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Rationnement perpétuel

Louis Even le vendredi, 15 octobre 1943. Dans L'économique

Hier

Une vitrine débordante ; en face, un estomac creux. La vi­trine restant débordante et l'estomac restant creux, parce que la poche est vide. Cela s'est-il jamais vu au Canada ?

Tous ceux qui avaient l'âge de raison avant la guerre sont familiers avec ce tableau.

Le rationneux siégeait alors dans la banque, dans la banque qui fait et défait les piastres nécessaires pour acheter. En rationnant les piastres, il rationnait tout ce qui soutient ou embellit la vie.

Rationnées, les familles, et bannie la joie des enfants : pas d'argent. Rationné, le gagne-pain de l'ouvrier ; rationné, l'écou­lement des produits agricoles : pas d'argent. Rationnées, les mu­nicipalités, les paroisses, les écoles ; rationnés, les gouvernements, le fédéral comme les provinciaux : pas d'argent.

Aujourd'hui

Des besoins dans la maison ; de l'argent dans la poche ; des biens dans la vitrine. Mais les biens restent dans la vitrine, l'argent dans la poche et les besoins dans la maison. Cela peut-il exis­ter au Canada ?

Mais c'est le tableau actuel. L'argent est moins rare : on ra­tionne le droit de s'en servir, on le rend inutile s'il n'est accompa­gné de coupons.

Cette fois, le rationneux siège dans une commission du com­merce et des prix, mais il sort du même moule. Il avait appris à rationner les piastres, il va maintenant rationner les coupons.

Et demain

Voici la guerre finie. Les usines de munitions rejettent 800,­000 employés, les casernes renvoient 800,000 soldats. Plus de sa­laires, plus de soldes.

Plus besoin de coupons de rationnement, on revient au ra­tionnement des piastres.

Mais le travailleur de guerre, qui ne pouvait se servir de toutes ses piastres, en a confié au gouvernement pour des bons de la victoire. Ne va-t-on pas les lui remettre ?

Assurément. Mais croit-on que le gouvernement a renfermé ces piastres dans une cassette pour les sortir une fois la guerre finie ? Les piastres sont bel et bien dépensées, elles sont tombées en fer et en feu sur les têtes et les maisons des ennemis.

Le gouvernement va quand même tenir ses obligations. Com­ment ? Il va prendre des piastres dans vos poches et les mettre dans vos mains. Où voulez-vous qu'il les prenne ailleurs, sous le système merveilleux auquel il a voué fidélité éternelle ?

Rationnés encore. Rationnés toujours. C'est l'arme des ty­rans qui veulent rester maîtres du monde.

Rationnement après la guerre comme avant la guerre. À moins que, les masses refusant la faim, les gouvernements enré­gimentent les ouvriers et soldats congédiés, les distribuent dans des casernes civiles à travers le pays, employant ces bataillons ci­vils à l'exécution de vastes plans gouvernementaux, à la manière russe.

Ce sera alors un autre rationnement, rationnement déjà bien en voie : le rationnement de la liberté.

Louis Even

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