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Réflexions sur un fléau de notre siècle: la Télévision

le mercredi, 01 octobre 2003. Dans Réflexions

par Pierre Michel Bourquignon

Extraits tirés de la revue « Lecture et Tradition », no 176, octobre 1991 - B.P. 1 - 86190 Chiré-en-Montreuil, France

Contre-nature

La télévision est contre-nature. Il est inconcevable qu'elle puisse être acceptée, voire tolérée par une conscience chrétienne.

La victoire de l'Église sur le paganisme fut une victoire totale et elle n'a pas pu s'imposer sans entraîner du même coup l'abolition du cirque. Il semble évident que sa renaissance ne connaîtra pas son avènement sans imposer aussi bien l'abolition de ce lointain rejet du même mal.

« Et le monde est désolé de désolation, parce que plus personne ne réfléchit en son cœur. » (Jerem. 12-11)

Un obstacle à la raison

Le noyau de la catastrophe est bien là, la télévision est un obstacle direct, frontal et permanent à la raison humaine. Jadis, le catéchisme apprenait à l'enfant que l'homme se définit précisément par la raison. L'homme doit donc pouvoir, pour rester homme, user librement de sa raison. C'est sa raison qui le conduit à la connaissance naturelle de son Créateur et elle est la base sur laquelle peut se fonder la réception de la grâce. L'homme racheté ne pourra connaître alors son rachat que par l'enseignement révélé adressé à son intelligence. Enfin, il ne peut connaître ses devoirs de racheté que par la libre soumission de son intelligence et de sa volonté à cet enseignement.

Le petit chrétien savait donc très tôt qu'il avait reçu une faculté distinctive qui oblige. La raison donne des devoirs antécédents à toute espèce de droit. Et l'éducation n'a d'autre but que d'aider à sortir de la condition seulement animale, un être doué d'une puissance « infiniment » supérieure à celle que peut donner la matière. Pour rester homme dans un milieu courbé vers la matière, il n'existe qu'un moyen, c'est le libre usage de la raison éclairant le choix entre les biens et dirigeant ainsi l'élan de la volonté.

Tel est l'univers composé de millions d'individus, que la télévision ravage tous les jours et désole de désolation par son procédé même. Car on ne voit pas tellement comment des individus, adultes ou enfants, qui passent quinze à vingt heures par semaine — voire bien davantage - devant un écran, abreuvés d'images et de bruit, pourraient encore trouver le temps, l'envie et la force de se soumettre à la discipline de l'effort intellectuel véritable.

Attaque contre l'âme

Nous disons que l'attaque est directe, frontale et permanente contre les trois puissances de l'âme humaine qui portent les traits de la ressemblance divine : la mémoire, l'intelligence et la volonté.

La mémoire ravagée

La télévision dénature les faits pour les introduire dans un monde fictif qui lui est propre. Elle est véritablement un medium, dans le sens d'un milieu à part, isolé du monde réel. Qui s'informe à la télévision croit puiser directement à la source, donc à la bonne source, mais se trompe lourdement.

Est-il besoin de rappeler l'arme redoutable de la conspiration du silence ? Sans doute n'est-elle pas le monopole de la télévision mais bien l'une des techniques privilégiées du mensonge informatique.

Ravages aussi sur l'intelligence

Les ravages de la télévision sur l'intelligence ne peuvent pas être moindres que sur la mémoire, bien au contraire, parce qu'elle est le règne du simulacre. Par sa technique, qui l'oblige à une perpétuelle mise en scène, on peut dire qu'elle prive l'intelligence de son objet, qui est l'être.

L'exercice du discernement est presque totalement supprimé, et il est en tout cas faussé par les jugements imposés tout faits qui sortent de la boite.

Qui s'adonne à la télévision s'abandonne à la merci d'un magistère inconnu. Il ne faut pas rêver, ce magistère n'a pas le désir de vous enseigner la vérité, où irait-il la chercher ? Le téléspectateur se dépouille de ses plus nobles prérogatives et les confie à d'autres, le plus souvent des gens de peu. « À la télévision, beaucoup... vivent de la vie des autres par substitution et meurent de leur mort », remarquait un auteur contemporain (Ed. Dieckmann Jr : Beyond Jamestown, page 109), c'est l'évidence. Et c'est alors vivre pour quelle vie et mourir de quelle mort ?

Une drogue intérieure : la plus dévastatrice qui soit

Enfin, la télévision s'attaque à la volonté. Il est banal d'entendre avouer, par ses victimes elles-mêmes, qu'elle agit à la manière sournoise d'une drogue. La dépendance est visible, sensible, manifeste, et il suffit d'avoir seulement une fois rencontré « en manque » un sujet dépendant de drogue et un autre d'images pour être convaincu de l'identité du phénomène. La privation cause une douleur quasi physique à peine tolérable et un affolement caractéristique de l'anéantissement de la volonté.

Songeons à l'importance de l'horaire dans le règlement de vie. Nous pourrons alors mesurer l'emprise que la télévision va se tailler sur les individus dans la société actuelle et par là sur la société elle-même et tout entière. Cette collectivisation et cet enrégimentement a quelque chose d'effrayant : le règne de la bête s'avance. Les hommes acceptent de se faire gouverner, et de se faire gouverner en masse, par la contrainte des programmes et de ceux qui les exécutent.

Contre la religion

La télévision s'en prend de front ainsi de façon multiple et permanente à la vertu de religion. D'abord par un naturalisme omniprésent et inhérent à l'essence même de la télévision. La célèbre formule : « on ne croit que ce qu'on voit », est de loin dépassée par une autre : « on ne croit que ce qu'on a vu à la télévision ». Le filtrage va s'opérer obligatoirement en fonction de l'engin, exclusivement au profit de réalités visibles (et déformables). Les réalités invisibles sont délaissées. D'autant que le commentaire, seul recours pour la présentation de la réalité supérieure, sera canalisé par l'esprit de la maison, laïc, tolérant, maçonnique, avec la riche perspective qu'il comporte en persécution intellectuelle, en pression morale et en censure déguisée. Et de fait on aboutit à une véritable idolâtrie naturaliste répandue et communiquée.

On comprend facilement ce que devient la vertu de foi dans les âmes soumises à un tel régime. On vient d'en parler : l'oracle de saint Paul proclamant que la foi nous vient par l'oreille (4) fait place à la sentence nouvelle : la foi nous vient par les yeux. Il va sans dire que l'objet de la foi, dans l'un et l'autre cas, ne peut rester le même. La prédication reçue par l'oreille est le moyen privilégié de l'enseignement des choses d'en-haut. Il fut choisi entre tous par Notre-Seigneur Lui-Même pour appeler le regard vers l'intérieur et l'élever. C'est le regard de l'âme. Tandis que le spectacle s'adresse aux yeux de la chair qu'il attire en dehors et vers le bas. Le défilé des images appelle à la préoccupation constante de ce qui se voit avec ces yeux-ci et il anéantit du même coup les attraits de toute vérité surnaturelle, parce que de fait les sons, et éventuellement les paroles qui accompagnent les images, sont ravalés au rang d'accessoires. La fascination se fait par l'œil, qui ne voit plus utilement, tandis que les oreilles, véritablement, n'entendent plus...

Dans l'univers fictif de la télévision tous les désirs semblent promis à se réaliser et les prouesses techniques exercent leur séduction par le pouvoir apparent qu'elles communiquent au spectateur. Dans un état d'hypnose, il presse ses boutons et croit se mouvoir à son gré dans le temps et dans l'espace, sur simple demande, sur simple souhait, sans condition et sans mérite. C'est une disposition d'âme incompatible avec la vertu d'espérance, qui attend tout de la bonté du Créateur, par les mérites de notre Rédempteur, par une imploration humble, pénitente et soumise. D'un côté la satisfaction instantanée et inconditionnelle du moindre caprice, de l'autre la disposition habituelle de la volonté à se soumettre à la raison orientée par la grâce et maîtrisée par la mortification.

Dans cet univers où tout est faux, les promesses de la vie éternelle n'ont aucune place et ce sont elles que l'on présentera comme trompeuses et chimériques. Non que ce mensonge soit nouveau, mais les prouesses techniques forment une remise à jour du vieil ensorcellement par le monde. Les faillites de toutes les prédictions d'un bonheur pour demain mais sans cesse reporté dans son avènement, sont masquées par l'éclat et le défilement des images. Tandis que l'on se tait sur le triomphe final de la Croix, sur le mont Calvaire d'abord, et chez tous les preux qui surent héroïquement le gravir à la suite du Christ.

Dans la mesure où la télévision concentre l'attention vers la créature, elle la détourne de Dieu. D'autant plus qu'un climat laïciste envoûtant interdit de rappeler jamais que l'univers sort des mains du Créateur. Il n'y a que l'Homme, dans sa majestueuse abstraction. Lui seul est sujet de droit, lui seul est honoré et consulté. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que le prochain, l'homme sans majuscule, doit tout simplement être écrasé. On le déchire à belles dents et de la bouche même qui bêle toute la journée l'humanisme le plus désincarné. La charité, ou amour de Dieu, soutient seule l'amour du prochain. L'amour du prochain doit forcément disparaître avec elle, et en plus on le remplace par un ignoble produit des loges que l'on appelle la solidarité vraiment prise dans son sens maçonnique. La solidarité anonyme et statistique à laquelle on appelle comme à la souscription d'un emprunt et qui reste sans âme, sans contact, sans durée. Le prochain, que l'on voit, disparaît au profit de l'« Autre », à jamais introuvable cet « Autre », qui n'est qu'une singerie, sans le moindre rapport avec celui qu'il nous est commandé d'aimer comme nous-mêmes, mais commode à manipuler, comme toutes les abstractions.

Pierre Michel Bourquignon

C'est Satan qui gouverne par les modes, la télévision et les écoles

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