Guerre furieuse, brutale, meurtrière, totale, sans merci.
Les Axistes se battent, disent-ils, pour leur ordre nouveau : l'ordre lancé en Allemagne en 1934, en Italie en 1922, au Japon surtout depuis l'affaire mandchourienne de 1931.
Les Alliés, eux, disent se battre pour la civilisation. Mais, en se rappelant les conditions monstrueuses qui régnaient chez eux avant la guerre, ils se hâtent d'ajouter : Pas pour l'ordre d'hier.
La formule des Alliés reste négative : Nous nous battons CONTRE un ordre dont nous ne voulons pas. Nous ne nous battons pas pour notre ordre, dont nous ne voulons plus. Nous nous battons pour un ordre qui n'existe pas encore.
L'absence d'un ordre qui vaille la peine d'être proclamé ôte à la propagande alliée un atout précieux.
Certains groupes font bien du tapage autour de ce qu'ils appellent les quatre libertés. Mais ces libertés-là existent dans tout pénitencier bien organisé. Qu'autrement brillante serait la liberté tout court — l'affranchissement de toute dictature, politique, bureaucrate ou financière — la liberté d'organiser sa propre vie sans les enquêtes, sans les enrégimentations, sans la menace de la faim !
Que sera notre ordre de demain ? Des politiciens, des plannificateurs surtout, en ébauchent leurs esquisses de temps à autre ; et plus ces plans immolent la liberté personnelle, plus ils reçoivent de publicité.
Il arrive aussi que des voix autorisées se font parfois entendre autrement que pour des messages de guerre.
La voix du Pape ? Ah ! oui. On écoute ses paroles avec respect, on les classe avec non moins de respect, et on bombarde Rome.
La voix de Churchill ? Elle eut son heure, mais elle semble avoir fait place à celle de Washington.
La voix de Roosevelt ? Elle a pris l'ampleur d'une voix de surpape. Mais des sceptiques se demandent ce qu'il faut attendre pour l'après-guerre, d'un chef d'État qui s'inclinait devant le non-sens financier avant la guerre et laissait 12 millions de ses administrés souffrir de privations en contemplant la destruction organisée de l'abondance.
La voix de Staline ? Fort d'avoir le premier réussi à endiguer les puissantes armées nazies, le sphynx de Moscou attend son heure. Mais ce saint-là prendra-t-il bien sur nos autels ?
Cependant, les hommes passent. Les hommes passent et les philosophies demeurent. Demeurent aussi les institutions bien établies ; même les sociétés secrètes qui veillent, qui trient les aspirants et ne laissent monter l'échelle qu'à des hommes dont elles sont sûres.
L'ordre de demain sera-t-il édifié sous le signe de l'étoile de Sion, ou sous le signe du triangle maçonnique, ou sous le signe de la faucille et du marteau ? Ou admettra-t-il l'inspiration de tous ces signes à la fois, sous la haute juridiction du seigneur Dollar, internationalisé en seigneur Bancor ou en seigneur Unitas ?
Les créditistes de Nouvelle-France s'évertuent bien, eux aussi, modestement, mais ardemment, à préparer pour leur pays un ordre d'après-guerre.
Ordre de sécurité, ordre de liberté. Mais ce n'est point dans un bureau de faiseur de plans qu'ils l'élaborent. Ils le gravent dans les esprits, ils le gravent dans les cœurs, sous le signe du dévouement, sous le signe de la charité.