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Le plus odieux des trois ?

Louis Even le mercredi, 15 mars 1944. Dans Éditorial

Un embourgeoisé. Deux hommes d'action.

Si le pistolet du communiste lâchait sa balle, le monde ne perdrait pas grand'chose avec la disparition de l'embourgeoisé. Mais cela ne corrigerait pas grand'chose non plus, et c'est ce que notre créditiste va expliquer au révolté. À peu près ce langage :

"Mon ami, je comprends ta révolte. Je suis moi-même aussi révolté que toi. Mais j'ai quelque chose de mieux qu'un pistolet. Écoute.

"Crois-tu que les masses mangeront mieux lorsque tu auras expédié quelques ventres de millionnaires au pays des charognes ?

"Si exaspérant que soit l'embourgeoisement de cet imbécile, si écœurante que soit son égoïste satisfaction quand tant de fa­milles crèvent la faim, ce n'est pas ce qu'il prend qui vide le pays.

"Non, mon cher, ce n'est pas parce qu'il y a des riches qu'il y a des pauvres.

"Que cet homme mange, boive, fume et dorme à satiété, il reste encore immensément de nourriture et autres bonnes choses pour satisfaire tous les besoins normaux de la grande masse.

"Lorsque les familles souffraient de privations cuisantes, de 1930 à 1940, était-ce parce que cet homme-là et ses semblables con­sommaient toute la production du pays ? Tu sais trop bien, mon ami, que, malgré tout son luxe à lui, les magasins étaient encore pleins à capacité et qu'il y avait 700,000 travailleurs arrêtés qui auraient pu augmenter la production.

"Ce ne sont pas les achats des millionnaires qui nous appau­vrissent. Au contraire, plus ils achètent, plus cela nous donne une chance de gagner un petit salaire.

"Nous n'avons jamais pensé une minute à les chasser du marché. Nous allions aux quatre coins du monde chercher des acheteurs ; et plus ils avaient d'argent, plus nous les estimions.

"La pauvreté régnait, non pas parce qu'il y avait de gros consommateurs, mais parce que l'abondance était mise sous clef.

"Quand toi et moi aurions l'argent de cet embourgeoisé, nous achèterions ce qu'il achète, et, sauf la guerre, les magasins resteraient pleins et les travailleurs dans le chômage.

"Lorsque le pain est rare, on peut songer à en prendre au riche pour en passer au pauvre. Mais lorsqu'il y a des montagnes de pain, on peut laisser le riche à sa table et servir la multitude à même l'abondance que le riche ne peut consommer.

"Voilà ce que tes maîtres communistes ne t'ont jamais dit. Ils parlent comme si la rareté régnait encore sur la terre ; comme si l'on manquait de bras pour travailler et qu'il faudrait récla­mer les bras des riches. Tes maîtres sont d'un autre âge.

"Laisse ton pistolet, et viens avec moi. Au lieu de tuer ceux qui mangent, viens avec moi ouvrir les greniers de l'abondance.

"Au lieu de maudire les capitalistes, viens avec moi, et crions que nous sommes tous des capitalistes : nous avons un ca­pital commun, et c'est le revenu de ce capital qui encombre les magasins.

"Ce revenu nous appartient ; mais il n'est pas exprimé en argent. C'est pourquoi les produits restent là, et notre capital commun cesse de produire. Réclamons ensemble le dividende sur le capital commun, le dividende national qui distribuera l'abon­dance à toutes les portes.

"Donne-moi la main. Enlève cette faucille et ce marteau. Prends l'insigne du Crédit Social. Tu es un brave, puisque tu risques ta vie pour une cause. Tu donneras maintenant tes éner­gies à un autre idéal, plus humain en même temps que plus con­forme aux faits de la production moderne."

* * *

Ce n'est pas l'embourgeoisé que le créditiste défend. Oh ! non. Il défend l'ordre. Il repousse les armes qui tuent les corps, pour les armes qui gagnent les esprits et les cœurs.

N'empêche que cet embourgeoisé se lèvera sottement un jour pour déblatérer contre le Crédit Social, ou, comme l'avocat La­rouche de Rouyn, pour accuser les créditistes de mener une lutte de classe.

Mais ce n'est pas pour les embourgeoisés que nous travail­lons, et nous n'avons que faire de leur reconnaissance.

Louis Even

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