Des sauveurs politiques — en a-t-on eu dans la province de Québec depuis les jours d'Honoré Mercier ?
On eut les nationalistes de la pendaison de Riel. On eut l'antilauriérisme de 1911. On eut le Patenaudisme de 1926. On eut le Houdisme de 1931. On eut les sursauts des jeunes de l'Action Libérale Nationale, embrassés avec effusion par le renard des Trois-Rivières. On eut les Duplessistes de 1936. On eut le Bloc né du plébiscite de 1942, gangrené par un magnat et fendu par la "sagacité" de son chef.
Des sauveurs élus, puis renvoyés. Des sauveurs acclamés, et jamais élus.
Des sauveurs vierges de toute souillure politique. D'autres qui se découvrent une vocation de sauveur après des décades de fidélité à un parti qui a toujours trompé le peuple.
Facteur commun à tous ces sauveurs : l'assaut du pouvoir.
Formule courante chez tous ces sauveurs : Votez pour moi, votez pour mes lieutenants, et vous serez tous sauvés.
Attitude trop fréquente chez nos sauveurs : retrait sous la tente après un échec — à moins que ce soit la colère d'un Camilien auquel on enlève le sceptre de sauveur pour le passer à un Maurice.
Oubli regrettable de nos sauveurs : la constance à éclairer et organiser le peuple. À l'éclairer, plus sur les choses que sur les hommes. À l'organiser, plus pour se faire servir que pour voter.
Résultat : des sauveurs, mais pas de salut.
Résultat encore : un peuple qui n'a plus de confiance dans les sauveurs qui se présentent devant lui.
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Ce n'est pas nous qui blâmerons le peuple d'avoir perdu sa confiance niaise dans le succès d'une élection pour opérer son salut.
En politique, c'est comme en autre chose : si l'on veut une politique à son goût, il faut y voir soi-même. Et y voir plus qu'une journée en quatre ou cinq ans.
Les politiciens ont jeté le peuple dans le trou, ce ne sont pas eux qui l'en sortiront. C'est au peuple lui-même à s'organiser pour défaire le gâchis des politiciens.
La formule "Votez pour moi et je vous sauverai" surfait celui qui la prononce et insulte celui qui l'entend.
Quand prendra-t-on l'habitude de dire au peuple : Vois toi-même à ton affaire. Fais toi-même le programme aux candidats qui sollicitent ton vote. Surveille tes élus. Organise-toi pour dire en tout temps à tes représentants ce que tu attends d'eux.
Assez des partis politiques. Assez des coalitions de candidats. Assez des sauveurs électoraux.
Le sauveur de demain, c'est toi-même, électeur. C'est ton voisin, électeur comme toi-même. Ce sont tous les électeurs prenant conscience de leurs besoins communs et s'unissant pour exprimer leur volonté.
L'organisation politique de demain, c'est l'Union des Électeurs.