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Nécessité d'un organisation serrée

Louis Even le dimanche, 01 août 1943. Dans La politique

Sympathisants

Dans beaucoup de localités et de districts de la province, les créditistes sont assez nombreux, la population est plus que sympathique au mouve­ment. Mais, si nous voulons obtenir des résultats, si nous voulons une législation créditiste, ne nous contentons pas de cela.

Jamais la politique ne sera redressée par ceux qui se contentent d'être sympathiques, si nom­breux soient-ils. C'est certainement un avantage que d'avoir des sympathisants, mais c'est très in­complet.

Action et organisation

L'action est absolument nécessaire. Et une action concertée. Et une action organisée.

Dans les comtés où l'Union des Electeurs veut se débarrasser de représentants parlementaires incompétents et s'élire des députés qui l'écoutent et la comprennent, il faudra une organisation très forte, qui ne laisse aucun point faible.

Si notre organisation n'est pas plusieurs fois aussi forte que celle des adversaires en temps nor­mal, elle sera insuffisante en temps d'élection.

Il ne faut pas oublier, en effet, que les organi­sations de partis disposent d'argent, de conscien­ces achetées, de l'entraînement à manipuler les foules, d'astuce, de trucs et d'inventions de der­nière heure, en face desquelles une organisation honnête, mais débutante, peut être mise en pièces comme un jouet, juste au moment où elle devrait se faire valoir.

Exemples

L'expérience démontre tout cela.

Nous pourrions citer une ville, du Lac St-Jean, dont la grande majorité de la population est cré­ditiste, et qui n'a même pas pu, dernièrement, s'élire un maire créditiste. Si une ville créditiste ne peut se donner un conseil municipal créditiste, comment peut-elle compter entraîner d'autres lo­calités moins avancées du même comté dans une action pour se donner un député créditiste ? Si l'on ne peut être maître chez soi dans sa paroisse, dans sa ville, comment peut-on aspirer à être maître chez soi au parlement de la province ?

Il est temps de se défaire de ces illusions, qui risquent de se terminer par d'amères déceptions et peut-être par de profonds découragements.

Dans une autre ville bien créditiste, dans les cantons de l'Est cette fois, il s'agissait d'une sim­ple élection échevinale de quartier. Les électeurs, en grande majorité créditistes, essayèrent de pousser un candidat créditiste, mais échouèrent à leur grande surprise.

On apportera, après coup, les raisons qu'on voudra. On pourra dire, par exemple, que le choix du candidat n'avait peut-être pas été des plus heureux. Et qu'est-ce qui empêchait un meilleur choix ? Ou bien, que le candidat ayant mobilisé des organisateurs de vieux clans politiques, les créditistes furent mis en défiance et, donnèrent leur vote à l'autre. Mais qu'est-ce qui empêchait l'organisation créditiste (l'Union locale des Elec­teurs) de s'imposer ? Concluons plutôt que celle-ci manquait ou était trop faible ou trop lente.

Dans une autre ville, très créditiste aussi, cette fois en Abitibi, l'Union locale des Electeurs déci­dait dernièrement de présenter deux créditistes à une élection de commissaires d'école. Elle a réus­si, mais de justesse ; et sans l'appui du village contigu, dépendant de la même commission sco­laire, les deux candidats perdaient leur élection. Dans la ville elle-même, très majoritairement cré­ditiste, le vote créditiste fut minoritaire.

Toujours la même conclusion : organisation im­parfaite. Beaucoup d'éléments, de bons, de très bons éléments mêmes, mais pas d'organisation systématique et alerte.

Les créditistes du comté fédéral Lac St-Jean et Roberval se souviennent de la campagne électora­le de 1940. Les assemblées créditistes étaient mieux fournies et beaucoup plus enthousiastes que celles des libéraux et des conservateurs. Et pourtant, quel fut le résultat ? Là encore, man­que d'organisation pour faire face aux munitions de dernière heure. Après avoir exploité à fond le thème de la conscription, alors même qu'ils de­vaient voter la conscription quelques mois plus tard, les libéraux surent faire circuler, le jour mê­me de l'élection, la nouvelle, fausse, que le can­didat créditiste venait de mourir. Comme il avait été à l'hôpital tout le temps de la campagne, le truc était adroit.

Il faut s'attendre à tout. Avec une organisa­tion complète et serrée, seulement, pourra-t-on tenir le coup.

Quelle organisation ?

Et en quoi doit consister l'organisation ? On l'a dit et redit, des hommes, de vrais hommes, des patriotes qui sont las d'être des suiveux et déci­dent de se faire meneurs dans leur milieu.

Donc, un responsable, qui sait bouger, par pa­roisse ; un responsable, qui sait bouger, par rang ou fraction de rang ; de même, par village ou fraction de village — pour n'avoir pas plus de 30 familles sous chaque voltigeur.

Puis, des exercices : placement de littérature, entretien des abonnements, abonnements nou­veaux, groupements pour émissions de radio, le­vées de signatures, etc., pour apprendre à bou­ger et à faire bouger. Aussi, des pressions loca­les pour des buts communs locaux ; même des élections municipales ou scolaires, à l'occasion.

Il faut monter l'organisation à tel point que toute instruction communiquée au lieutenant de la paroisse puisse être transmise par lui le jour même aux voltigeurs du village et des rangs, et, par eux, dès le lendemain, à toutes les familles de leurs secteurs respectifs. Qu'en deux fois vingt-quatre heures, les dernières ramifications de l'organisation soient sur pied.

Une telle organisation est absolument nécessai­re pour disposer des difficultés, presque toujours imprévues.

Ainsi, il existe des détails, disons mieux, des dédales de lois et de règlements, électoraux ou autres, avec lesquels les adversaires, profession­nels de la politique, sont bien familiers, mais qui sont tout à fait inconnus de la masse de nos cré­ditistes. Comment mettre au courant toute la masse, au moment propice, si l'organisation n'est pas de taille et n'a pas l'entraînement voulu ?

Qu'on se hâte donc partout d'activer l'organi­sation.

Précisions concrètes

Lors de sa récente tournée en Abitibi et au Té­miscamingue, le directeur de Vers Demain a eu l'occasion de constater des essais, des réussites, des échecs, des points forts, des lacunes.

Le mot d'ordre laissé aux responsables du ter­ritoire est précis : le 1er août, au plus tard, tous les rangs et tous les villages de toutes les parois­ses doivent avoir leurs voltigeurs en charge. Le 8 août, ou le 15 au plus tard, le relevé de toutes les familles, créditistes ou non, doit être entre les mains de chaque voltigeur pour son secteur, de chaque lieutenant pour sa paroisse. Ce relevé doit indiquer le statut créditiste de chaque famille, tel que tracé sur la formule 2661 :

Pour chaque famille :

A reçu l'Île du Salut — oui ou non ?

A lu l'Île du Salut — oui ou non ?

Abonnée à Vers Demain — oui ou non ?

Par la suite, le voltigeur suit son monde, en se basant sur le relevé qu'il a en main, s'efforçant de changer graduellement les "non" en "oui", accen­tuant ainsi l'instruction, les convictions, la dé­termination.

Plus tard, on peut ajouter quelques autres questions ; par exemple : combien d'électeurs dans la famille ? Combien sont prêts à n'appuyer qu'un candidat qui s'engage à réclamer le dividende national ?

Mouvements ratés

Sans cette éducation, sans ces convictions an­crées, sans cette détermination raisonnée, impos­sible de faire face aux puissances d'argent et à leurs protégés.

Qui ne se rappelle les derniers appels au peu­ple de réformateurs très bien intentionnés, mais qui échouèrent complètement, parce qu'ils se fiaient à leur propre sincérité, à la beauté de leur programme, aux démonstrations de sympathisants qu'ils suscitaient sur leur passage ?

Ce fut le cas du mouvement de Paul Gouin et de ses 45 candidats qui perdirent tous leur élec­tion, et même leur dépôt, en 1939.

Sans doute qu'en 1935, ils avaient fait meilleur figure ; mais ils étaient alors alliés à M. Duples­sis, et M. Duplessis avait la machine conservatri­ce entre les mains, comme il l'eut encore en 1936. Or, la machine conservatrice, comme la machine libérale, ne manque pas d'huile, même lorsqu'elle s'appelle Union Nationale.

Sursauts stériles

Les sursauts populaires qui ont besoin de l'ap­pui des parasites du peuple pour obtenir un semblant de succès ne peuvent avoir de lende­main libérateur pour la masse.

Ce ne sont pas les sous du peuple, pas plus que l'éducation préalable de l'électorat, qui firent le succès de l'Union Nationale en 1936. Aussi quel fut, pour le peuple, le résultat de cette élection, pourtant gagnée, dont le peuple attendait tant de redressement ?

Quelqu'un nous disait tenir d'un témoin ocu­laire qu'un chèque de $125,000, de la Montreal, Light, Heat & ; Power, était opportunément tom­bé dans la caisse électorale du "sauveur" du peu­ple en 1936. Impossible évidemment de contrôler la véracité de ce rapport. Nous n'avons ni le goût, ni le temps, ni les moyens de faire des re­cherches dans ces tunnels où les précautions sont toujours prises pour dépister les curieux. Mais combien édifiant de trouver dans un récent nu­méro du journal Le Temps deux annonces payan­tes de la Shawinigan Power ! Deux dans le même numéro. Il est beau de crier contre les trusts ; mais comment les mater lorsqu'ils se montrent aussi complaisants ?

Nous pourrions faire une réflexion analogue au sujet du sursaut déjà manifesté en 1931, sous la conduite de Camilien Houde. Nous ne sa­chons pas que M. Houde ait bien soigné l'édu­cation du peuple, ni beaucoup recouru aux de­niers des opprimés pour sa campagne "libératri­ce" de 1931. Lorsqu'il déposait d'un seul coup $63,000 pour la contestation de 63 élections, combien de ces piastres venaient de la poche de colons, de mineurs ou de cultivateurs hypothé­qués ?

Conclusion

Tout ceci est écrit sans vouloir discréditer per­sonne ni sous-estimer aucune initiative, mais simplement pour mettre nos créditistes en garde contre une satisfaction prématurée dans leurs préparatifs pour affronter une action électorale dans les comtés les plus forts en Crédit Social.

C'est un euphémisme de dire que les élections ne se font pas avec des prières ; on pourrait pré­ciser avec quoi elles se font — au moins avec quoi elles se sont gagnées jusqu'ici.

Lorsqu'on décide de changer cela et d'introdui­re d'autres facteurs plus sérieux et plus respecta­bles, il faut, encore une fois, non seulement de bons fondements établis sur l'étude et le dé­vouement, mais aussi une organisation détaillée, forte, entraînée et à l'épreuve des cyclones les plus inattendus.

Pas de découragement. Non, mais pas d'illu­sion non plus. Si notre cause mérite tous les ef­forts, tous les efforts aussi sont nécessaires pour assurer son succès.

Louis Even

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