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Appliquer la doctrine sociale de l’Église

Alain Pilote le jeudi, 01 mars 2018. Dans Éditorial

Toutes les cinq secondesLe Carême est un temps privilégié pour se convertir (du latin convertere, se tourner vers), donc, se tourner vers Dieu et abandonner le chemin du mal. Pour  nous corriger de nos défauts et penchants mauvais, et obtenir la force de résister aux tentations, l’Évangile nous propose trois moyens traditionnels : la prière, le jeûne, et l’aumône. Mais pour une vraie conversion, le carême doit être plus que cela: il s’agit de renoncer à soi-même, à son égoïsme, et de s’ouvrir aux autres, à leurs besoins, rendre les autres heureux.

On peut lire dans Isaïe (58, 6-7) ces paroles de Dieu : « Le jeûne qui me plaît, c’est faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs, partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable. »

S’ouvrir aux autres, à ceux dans le besoin, ne pas rester indifférents devant la misère de notre prochain. Comme le dit le Pape François dans son message de Carême 2018, « ce qui éteint la charité, c’est avant tout l’avidité de l’argent, « la racine de tous les maux ».  Saint Maximilien Kolbe, le grand martyr polonais, avait dit lui aussi que le plus grand péché du vingtième siècle était l’indifférence. C’est aussi le péché de notre siècle actuel.

Selon le sociologue suisse Jean Ziegler, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation entre 2000 et 2008, 100 000 personnes meurent de faim tous les jours dans le monde, dont 37 000 enfants en bas de 10 ans, soit un enfant qui meurt de faim toutes les 5 secondes. Selon le World Food Report de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) au début de 2008, l’agriculture mondiale pouvait alors nourrir 12 milliards de personnes (pour une population mondiale d’environ 6,3 milliards à la même époque. Puisqu’il y a assez de nourriture pour tous, mais que des milliers d’enfants meurent de faim malgré tout, Ziegler conclut que « les enfants qui meurent de faim sont assassinés. C’est le scandale de notre siècle. »

Quiconque en effet a un cœur et un tant soit peu de compassion ne peut rester indifférent devant un tel scandale. Si ces enfants meurent de faim alors que la nourriture existe, c’est que leurs parents n’ont pas l’argent, le pouvoir d’achat nécessaire pour se procurer cette nourriture. C’est le « système financier actuel qui est assassin et satanique », pour citer les paroles de Mgr Fridolin Ambongo, nouvel évêque coadjuteur de l’archidiocèse de Kinshasa en RDC. Et Mgr Ambongo se réjouit de ce que Vers Demain y apporte une solution, « une découverte merveilleuse qu’il appuie de toutes ses forces ».

L’Église non plus ne peut rester indifférente à des situations telles que la faim dans le monde et l’endettement, qui mettent en péril le salut des âmes, et c’est pourquoi elle a développé, surtout depuis le pape Léon XIII en 1891, un ensemble de principes connus sous le nom de « doctrine sociale de l’Église » qui, s’ils étaient mis en pratique, amèneraient le bonheur de tous les peuples.

Comme on peut le voir ici, l’Église a des paroles très fortes pour dénoncer le système financier actuel, le Pape François parlant par exemple d’un « terrorisme de base qui émane du contrôle global de l’argent sur la terre et menace l’humanité tout entière », ajoutant que « l’ensemble de la doctrine sociale de l’Église et le magistère de mes prédécesseurs se rebelle contre l’argent idole qui règne au lieu de servir, tyrannise et terrorise l’humanité. » Au cours de l’histoire, plusieurs chefs d’État ont aussi dénoncé cette toute-puissante dictature bancaire, au-dessus des gouvernements.

L’Église catholique romaine demande donc, entre autres, une réforme des systèmes financiers et économiques, afin qu’ils soient mis au service de l’homme. L’Église propose des principes, mais elle laisse aux fidèles laïcs — tous les baptisés — le soin de trouver une technique, des solutions concrètes pour appliquer ces principes. Comme l’écrivait le pape Jean XXIII dans son encyclique Mater et Magistra, rendu au « stade de l’application concrète des principes, des divergences de vue peuvent surgir, même entre catholiques droits et sincères », c’est-à-dire que les solutions offertes peuvent être variées, mais l’important est qu’elles appliquent ce que l’Église demande.

C’est pour cette raison que Louis Even, le fondateur du journal Vers Demain, décida de propager la doctrine du Crédit Social – un ensemble de principes et de propositions financières énoncés pour la première fois par l’ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas, en 1918. Louis Even comprit immédiatement jusqu’à quel point cette solution appliquerait à merveille l’enseignement de l’Église sur la justice sociale — surtout le droit de tous à un minimum de biens matériels, par son fameux dividende à chaque citoyen, basé sur le double héritage des inventions des générations précédentes et des richesses naturelles, don gratuit de Dieu à tous.

Édition spéciale

On entend beaucoup parler aujourd’hui de revenu de base, de revenu garanti, mais malheureusement, on ne propose pas de solution pratique sur la manière de le financer, sinon que par la taxation des plus riches. Le Crédit Social, lui, propose une manière de financer ce revenu de base, ou dividende, qui ne nuirait à personne.

C’est pourquoi les directeurs de Vers Demain ont décidé de faire de ce numéro de mars-avril une édition spéciale et d’y inclure le texte entier d’une brochure de Louis Even, « Un système financier efficace au service des producteurs et des consommateurs », qui explique de façon concrète comment les propositions de Douglas pourraient être appliquées dans n’importe quel pays, dès aujourd’hui, et que le Crédit Social est loin d’être une utopie, une théorie inapplicable, « trop belle pour être vraie », mais quelque chose de vraiment sérieux. (Cette brochure de 32 pages, imprimée sur papier newsprint, est aussi disponible de nos bureaux pour distribution gratuite.) Vos commentaires sur cette brochure publiée dans ce numéro sont les bienvenus!

Que ce soit le Crédit Social ou un autre système, il faut que les pauvres aient de quoi manger, il faut que l’abondance soit distribuée. Comme le dit M. Even, « si certaines personnes n’aiment pas le Crédit Social, qu’ont-elles à proposer pour distribuer l’abondance? » Notre devoir en tant que catholiques est de trouver une solution qui applique les enseignements de l’Église dans le domaine social. Comme il a été mentionné souvent dans Vers Demain, nous ne prétendons pas que le Crédit Social soit la seule et unique solution, mais pour qui l’étudie attentivement, elle appliquerait de façon très efficace les demandes des papes. Alors, bonne étude!

Alain Pilote

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