Dans son troisième point, la plate-forme de l'Association Créditiste du Canada rappelle que le contrôle de l'argent est le principal instrument du pouvoir.
Comme ce contrôle réside aujourd'hui dans des institutions privées, appelées banques, ces institutions privées exercent un pouvoir de domination sur les peuples et sur leurs gouvernements.
Ce qui est reproché ici aux banques, ce n'est pas le service des épargnes et des placements, ce n'est pas l'exactitude de leur comptabilité, ce ne sont pas leurs opérations bancaires proprement dites. Ce ne sont même pas les profits qu'elles tirent de leurs opérations. Mais c'est l'acte de souveraineté qu'elles posent en décrétant quelle quantité d'argent sera mise en circulation et à quelles conditions cet argent sera mis en circulation.
Cette opération est une prérogative qui n'aurait jamais dû être conférée aux banques. De fait, les banques ne proclament pas qu'elles exercent cette prérogative, car elles savent fort bien que c'est un pouvoir extra-bancaire, c'est un pouvoir de gouvernement. Pour le garder, il faut qu'il soit tenu secret. Si les banques sont menacées de perdre cette prérogative aujourd'hui, c'est que depuis un quart de siècle, le mystère est de plus en plus dévoilé.
Ceux qui n'ont pas encore saisi l'existence ou l'importance de ce fait s'imaginent que le désordre économique vient d'une mauvaise répartition des fortunes. Ils pensent que les pauvres sont pauvres parce qu'il y a des riches qui prennent tout.
Les créditistes voient plus clair. Ils ne s'attardent pas à regarder la table chargée du riche, ils se tournent plutôt vers l'abondance inutilisée qui s'étale devant tous les consommateurs du pays.
Ils ne crient pas contre l'homme qui mange à satiété ; ils crient contre le criminel qui place sous clef et laisse pourrir une montagne de nourriture en face des affamés.
Les créditistes font la différence entre la possession et le contrôle. Ils placent plus d'importance sur le contrôle que sur la possession.
Ce ne sont pas ceux qui possèdent l'argent, mais ceux qui contrôlent l'argent, qui tiennent en main la vie des hommes.
Un millionnaire ne règle pas l'argent du pays par le fait qu'il possède un million. Aussi, ce n'est pas le millionnaire qui est l'ennemi du public. Il ne fait pas au public l'ombre du mal que fait le système bancaire.
Le millionnaire possède un million en pouvoir d'achat et peut absorber des produits pour un million c'est tout. Mais ce n'est certainement pas cette part du millionnaire qui videra les élévateurs à grains, et il restera assez de blé pour suffire aux besoins de tous les autres consommateurs du pays, parce que l'estomac même d'un millionnaire a une capacité limitée. Les riches n'ont jamais vidé les magasins de 1930 à 1940.
Mais la banque, elle, sans acheter un seul minot de blé, peut empêcher les familles d'avoir du pain. C'est arrivé pendant dix années avant la guerre. Le système bancaire n'achetait pas le blé et ne mangeait pas le pain ; il mettait simplement la clef sur les élévateurs à grains, si bien que le gouvernement faisait les crève-faim payer les fermiers de l'ouest pour cultiver moins de blé.
C'est que la banque possède le contrôle du volume de l'argent en circulation. Sans enlever la propriété à personne, elle peut rendre la propriété stérile, peu profitable, inutile, nuisible même.
Ce serait le lieu de faire la remarque ici, sans cependant nous arrêter à la développer : ni les caisses populaires, ni les coopératives, pourtant institutions très recommandables, ne viendront à bout du redressement économique tant que le contrôle du crédit restera entre les mains des banques.
Les caisses populaires aident à un meilleur usage de l'argent. Mais la naissance de cet argent, son volume, le terme de sa durée, les conditions de son émission et de son retrait, tout cela est régi par des décisions prises ailleurs.
Les coopératives rendent des gens coopérativement propriétaires de moyens de production ou de distribution. Mais la propriété, c'est une chose ; le contrôle en est une autre. Et le second domine la première.
L'électricité est installée dans une ville. Une centrale assure l'approvisionnement de courant. Des fils le conduisent à toutes les chambres de toutes les maisons.
On me place à la centrale électrique et, sans me donner aucune propriété dans l'installation, on m'en abandonne tous les contrôles.
Je puis, à mon gré, couper ou rétablir le courant. Je puis jeter toute la ville dans les ténèbres ou lui assurer la lumière. Je puis servir un courant qui aide ou un courant qui électrocute.
Sans posséder la moindre parcelle de ce courant, j'en ai le contrôle et j'agis en souverain. Je transforme un instrument de service en un instrument de domination.
Il en va de même dans notre système monétaire. C'est toute une population qui produit, qui transporte, qui consomme. Mais c'est un petit groupe qui décide des limites de la production et des limites de la consommation. Et ce petit groupe non élu ne rend compte à personne. Il ne possède ni les fermes, ni les industries, ni les maisons ; mais il détermine le degré d'activité des fermes et de l'industrie et le niveau de vie permis dans les maisons.
La soustraction de l'argent du Canada, en 1930, ne fut décrétée ni par le peuple canadien, ni par son gouvernement. Peuple et gouvernement en ont pâti pendant dix années. De même dans tous les pays civilisés, en même temps, sans aucune cause dans la nature.
Cela ne s'est pas fait tout seul. Et cela n'était nullement nécessaire, quoi qu'en disent les perroquets parcheminés qui nous parlent de cycles économiques inévitables. La preuve que ce n'était pas nécessaire, c'est que la déclaration de guerre a changé tout cela : la puissance non élue qui tient la manette de contrôle a immédiatement réouvert le courant de l'argent. A-t-on entendu une seule voix dire depuis : On va arrêter la guerre faute d'argent ? Non, pas même les voix qui disaient la veille : On ne peut rien faire contre la crise, faute d'argent.
Eh bien, les créditistes, dans leur plate-forme politique, réclament pour le peuple lui-même, par l'intermédiaire de ses représentants élus, le droit de déterminer la politique monétaire du pays. C'est-à-dire que, par ses députés, le peuple exigera que le courant de l'argent soit, en tout temps, en rapport avec le courant de la production répondant à des besoins.
Le contrôle de la politique monétaire, qui donne aujourd'hui un pouvoir souverain aux banquiers internationaux, reviendra ainsi, au Canada et pour le Canada, au parlement élu par le peuple canadien.
C'est alors qu'on pourra parler de démocratie. M. King n'a-t-il pas déclaré lui-même publiquement, en 1935, qu'il est inutile de parler de démocratie, tant que le parlement élu par le peuple n'aura pas repris le contrôle de la politique monétaire ? Pourquoi donc a-t-il quand même continué à parler de démocratie ? Pourquoi dit-il et fait-il dire que nous faisons la guerre pour la défense des démocraties, puisque la démocratie n'existe pas encore ?
C'est une farce sinistre que l'Association Créditiste du Canada travaille à faire disparaître.
La Société Radio-Canada a fait, cette année, de nouveaux règlements concernant les émissions politiques sur son réseau. Ces règlements sont codifiés de telle sorte que le parti libéral, le parti conservateur et le parti C.C.F. obtiennent certaines périodes gratuites pour parler au pays sur le réseau payé par la nation. Mais pas les créditistes, ni le Bloc Populaire Canadien.
La Société Radio-Canada place ainsi le groupe créditiste sur un rang inférieur au parti C.C.F., alors que depuis plus de huit ans une province canadienne est administrée, avec succès, par un gouvernement créditiste, tandis que la C.C.F. n'a encore jamais administré une seule province. Puis aux élections fédérales de 1935 et de 1940, les créditistes élurent plus de députés que la C.C.F.
Aussi, à Toronto, l'Association Créditiste du Canada adoptait à l'unanimité la résolution suivante :
ATTENDU que les règlements de la Société Radio-Canada, arrangés de façon à exclure spécifiquement toute allocation de temps libre à l'exposé de la cause créditiste sur le réseau national, trahissent une manipulation politique délibérée ;
ATTENDU qu'un gouvernement créditiste a été au pouvoir en Alberta pendant plus de huit années ; que, durant cette même période, les députés créditistes au parlement fédéral ont constitué numériquement en importance le troisième groupe politique à la Chambre des Communes, et que le mouvement créditiste est de portée et d'influence mondiales ;
ATTENDU que l'exclusion de l'école créditiste des émissions politiques nationales, par Radio-Canada, constitue une suppression flagrante de la liberté de parole et viole les droits démocratiques sous n'importe quel angle on les considère ;
IL EST EN CONSÉQUENCE RÉSOLU que cette Convention, siégeant en assemblée au nom de milliers de créditistes de tout le Canada, dénonce dans les termes les plus vigoureux ce que nous croyons être un acte injuste et inexcusable de la part de Radio-Canada, lorsque cette Société nationale fait des règlements qui empêchent le point de vue créditiste d'être placé devant le peuple du Canada ;
IL EST DE PLUS RÉSOLU que nous pressions, avec toute la force possible, le bureau des gouverneurs de Radio-Canada de reconsidérer tout le sujet de la radiodiffusion politique et d'inclure l'Association Créditiste du Canada parmi les organisations politiques qui méritent leur juste part de temps gratuit sur le réseau de cette Société.
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À la suite de la Convention et de cette résolution, M. Augustin Frigon, agissant comme gérant-général de Radio-Canada, déclarait que, selon lui, l'Association Créditiste du Canada ne répond pas aux conditions stipulées dans les règlements de Radio-Canada pour avoir droit à du temps gratuit sur le réseau national. Il refusait de dire, pour le moment, en quoi consistaient les lacunes de l'Association Créditiste du Canada.
Mais, le 19 avril, à la Chambre des Communes, M. Hansell, député créditiste qui a pris particulièrement en main la cause de la radio pour notre Association, renouvela vigoureusement ses protestations devant le comité parlementaire de la radio, dont il fait partie. Il gagna l'appui de plusieurs membres du comité, entre autres M. Coldwell, leader des C.C.F., et MM. Diefenbaker et Ross, conservateurs-progressistes. Si bien que M. Frigon dut promettre d'attirer l'attention du bureau des gouverneurs de Radio-Canada, à la séance de ce bureau le 8 mai prochain, sur le cas de l'Association Créditiste du Canada.
Le temps actuellement alloué par Radio-Canada aux émissions politiques est très court : une demi-heure en tout par mois, dont 12 minutes aux Libéraux, 9 minutes aux Conservateurs et 9 minutes aux C.C.F. C'est peu de chose. Mais en insistant pour leur part, les créditistes posent une question de principes. De plus, si le temps total augmente, il ne faut pas qu'ils restent dans le néant pendant que les autres se partagent le tout.
Les créditistes de tout le Canada peuvent féliciter chaleureusement M. Hansell pour le zèle qu'il déploie sans relâche afin d'obtenir justice pour la cause créditiste auprès de Radio-Canada.
M. Hansell, Vers Demain vous remercie au nom de tous les créditistes de Nouvelle-France.