Qu'est-ce que la sécurité sociale ?
C'est l'assurance du lendemain, garantie socialement, à chaque membre de la société.
Lorsqu'un homme a beaucoup d'argent et qu'il est sûr d'en retirer assez d'intérêt, année après année, pour être à l'abri du besoin, est-ce pour lui la sécurité sociale ?
C'est la sécurité, mais pas sociale ; elle ne lui est pas garantie par la société, mais par sa fortune personnelle. De plus, cette fortune garantit la sécurité à l'homme qui la possède, mais pas aux autres membres de la société.
L'assurance du lendemain peut-elle être garantie à chaque citoyen ?
Au Canada, oui, parce qu'il y a tout ce qu'il faut pour la garantir.
Sur quoi vous basez-vous pour dire que l'assurance du lendemain peut être garantie à tous et à chacun ?
Sur la capacité de production du pays. On ne peut nier que le Canada soit capable de produire assez de blé, de produits alimentaires divers, de vêtements, de chaussures, de combustible, de matériaux de construction, de soins médicaux et autres services professionnels, pour suffire aux besoins essentiels de tous ses habitants. Et non seulement le Canada est capable de produire cela aujourd'hui, mais encore demain et après-demain.
Est-ce que tous les Canadiens ont l'assurance du lendemain ?
Non, parce que, s'il y a tout ce qu'il faut en fait de produits pour assurer le lendemain à chacun, il n'y a pas de loi canadienne votée et appliquée pour assurer à chaque personne une part suffisante de ces biens.
Est-ce que le travail personnel ne suffit pas pour permettre à chacun de s'assurer le lendemain ?
Non, pas dans le monde d'aujourd'hui. Dans notre monde actuel, bien des travailleurs du sol, de l'industrie et des professions, peinent toute leur vie, e c'est juste pour avoir de quoi suffire aux besoins du jour pour leur famille. Lorsqu'ils sont arrêtés par la maladie, par l'âge, ou par des circonstances, ils n'ont rien devant eux. C'est ce qui cause le principal souci du plus grand nombre des soutiens de famille.
De plus, rien n'assure celui qui travaille aujourd'hui qu'il aura encore son emploi demain. À notre époque, la production est tellement divisée et spécialisée qu'un arrêt dans un endroit produit des arrêts dans d'autres.
De plus, encore, le progrès tend continuellement à remplacer le travailleur humain par la machine.
Si le travail salarié seul doit servir à assurer le lendemain, il n'y a aucune assurance pour les enfants, pour les malades, pour les vieillards, pour les femmes à la maison.
La société est-elle obligée de garantir l'assurance du lendemain à ses membres ?
Oui, dans la mesure où la capacité productive le permet. C'est le premier devoir de la société. L'assurance du lendemain pour l'homme est bien plus importante que l'assurance d'intérêts à l'argent. Pourtant, on a des lois pour voir à ce que l'argent placé ait ses intérêts année après année, et on n'en a pas pour voir à ce que le citoyen ait son pain année après année.
Ce devoir de la société est-il admis par l'Église ?
Évidemment. L'Église ne préconise pas la manière dont il doit être accompli, mais elle dit clairement que la société doit garantir à tous et à chacun une part des biens de la production. Le Pape Pie XI a été explicite dans Quadragesimo Anno :
L'ordre social et économique sera bon et sainement établi, alors seulement qu'il procurera à tous et à chacun de ses membres une part des biens que la nature et l'industrie, ainsi qu'une organisation vraiment sociale de l'ordre économique, permettent de procurer... Cette part doit être suffisante au moins pour assurer à la personne une honnête subsistance.
Les gouvernements reconnaissent-ils ce devoir de la société ?
Ils le reconnaissent théoriquement de plus en plus, même lorsqu'ils n'ont pas ou à peu près pas commencé à s'en acquitter. C'est de plus en plus, dans tous les pays du monde, qu'on parle de sécurité sociale et de lois de sécurité sociale.
Que faudrait-il à chaque Canadien pour être assuré du lendemain ?
Il lui faudrait l'assurance qu'il aura toujours des droits à une part suffisante de la production de son pays.
En quoi consistent ces droits ?
Ils consistent dans l'argent. C'est en effet, quand on a de l'argent en main qu'on peut choisir une part de la production. Aussi, toutes les lois tendant à un commencement de sécurité sociale sont-elles des lois pour assurer périodiquement une certaine quantité d'argent, sous forme de pensions, d'allocations ou autrement.
Et vous dites que chaque citoyen devrait avoir l'assurance du lendemain ?
Oui, tous les citoyens, sans aucune exception.
Alors, il faudrait assurer la distribution périodique d'une somme suffisante d'argent à chacun, tout le temps de sa vie ?
Oui. Et c'est justement cela que cherche l'Union des Électeurs quand elle demande un dividende de $30 pour chaque adulte et de $15 pour chaque enfant.
Mais, ne faut-il pas auparavant déterminer qui en a réellement besoin et qui peut s'en passer ?
Si le pays n'avait qu'une production limitée, ces enquêtes et ces classifications pourraient être nécessaires. Dans un pays d'abondance, elles sont une perte de temps et une source d'ennuis et d'injustices.
Est-ce que $30 par mois suffisent à une personne pour avoir de quoi mener une honnête subsistance ?
Non. Mais ordinairement la personne vit dans une famille, et la famille compte ordinairement au moins un adulte en état de travailler et de gagner autre chose par son travail. Le salaire du gagne‑pain ou la vente de ses produits s'ajoute au dividende touché par chaque membre de la famille.
Et quand un homme ne peut pas travailler ?
La société doit lui assurer une suffisance de pouvoir d'achat. C'est pourquoi l'Union des Électeurs demande une pension de $60 par mois pour les personnes âgées, à partir de 60 ans. Elle demande la même pension de sécurité sociale pour les adultes aveugles ou invalides.
Quelle enquête préalable pour la pension de vieillesse ?
Pas d'autre que l'assurance de l'âge.
Quelle enquête pour les aveugles et les invalides ?
Pas d'autre que celle qui peut être nécessaire pour s'assurer de leur cécité, ou de leur impossibilité physique ou mentale à exercer un emploi lucratif.
La sécurité sociale appauvrirait-elle le pays ?
Nullement, puisque le pays a tout ce qu'il faut, et plus qu'il faut, pour fournir des produits et des services à tout le monde.
Mais s'il n'a pas l'argent ?
C'est le devoir du gouvernement d'émettre autant d'argent qu'il est nécessaire pour équilibrer le pouvoir d'achat global au prix global.
Est-ce que le dividende et les pensions ne donnent pas ainsi des droits gratuits aux produits ?
Oui, ils donnent le droit gratuit à la partie de la production représentée par le montant de ces dividendes, comme les salaires donnent un droit acquis par le travail à la partie de la production représentée par le montant des salaires.
Est-ce que les communistes ne demandent pas eux aussi la sécurité sociale ?
Non, ils demandent d'enrôler de plus en plus de personnes dans le travail et de ne donner des droits à la production rien qu'aux travailleurs. C'est donc une sécurité de classe qu'ils veulent, une sécurité conditionnée par l'emploi. Ils ne veulent pas de gratuités. Et comme tout droit de vivre, d'après eux, doit être lié à l'emploi, le progrès qui remplace les hommes par des machines est une mauvaise affaire pour les communistes.
Quand est-ce qu'on aura au Canada les dividendes à tous et les pensions de sécurité aux vieux, aux aveugles et aux invalides ?
Lorsque le gouvernement fera des lois à cette fin. Et il ne les fera que si les citoyens s'organisent pour les réclamer. C'est à cela que travaille l'Union des Électeurs.
Pourquoi demande-t-on les dividendes et les pensions de sécurité au fédéral ?
Parce que, pour pouvoir distribuer ces dividendes et ces pensions, il faut que l'argent soit en rapport avec la production, et il ne l'est pas. Or, constitutionnellement, c'est le gouvernement fédéral seul qui a le pouvoir de régler ainsi le volume de l'argent du pays. Mais cette distribution devrait se faire par l'intermédiaire des provinces, le fédéral remettant simplement à chaque province le bloc d'argent qui lui revient d'après les chiffres fournis par le recensement périodique.
Nous irions plus loin. Dans chaque province, la distribution serait beaucoup mieux faite par les municipalités, qui sont mieux à même de constater l'âge des personnes et les cas de cécité ou d'invalidité.
"J'ai 83 ans. Je suis en parfaite santé et suis un grand lecteur d'ouvrages de science, de philosophie et d'économique. Mais je n'ai rien trouvé en aucun d'eux pour remédier à l'État désastreux du monde et de mon pays, l'Angleterre, jusqu'à ce que je sois tombé, il y a treize ans, sur l'Économie Nouvelle, et j'ai promptement reconnu Douglas comme le seul et véritable maître. Je vis pour voir le jour où ses idées puissent prévaloir." — (Frederick Carr Extrait d'une lettre citée dans le Social Crediter du 9 février.)