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Union des Électeurs et sève chrétienne

le lundi, 15 mai 1944. Dans Réflexions

Lettre d'un curé au directeur du journal Vers Demain

Nous publions cette lettre en entier, non seulement à cause des notes encourageantes qu'elle apporte à tous les créditistes actifs, mais aussi à cause des conseils de prêtre qu'elle contient et à cause du bel hommage à la Reine du Ciel et de la terre sur lequel elle se termine.

M. Louis Even,

Journal "Vers Demain", Québec.

Cher Monsieur,

Le Congrès Créditiste de Toronto a remporté un beau et franc succès pour lequel, il me semble, vous méritez une grosse part de félicitations.

Je vois avec un très vif contentement que vos idées au sujet de l'Union des Électeurs ont pres­que complètement prévalu.

Enfin !     Depuis si longtemps que nous dénon­çons l'esprit de parti et que nous lui opposons la formation d'un autre parti, voilà que, pour le com­battre, vous avez trouvé une formule neuve. Et qui me paraît la vraie.

Maintenant, nous ne dénoncerons plus l'esprit de parti en vaines diatribes. Mais nous pourrons lui opposer l'esprit d'union ; et ceci va grandir, devrait durer, parce que c'est foncièrement chrétien.

* * *

Quand ma pensée se reporte aux débuts de votre mouvement créditiste, je ne puis qu'admirer la belle levée d'âmes nobles, vaillantes, qu'il a suscitées en tous les milieux, surtout dans les masses populai­res. Je salue avec enthousiasme ces âmes qui, sous la poussée du mouvement créditiste, se sont décou­vertes elles-mêmes, supérieures aux passions vul­gaires, aux mesquines préoccupations d'égoïsme, et qui donnent un spectacle si beau que les adversai­res eux-mêmes ne peuvent s'empêcher de le recon­naître.

Ils sont sortis de vos rangs, ces ouvriers de l'u­sine ou des champs, que nous voyons, par leur tra­vail et leur dévouement, manifester un si vif senti­ment de fraternité humaine et chrétienne. La plu­part, habitués à regarder Jésus-Christ comme un frère, ont trouvé dans le Crédit Social tout un en­semble d'idées en conformité avec leur désir d'aller à ceux qui travaillent, à ceux qu'écrase notre or­ganisation économique toute paganisée. Vos crédi­tistes portent avec eux une flamme d'apostolat qui est un encouragement pour des jours meilleurs. Leur dévouement inlassable prêche la patience et la nécessité de s'unir dans un effort généreux pour briser un avilissant esclavage.

De là, de ce sentiment, est née votre Union des Électeurs. L'idée de charité qui l'anime ne peut que lui assurer le succès. Bien que d'ordre tempo­rel, et à cause de cela évoluant sur un terrain se­mé de pièges, elle saura les éviter, protégée par son grand respect des valeurs spirituelles.

L'Union des Électeurs n'est pas un parti politi­que. Voilà le nouveau, voilà votre force. L'avez-vous assez dit, assez répété, pour que seuls les es­prits faussés, distraits, ou de mauvaise foi, puissent l'ignorer ? Va-t-on finir par le savoir, que, pour tra­vailler sur le terrain politique au relèvement et à la libération des classes populaires, courbées sous le poids de "misères imméritées", il n'est nullement nécessaire de s'enfermer dans les horizons plus ou moins étroits, et plafonnés très bas, d'un parti po­litique ?

* * *

Cependant, il y a des gens si férus de formules livresques, mises en cour par la dictature économi­que, qu'ils ne peuvent se rendre même devant l'é­vidence. Ainsi, à la suite du professeur François Albert Angers, ils ne peuvent comprendre que l'on s'efforce de donner à TOUS les foyers plus d'espa­ce, plus de confort et surtout plus de soleil. Ils sem­blent convaincus que la masse des miséreux est, dans l'organisation économique et sociale, un pre­mier échelon, presque une base sans laquelle tout croulerait. Ils tirent cette savante conclusion du fait que l'inégalité des classes est d'ordre provi­dentiel.

Aussi, crient-ils au socialisme dès qu'on parle de changer quelque chose à cette conception sociale toute païenne. Ils vous citent sur un ton ému le texte évangélique : "Il y aura toujours des pau­vres parmi vous." Ils ne songent pas que c'est anti­chrétien de vouloir tenir une masse de prolétaires dans la privation des choses nécessaires à la vie, en face d'une abondance que ne peut consommer le groupe toujours plus restreint de profiteurs cupides et oppresseurs à qui rien ne manque si ce n'est le cœur.

Si, à l'appui de vos efforts, vous citez les encycli­ques des derniers souverains pontifes, ces écono­mistes embourgeoisés, décorés, enrubannés, crient très fort que vous voulez couvrir vos épaules d'un manteau usurpé. Avec de telles gens, dont l'esprit n'est pas toujours aplomb et le cœur en aussi mau­vais équilibre, à moins d'un miracle, rien à faire.

Le relèvement de la dignité humaine, abaissée dans la famille par des conditions économiques mi­sérables, anti-sociales, souvent immorales ; les me­sures concrètes qui pourraient y remédier sans bouleversement, simplement en assurant une meil­leure distribution de tous les biens nés d'un orga­nisme producteur efficace — tout cela ne leur dit rien. Tout cela, ils l'étiquettent : bolchevisme, uto­pies, charlatanisme...

Vous, qui travaillez à ces réformes, vous n'êtes qu'un matérialiste, uniquement préoccupé du dé­veloppement, des biens terrestres. Vous, qui voulez que sortent de la paperasse et des tiroirs les formu­les de justice et de charité dont bouillonne la doc­trine sociale de l'Église, et qu'elles atteignent les réalités du monde moderne, allez ! vous n'êtes qu'un fauteur de révolutions, un monteur de peuple, un être dangereux. Les grands journaux doivent évi­ter de mettre vos activités devant le public. S'ils en parlent, il leur sera permis de mentir et de ca­lomnier. La C.C.F., les autres partis aux ordres de la dictature économique, eux peuvent jouir de la publicité des journaux reconnus honnêtes et catho­liques ; mais pas vous.

* * *

Eh bien, laissez dire et continuez. Le régime ac­tuel est condamné, il achève de mourir. Tous ses mouvements exhalent des puanteurs de sang pour­ri, répandu au cours de sa route, ou même encore tout chaud des tueries récentes dans lesquelles il ne cesse de jeter la jeunesse de tous les pays. Ré­gime maudit, qui prétend établir un ordre nouveau sur des deuils et des assassinats collectifs.

Non. II n'y a pas d'ordre nouveau à construire. La civilisation n'est pas à inventer. Il y a seule­ment à rétablir l'ordre troublé, détruit par ceux-là mêmes qui s'en vont, sur les flots de l'Atlantique, rédiger des formules mortes avant même d'être nées.

Laissez dire. C'est vous qui êtes dans le vrai, vous et vos amis, parce que vous vous attachez fortement, par les liens de la charité, à cette civili­sation chrétienne, à cette société catholique, jaillie du cœur de son fondateur, devenu notre frère, Jésus-Christ.

* * *

Certes, votre tâche est lourde, et j'admire le cou­rage, la persévérance que vous y déployez. Il s'agit de rendre à la société chrétienne ces assises natu­relles et divines, recouvertes de corruptions amon­celées depuis au-delà d'un siècle par tous les plou­tocrates de la politique maçonnique et judaïsante. Il s'agit de restaurer tout l'édifice social, usurpé par un système monétaire qui, chaque jour, paraît de plus en plus faux et en marche vers des catastro­phes accélérées par ceux qui en profitent sous la stupide protection de ceux qui ont la charge du bien commun. Il s'agit de libérer le petit peuple, la masse des humbles, l'armée des esclaves aux­quels on parle de liberté en les exploitant ; il s'agit de les libérer d'une machine électorale qui les abu­se et les maintient sous le joug. Il s'agit, enfin, de remettre l'homme à la place qui lui convient, con­tre l'argent : place de l'être intelligent, non pas fait pour les choses, mais pour qui les choses sont faites ; place de chrétien, d'enfant de Dieu, contre une finance accapareuse, fille de la cupidité, cette mère de tous les maux. (Tim., 6, 10).

Et c'est la trouvaille de votre Union des Électeurs, de fournir le moyen génial, presque provi­dentiel, qui empêchera dans l'avenir, les farceurs, les bandits des organisations électorales, d'imposer le choix de ceux qui auront charge de légiférer et de commander.

* * *

L'Union des Électeurs appellera dans ses rangs tous les concours. Elle apprendra à ses membres, quels qu'ils soient, que pour construire une société solide, assise sur de vraies bases et non sur des nuées, il faut se tenir attaché à l'Église. Elle seule possède les vraies notions de la dignité humaine. Notre saint Père le Pape vient d'en rappeler la source intarissable dans sa magnifique encyclique du Corps Mystique de Jésus-Christ.

Et ainsi, quand vos membres de l'Union des Électeurs s'assembleront, pour l'étude du Crédit Social ou de tout autre problème, ils savent qu'ils ne seront pas invités à laisser leur catholicisme avec leur calotte et leur paletot à la porte, comme dans les clubs neutres. Au contraire, ils s'appliqueront mieux à connaître leur religion, à mieux la pratiquer, afin d'y puiser l'inspiration et la force des sacrifi­ces que réclamera leur action pour être efficace et persévérer.

La pierre d'achoppement des meilleurs mouve­ments, c'est de ne pas mettre au premier rang de leurs préoccupations Jésus-Christ et son Évangile, c'est de ne pas se passionner pour Lui. Il faudrait que tous nos mouvements, même d'ordre temporel, aient pour devise la parole de saint Paul : "Mihi vivere Christus est. Ma vie à moi, c'est le Christ."

C'est Lui, le maître qui enseigne par la voix de son Église ; l'Homme-Dieu au cœur chaud de ten­dresse, dont les exhortations à l'amour du prochain ont traversé tous les siècles ; le Justicier aussi, qui, bon pour les égarés et les pécheurs, n'a pas toléré leurs convictions erronées ; le Cœur débordant de mansuétude pour les âmes de bonne volonté, mais qui, bondissant de colère contre les misérables scandaleux des petits, était prêt à leur mettre une meule de moulin au cou pour les précipiter à la mer (Mathieu, 18, 6) : s'enflammant d'une violente in­dignation contre les autorités "qui accablent le peuple sous le poids de lourds fardeaux.".

Ainsi, ce Cœur, aussi fort que doux, a grondé, châtié, menacé. Par ses leçons, par ses exemples, Il a tracé le chemin du bonheur possible sur terre et assuré dans le ciel. Leçons et exemples qui, bien suivis dans la vie individuelle, auront leurs réper­cussions sur le terrain économique, ce terrain où, selon la parole d'un souverain Pontife, se joue le salut des âmes.

* * *

Voilà, cher monsieur Even, que je vous écris cet­te longue lettre pour vous dire des choses que vous savez déjà. Les enseignements du Christ, vous vou­lez les suivre, répandre sa doctrine, faire aimer sa religion. Et c'est avec raison que vous croyez tra­vailler au règne du Christ en vous efforçant de sor­tir vos frères de la misère ; non pas en leur donnant la richesse, mais simplement, en leur obtenant la facilité d'acquérir cette modeste aisance, cette part de biens matériels qui aide la pratique de la vertu, selon que l'enseigne saint Thomas.

Au commencement de ce mois de mai, je prie la Vierge Immaculée, notre Mère, de bénir votre travail. C'est sur Elle que nous comptons pour voir se lever l'aube de la paix et de la restauration chré­tienne. Car c'est à Elle, selon une parole de saint Bonaventure, qu'a été confié le soin de rétablir au ciel et sur la terre l'ordre brisé par Lucifer et ses mauvais anges, en écrasant la tête du serpent hé­rétique (communisme, nazisme, matérialisme, ca­pitalisme païen et abusif) et en attirant là-haut les élus.

Croyez au dévouement et à l'admiration d'un vieux curé à la tête pelée et dont la carcasse penche vers la tombe, confiant que, s'il ne voit pas ici-bas votre succès, il y applaudira de là-haut.

Bon courage,

X, prêtre

Le 3 mai 1944.

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