Crève ou crève, choisis.
Tu es laitier, ta licence en témoigne. Tu peux donc vendre ton lait, mais garde-toi bien de la clientèle créditiste. Tu sais, les créditistes sont en guerre contre la finance, et quiconque s'aligne avec les adversaires de la finance perd son droit de vivre.
N'oublie pas que ta licence est liée à l'abdication de ton jugement. Si le gouvernement, à la suite des banques, dit : 2 plus 2 font 5, tu diras : Ça, c'est vrai ! Mais si les créditistes disent : 95 plus 5 font 100, tu diras : Ça, ce n'est pas vrai, les créditistes sont des hors-la-loi.
Si tu acceptes paiement à la créditiste, tu abaisses le prix de ton lait, parce que 95 plus 5 font 95. La Commission de l'Industrie Laitière va te faire exécuter.
Reste bon garçon, on va te faire mourir à petits coups, par les taxes sur ton commerce. Deviens créditiste, on va te faire mourir tout d'un coup en te supprimant ton commerce.
Tu es libre, mon vieux. Crève ou crève.
Crève ou crève, choisis.
Tu es barbier. Fort bien. Coupe sans scrupule les cheveux sur une tête vide. Mais garde-toi de toute tête créditiste. Quand vient l'heure du paiement, le créditiste a une comptabilité jugée inacceptable par le Comité paritaire. Et le créditiste, rasé ou non, est têtu. Il faut plier ou le perdre. Fuis la tête créditiste si tu veux garder la tienne. Donc, perds tes clients ou perds ta licence.
Tu es libre, mon vieux. Crève ou crève.
Crève ou crève, choisis.
Tu appartiens à la belle classe des professionnels ? Avocat ? Notaire ? Médecin ? Peu importe lequel, tu es bien protégé : Barreau, Chambre des Notaires, Collège des Médecins veillent sur toi.
Vis des chicanes et de la maladie. Règle ou ne règle pas les conflits, guéris ou ne guéris pas, mais fais-toi bien payer. Charge tant que tu voudras, mais que tout soit soldé en pitons de Banco. Si l'argent de la liberté des créditistes trouve accès près de toi, tu es un homme mort. Vole tes clients si tu veux, mais défense de les aider à secouer la dictature d'argent.
Tu es libre, mon vieux. Crève ou crève.
Crève ou crève, choisis.
Tu jouis d'une licence de bière. Heureux favorisé du patronage ! Te voilà dans un commerce payant. Profites-en. La bière est bien annoncée partout, tu ne mourras pas pauvre.
Mais sois bien attentif à ne pas déplaire à tes bienfaiteurs. Ton député peut te faire tout perdre. Or ton député doit défendre le système établi contre les innovations des créditistes.
Les clients créditistes _de ton épicerie menacent de t'abandonner si tu n'entres pas dans leur Association ? Sacrifie-les. D'ailleurs ce ne sont pas eux qui encouragent ton commerce de bière. Si tu gardes les créditistes tu perdras ta bière. Mais ils deviennent nombreux, dis-tu, et tu crains de te ruiner en les perdant ?
Tu es libre, mon vieux.
Crève ou crève.
Rosaire CÔTÉ