Pour moi, le Crédit Social va faire des paresseux ; avec des dividendes, personne ne voudra plus travailler, et le pays sera ruiné : il n'y aura plus que des pauvres partout".

Un quatrième contredit : "Le Crédit Social empêchera le monde de faire pénitence. Les hommes nageant dans la richesse iront presque tous en enfer."

Un autre a fait sa découverte : "J'ai étudié le Crédit Social ; c'est un abaissement des prix. Si on a le Crédit Social, les prix baisseront tellement que les produits ne vaudront plus rien".

Un autre encore : "Pour moi, le Crédit Social est de l'infla­tion pure et simple. Si on a le malheur d'établir le Crédit Social, les prix vont tellement monter que l'argent ne vaudra plus rien".

Un digne homme : "Le Crédit Social est de la folie ; les cré­ditistes sont des fous ; c'est un jeu d'enfants, et ça ne vaut pas la peine de s'en occuper".

Son voisin : "C'est la théorie la plus dangereuse. Si l'on ne met pas les créditistes au silence avant longtemps, ils vont dé­clancher une révolution irrésistible".

Celui-ci : "Moi, je suis pour la fin du capitalisme. Le Crédit Social conserve le capitalisme, la propriété privée, le profit. C'est bon rien que pour sauver la tête des gros".

Celui-là : "Le Crédit Social détruit tout ce qui a permis les belles réalisations du capitalisme : la récompense à l'effort, la fructification de l'argent épargné ; il sabote tout l'ordre établi."

*    *    *

Otez votre bandeau, messieurs, et ne prenez plus un éléphant pour une colonne, ni pour un baril, ni pour un serpent.

Si vous ne voulez pas ouvrir les yeux, ayez au moins la sa­gesse de fermer votre bouche : vous faites rire de vous !

Adélard BELAIR

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