On sait que les créditistes ne condamnent pas le capitalisme, mais seulement ses abus, surtout la naissance de l'argent à l'état de dette et l'absence d'un mécanisme pour équilibrer le pouvoir d'achat avec la capacité de production.
Ils ne condamnent pas le profit, mais dénoncent la paralysie de la distribution, la désuétude d'un système financier qui ne s'accorde pas avec le progrès.
Les socialistes, eux, dénoncent le profit et n'attaquent jamais l'intérêt chargé sur l'argent à sa naissance. Aussi, les puissances d'argent s'accommodent-elles assez bien de la montée du socialisme ; elles accueilleront sans résistance une législation socialiste pour calmer les mécontents, plutôt que d'avoir à subir une réforme dans le mécanisme de contrôle par excellence.
Le plan Beveridge ne trouvera d'opposition, ni chez les socialistes, ni chez les travaillistes anglais qui sont un parti socialisant, ni chez les maîtres de la finance, ni chez les économistes des chaires endettées aux puissances d'argent.
Mais jamais la formule créditiste ne sera accueillie dans ces milieux.
Dans une lettre, déjà vieille de quelques mois, du député fédéral créditiste Norman Jacques, publiée dans l'Edmonton Bulletin, nous trouvons les notions suivantes, toujours d'actualité :
"Ceux qui condamnent le capitalisme ignorent deux faits :
1. — Le capitalisme est un système de pertes et profits ;
2. — Le capitalisme ordonne (conduit ses plans) par persuasion.
"Au sujet du profit : il est significatif que les attaques contre le profit n'englobent jamais l'intérêt, qui est pourtant le profit sans risque de perte, l'usure.
"Il y a une différence fondamentale entre le profit et l'intérêt. Le profit est la récompense pour des risques assumés individuellement dans l'augmentation de la richesse communale. L'intérêt n'assume aucun risque : c'est un profit sur un intangible, bien garanti par une hypothèque sur des valeurs de premier ordre.
"l'Église a condamné l'intérêt plusieurs fois, pas le profit normal. Elle a condamné l'intérêt pour de bonnes raisons. Dès les premiers temps, l'intérêt a résulté en dettes impayables, finissant par la destruction de toute société libre.
"La seule alternative aux projets par la persuasion et par l'entreprise privée, c'est la "planification" par la force.
"L'entreprise privée assume que les hommes et les femmes, comme individus vivants, sont les meilleurs juges de ce qu'ils veulent, du pourquoi ils le veulent et du quand ils le veulent.
"La planification nie cette compétence de l'individu à juger de ses besoins. Dans une économie "planifiée", les individus obtiendraient, non pas ce qu'ils savent qu'ils veulent, mais ce que quelqu'un pense qu'ils devraient vouloir.
"Il est vrai que le nombre d'individus capables d'obtenir ce qu'ils veulent a toujours été en diminuant. Mais cette frustration n'est pas le résultat de l'entreprise privée ; c'est, au contraire, le résultat des entraves à l'entreprise privée, du tarissement des profits dans la production, de la négation de la liberté individuelle de choix.
"Ces choses sont devenues de plus en plus limitées et de plus en plus difficiles à obtenir. À leur place, on a eu des millions d'hommes condamnés à l'oisiveté, rejetés de toute entreprise ; on a eu des dépressions, des banqueroutes, une dette consolidée et des taxes toujours croissantes.
"Ces conditions ont finalement abouti à la guerre. Et la guerre, continuant l'école d'où elle est née, dénonce le profit, nie la liberté d'entreprise, et la liberté de choix, mais sanctifie l'intérêt et une certaine sécurité de caserne, augmente la dette consolidée, impose des taxes confiscatoires et crée du travail pour tout le monde.
"Ce sont précisément ces mêmes résultats que nous promet le nouveau monde "planifié", qui doit sortir de cette guerre comme un fruit de son arbre. Pour les faiseurs de plans, la guerre peut être la condition idéale ; mais, pour tous les autres, la guerre c'est l'enfer."