Une question, mesdames, messieurs. Une petite question : Voulez-vous que la guerre, l'horrible guerre que nous vivons, finisse au plus vite ? Le voulez-vous de toutes les forces de votre âme ?
Oui, bien sûr, si vous êtes des hommes de cœur, des femmes de cœur. Vous sentirez un grand soulagement, une grande joie, lorsque vous entendrez les cloches sonner l'armistice.
Cloches, oh ! belles cloches de nos chères églises, hâtez-vous donc de sonner la paix ! Que vos notes joyeuses viennent au plus tôt rendre la vie à la terre !
Qu'il sera gai, votre chant de retour du soldat ! Entonnez-le donc bientôt, cloches de l'armistice !
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Le retour du soldat chez lui, dans sa maison, avec les siens. Oui, mais cela voudra dire, pour le soldat, pas de solde chaque semaine ; et pour sa famille, pas d'argent pour manger.
Le retour du soldat au foyer, c'est la joie. Mais, un papa qui n'a plus de salaires, c'est triste, ça mène à la faim, à la misère, à la maladie.
Et le papa qui travaillait à l'usine de guerre, lui aussi retournera chez lui, car l'usine de guerre fermera ses portes, renverra les employés. Et le papa n'aura plus d'ouvrage, donc plus d'argent. Et dans cette maison-là aussi, ce sera la faim et la misère.
La guerre sera finie. Les jours malheureux où l'on se tue auront passé.
Mais la paix tant souhaitée, la paix, le temps où les hommes ont décidé de ne plus se haïr, ce temps-là signifie la suppression des salaires, l'absence d'argent, et la crise donc.
Guerre ou crise, qu'est-ce que vous aimez le mieux ?
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Vous voulez que la guerre finisse ? Tant pis, vous choisissez la crise.
Alors, vous voulez que la guerre continue ? Tant pis, vous choisissez le carnage.
Vous avez à choisir entre une bouteille de poison et une bouteille de poison. Lequel préférez-vous ?
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Voilà le grand dilemme qui se pose en face de l'humanité. Se tuer ou crever.
Pendant 10 ans de chômage, l'univers a connu une misère abrutissante.
Pendant cinq, six, sept ans de guerre, l'univers connaît une effroyable tuerie.
Si la guerre achève, c'est le chômage qui menace, car les hommes, s'ils n'ont plus d'instruments de tuerie à fabriquer, ne trouvent pas le moyen de se nourrir du pain qui est là.
Si la guerre continue, l'humanité se détruit à grands coups de bombardements.
Mais, faut-il donc que la terre soit bien méchante pour qu'il n'y ait plus à choisir qu'entre deux poisons ? Ou faut-il donc que les hommes soient ou bien méchants ou bien bêtes ?
Y a-t-il un mauvais génie qui préside aux destinées des hommes, et qui veuille absolument les rendre malheureux ? Il faut le croire. Mais, pourquoi donc les hommes se laissent-ils faire ? Pourquoi donc les chefs d'État, les politiques, les économistes ne mettent-ils pas tous leurs talents et leur temps à chercher un remède à ces deux maux, plutôt que de nous forcer à choisir entre les deux ?
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Mais justement, nos dirigeants viennent à nous maintenant avec un remède. Ils ont trouvé une formule, la formule pour nous éviter le chômage d'après-guerre.
La formule, c'est le contrôle de l'État sur tout.
Afin que le monde, après la guerre, ait de quoi acheter les choses nécessaires à leur subsistance, le gouvernement leur passera un carcan au cou.
C'est de l'argent qui vous manquera : on vous enchaînera pour vous en passer, comme si on ne pouvait pas en passer sans vous enchaîner.
L'enrégimentation ! Voilà la grande solution pour éviter le chômage !
De 1930 à 1940, il vous manquait de l'argent. Pour y remédier, on détruisait les produits.
Après la guerre, il vous manquera de l'argent. Pour y remédier, on vous mettra les chaînes.
On voit bien que ce sont les mêmes cerveaux qui ont enfanté ces deux perles.
Il serait pourtant si simple de raisonner comme les Créditistes :
"Lorsque l'argent manque, c'est de l'argent qu'il faut distribuer, tout bonnement !"