Tout le monde connaît, au moins de nom, le Crédit Social. Pas moins de 80 pour cent de nos populations doivent savoir, sans doute, qu'il est, dans son essence et dans ses œuvres, l'antithèse des dictatures économiques. On n'est pas sans constater que le mouvement dispose d'un vaste système de propagande et même d'organisation. La plupart de ceux qui se tiennent tant soit peu renseignés savent encore que le Crédit Social, si'méchamment accusé, est sorti indemne de l'étude serrée et approfondie d'une commission de neuf savants théologiens — et d'autres épreuves aussi. Il en est sorti grandi, auréolé, tant et si bien qu'il ne peut désormais disparaître de notre vie nationale.
Nous osons affirmer que, disparaissant, il laisserait — à regret — le champ libre à tout ferment révolutionnaire, à n'importe quelle doctrine subversive qui aurait beau jeu des absurdités économiques actuelles et risquerait de bouleverser l'ordre social, la paix et la juste propriété : disons la C.C.F. et le communisme réunis. Qu'avons-nous, en effet, humainement, à leur opposer, sauf le Crédit Social ? Toujours pas le parlottage de toujours, la volonté flasque de politiciens avilis, ou moins encore. Aussi le R. P. Lévesque, sociologue de marque, était-il justifié d'écrire : "Si vous ne voulez ni du socialisme ni du communisme, opposez-leur le Crédit Social ; il met entre vos mains une arme terrible contre ces ennemis."
On sera peut-être surpris de voir nombre de "parcheminés" de notre haut enseignement, nombre de doctes journalistes de notre bonne presse comme de notre presse jaune, déclarer, satisfaits, ne rien connaître, ou si peu, du Crédit Social, et ne pas même s'en occuper. Comme si ces hommes, avec un peu de cœur au ventre et d'esprit chrétien dans la tête, pouvaient aussi lestement se désintéresser de l'effroyable problème qui tient les peuples dans l'attente des pires événements. Ou comme s'ils croyaient résoudre le problème en dénonçant casuellement le désordre et en alignant des subjonctifs et des conditionnels.
Puis, ce sont nos pharisiens des vieux partis qui, ricaneurs, demandent les preuves d'efficacité du Crédit Social, alors qu'ils liguent leurs machines politiques pour empêcher le Crédit Social de faire ses preuves.
Diffèrent-ils beaucoup des pharisiens de l'ancienne loi, aux cœurs pleins de duplicité, qui réclamaient de Jésus des "signes dans le ciel", alors que toute la Judée — et bien au delà — résonnait du bruit des prodiges et des miracles accomplis par le Sauveur ?
"Un signe dans le. ciel". Dans le ciel des savants et des grands, et non pas sur la vile terre où rampent les ignorants et les ratés de la vie. Dans le ciel. Qu'on nous cite des noms, des grands noms, des économistes distingués, des professeurs célèbres, des politiciens de renom adhérant au Crédit Social : alors nous croirons en lui. La foule, ça ne compte pas ; la multitude, les dix mille, les trente mille, les deux cent mille qui croient au Crédit Social, c'est du bétail. La lumière réside chez les doctes de la synagogue. Un signe ! Un signe dans les hautes régions où nous évoluons ! Sinon, nous ne croyons point, nous ne voyons rien.
Et parce que cette race de vipères n'aura point d'autre signe que celui du dévouement des créditistes, de leur charité et des transformations qu'ils opèrent en commençant chez les petits, le Crédit Social continuera d'être méprisé, dédaigné, ignoré par ceux qui remplissent le monde de leur personne et les journaux de leurs discours.
Les créditistes ne s'en émeuvent point. Louis Veuillot eut, lui aussi, à subir des tracasseries parce qu'il osait dire des choses vraies mais désagréables à des puissances, même religieuses, de son époque. Il continua imperturbable : "Je n'écris pas pour les impies," disait-il tout simplement. C'est la ligne de conduite du Crédit Social.
Passeront les oppresseurs, les gouvernements-liges, les politiciens mielleux et tartufes ; mais resteront le bon sens, la justice éternelle, qui rétabliront le peuple, les individus dans leur héritage ancestral.
Rêveurs, les créditistes ? Soit. Mais des rêveurs qui transportent leur rêve dans la réalité.
"Lentement, mais toujours, l'humanité réalise les rêves des sages." (Anatole France.)
E.-P. A.