En écrivant "Nos créditistes", nous voulons dire : Les créditistes de Nouvelle-France, organisés en Union Créditiste des Électeurs.
Quand l'Union Créditiste des Électeurs est pour une chose, elle le dit et la demande. Quand l'Union Créditiste des Électeurs est contre une chose, elle le dit et la repousse.
C'est le devoir des directeurs de faire toutes les démarches nécessaires pour protéger l'organisation.
Les créditistes de la province de Québec apprécieront sûrement la promptitude avec laquelle leurs directeurs ont pris attitude contre la conscription, et leurs interventions répétées pour prévenir tout malentendu, toute confusion pouvant résulter du fait que les créditistes des provinces anglaises pensent autrement que nous sur ce sujet.
Dans le dernier numéro de Vers Demain, nous avons déjà dit comment, aussitôt après avoir vu dans les journaux deux déclarations de l'Hon. Solon Low, incomplètement rapportées d'ailleurs, M. Even est allé rencontrer les députés créditistes à Ottawa, avec M. Grégoire qu'on fit arrêter sur son chemin de retour de l'Ouest.
Nous ne pouvions pas demander aux députés de voter contrairement à la volonté de leurs propres électeurs ; mais nous ne voulions pas qu'ils parlent ou aient l'air de parler au nom de tous les créditistes du Canada.
M. Low, répondant à une demande d'explication de notre part, nous télégraphia, puis nous écrivit que nous avions, non seulement le droit, mais le devoir, d'exprimer les vues des créditistes de notre province, et de dire hautement que nous ne partagions pas les vues exprimées par lui-même dans ses déclarations.
C'était le 22 novembre, le jour même de l'ouverture de la session à Ottawa.
Le lundi suivant, 27 novembre, M. Grégoire, M. Even et Mlle Côté signaient la réponse à une lettre ouverte de Paul Gouin. Cette réponse, publiée dans Vers Demain du 1er décembre, se termine par l'alinéa suivant, qui est bien clair :
"Nous maintenons que pas un seul homme de la province de Québec ne doit être contraint d'aller outre-mer contre son gré. C'est la signification non équivoque de la réponse donnée au plébiscite de 1942 par la population de cette province. Comment peut-on championner la démocratie et passer outre à la volonté manifestement exprimée par tout un peuple ? Car la population de la province de Québec possède tous les facteurs qui constituent véritablement un peuple."
Cette déclaration, transmise à tous les journaux de la province, fut publiée par les quotidiens de Montréal ; ceux de Québec se montrèrent moins empressés, ils préféraient faire de la publicité aux vues des créditistes de l'Ouest.
Le mardi, 28 novembre, nos directeurs apprirent que l'Hon. Solon Low était à Ottawa, évidemment pour orienter les dix députés créditistes dans leur attitude vis-à-vis de la motion de confiance posée par le gouvernement King. C'était de nature à laisser croire que les députés parleraient au nom de l'Association. M. Even et Mlle Côté prirent le premier train pour la capitale.
Nos deux directeurs expliquèrent au leader national le mauvais effet que ses déclarations unilatérales avaient produit dans les milieux créditistes du Québec. Ils insistèrent pour que les dix députés créditistes au Parlement fassent savoir clairement, de quelque manière, qu'ils ne parlent pas au nom de l'Association Créditiste du Canada. On est tellement habitué à la politique de partis en ce pays que le public ne fera pas lui-même la distinction.
Ce point fut obtenu. La déclaration demandée fut faite en Chambre par Victor Quelch, député, du comté d'Acadia (Alberta), avant de proposer l'amendement du groupe parlementaire dirigé par John Blackmore. Cette déclaration, consignée au Hansard du 29 novembre, page 7057 de l'édition française, n'a été soulignée par aucun journal du pays. Nous la reproduisons ci-contre, en page 2, sous le titre "Déclaration Quelch".
De plus, M. Low réaffirma la pleine autonomie des organismes provinciaux à prendre leur propre attitude sur la question. Il promit à nos deux directeurs de faire lui-même une déclaration dans ce sens à la Canadian Press, avant de s'en retourner dans l'Ouest. Voir page 2, sous le titre "Déclaration Low".
Le jour même où M. Even et Mlle Côté rencontraient M. Low à Ottawa, le vice-président de l'Association Créditiste du Canada, M. Ernest Grégoire, parlait publiquement à une assemblée non-partisane tenue à St-Grégoire de Montmorency. Il y signa, avec d'autres de divers groupements politiques, une motion condamnant la conscription et demandant aux ministres et députés canadiens-français à Ottawa de démissionner comme geste de protestation collective.
Comme nous ne sommes pas un parti Politique, l'Union Créditiste des Électeurs est à l'aise pour appuyer ou combattre, selon les questions en cause et non pas selon ceux qui les championnent.
Les journaux du 1er décembre nous apprenaient que, la veille au soir, l'Hon. Duplessis faisait adopter par son cabinet un arrêté ministériel pour exprimer l'opposition unanime de la province de Québec à la conscription. Il y demande au gouvernement fédéral de respecter ses engagements envers la population de la province, engagements dont cette population ne l'a jamais délié.
Notre directeur, Louis Even, crut interpréter le sentiment général de l'Union Créditiste des Électeurs en adressant immédiatement le télégramme suivant au premier-ministre :
Honorable Maurice Duplessis,
Premier-ministre,
Québec.
Félicitations sincères pour arrêté ministériel contre la conscription. Toute l'Union Créditiste des Électeurs sera avec vous jusqu'au bout dans la résistance efficace pour qu'aucun citoyen de la province de Québec ne soit envoyé outre-mer contre son gré.
(Signé) Louis EVEN
Leader, Union Créditiste des Électeurs.
On serait donc mal venu, après tout cela, de vouloir lier l'Union Créditiste des Électeurs à l'attitude prise par des créditistes d'autres provinces.
Nous ne sommes pas plus obligés de partager leurs vues sur la conscription qu'un cultivateur du bas du fleuve, un mineur d'Asbestos ou un colon de l'Abitibi n'est obligé de partager les vues d'un orangiste de Toronto. Les créditistes des autres provinces le savent et l'admettent sans hésiter.
Si l'on veut souder les attitudes, il faut aller aux partis politiques, comme à la C.C.F. par exemple. Le 1er décembre, à un congrès général de la C.C.F. tenu à Montréal, après une séance à huit clos de deux heures, les congressistes communiquaient à la presse une résolution du parti demandant la conscription totale et immédiate, sans faire aucune distinction entre les volontaires et les conscrits. Nous plaignons les Canadiens français pris dans cette machine.
Mais ce n'est pas seulement par les termes de leur constitution et par les déclarations de la direction que les créditistes de la province de Québec savent qu'ils ont droit à leur pleine autonomie. Ils le savent parce qu'eux-mêmes ont posé, plus que jamais et plus que quiconque, des actes répétés contre la conscription.
Nos membres ne se contentent pas de laisser faire leurs directeurs, pas même d'applaudir aux déclarations ou aux discours de quelques vedettes. Ils se mettent en mouvement eux aussi. Ils envoient, eux aussi, des lettres, personnelles ou par petits groupes, des télégrammes individuellement ou conjointement, des téléphones, etc., à ceux qui les représentent dans les deux parlements.
C'est cela qui fait la supériorité d'une union d'électeurs sur un parti politique. Nous sommes une union d'électeurs pour une politique d'électeurs ; non pas un clan de politiciens pour une politique de clan.
Dans les partis politiques, un clan mène, les autres n'ont qu'à approuver et suivre silencieusement, ou bien à se retirer.
L'Union Créditiste des Électeurs habitue ses membres à être tous et chacun de la partie, à exprimer eux-mêmes leurs vues à leurs représentants. Sans doute que la direction peut et doit agir au nom de tous, lorsqu'elle connaît les vues de tous. Mais, en demandant à tous de prendre part personnellement aux démarches, on protège l'organisation contre l'imposition de vues que les membres ne partageraient pas. Il est évident, en effet, qu'un électeur ne va pas demander à son député une choix dont il ne veut pas. Impossible, de cette manière de tomber dans la dictature de parti.
Lorsque les électeurs se seront habitués à poser fréquemment des actes politiques, on aura la politique des électeurs. Dans le passé, on n'a demandé aux électeurs qu'une croix à la mine de plomb tous les quatre ou cinq ans. Pour le reste, seuls les députés, les aspirants-députés et une petite cour de parti dans chaque comté, posaient des actes politiques : on a eu la politique de parti, la politique de clan, la politique de l'aristocratie politicienne, dont on connaît les résultats.
La question de la conscription a été l'occasion pour nos créditistes de Nouvelle-France de s'affirmer, de poser de nombreux actes personnels. C'est cinq fois, en deux semaines, que 1,500 créditistes actifs, situés un peu partout dans la province, ont été invités personnellement à faire pression contre la conscription et à demander à leurs voisins de se joindre à eux pour appuyer cette pression.
Y a-t-il une seule autre organisation dans la province qui ait fait poser autant d'actes individuels, de ces actes qui changent des automates en hommes ?
La valeur de cette politique de pression ne se mesure pas seulement par les effets qu'elle peut obtenir ou ne pas obtenir quant à la loi de conscription. Il faut au moins tenir compte du merveilleux développement personnel de ceux qui la pratiquent. Ce développement-là est la meilleure garantie contre d'autres abus ou d'autres trahisons. Nos hommes publics vont certainement y regarder à deux fois, à trois fois même, à l'avenir, avant d'oublier ou de sacrifier leurs électeurs. Ils sauront qu'une force grandissante et en alerte les surveille.