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Mon chien

Gilberte Côté-Mercier le mardi, 15 août 1944. Dans Réflexions

J'ai un chien.

Et je parle à mon chien comme ceci :

"Tu es bien beau, mon chien, et bien fin. Mais, tu n'es qu'un chien. Moi, je suis plus beau et plus fin que toi parce que je suis un homme. Entre toi et moi, mon chien, il y a une différence. C'est que toi, tu as un collier, mon chien, le collier que je te mets. Tu as un programme, mon chien, le pro­gramme que je te fais comme celui que les politi­ciens font à leurs électeurs. Tu as une niche. C'est moi qui t'attache à ta niche. C'est moi qui t'en dé­tache. Tandis que moi, un homme, je n'ai pas de collier. Et je fais moi-même mon programme. Je suis libre, comprends-tu, mon chien. Je suis libre comme un homme. Mais, j'ai un grand message à te faire. Si tu veux, mon chien, si tu veux devenir aussi beau et aussi fin que moi, il n'en tient qu'à toi. Tu n'as qu'une chose à faire. Renonce à ton collier. Renonce à ta vie de chien. Et accepte ma liberté d'homme. Veux-tu, mon chien, renoncer à ta vie de chien pour devenir un homme ?"

Et mon chien, qui est un vrai chien, répond : "J'aime mieux rester chien".

* * *

On peut tenir le même langage à la plupart des hommes d'aujourd'hui :

"Messieurs, ne vivez-vous pas comme des chiens ? N'est-ce pas une vie de chien que l'escla­vage du service sélectif, l'esclavage de l'assurance-chômage, de l'impôt sur le revenu, des taxes ? Vous avez crevé de faim pendant dix ans de crise. Ne viviez-vous pas comme des chiens et pire que des chiens ? Les chiens alors avaient des os à manger. Vous, vous n'aviez rien. Vous êtes traqués de tou­tes parts pendant la guerre. Traqués par les ra­tions, par le service militaire, les permis, les privi­lèges à demander, la police, les amendes, la prison. N'est-ce pas une vie de chien ? Eh ! bien, messieurs, si vous voulez devenir aussi beaux, aussi fins que des hommes, il faut une condition. Il faut que vous renonciez à votre vie de chien, à votre collier, et que vous acceptiez la liberté des hommes. Voulez-vous, messieurs les chiens, devenir des hommes ?"

Et bien des hommes répondent : "J'aime mieux rester chien".

Ceux-là, ce sont ceux qui disent : "Maudit gou­vernement ! Maudites taxes ! Maudit service sélec­tif ! Maudit rationnement ! Maudit permis" ! et qui continuent à voter Libéral ou Union Nationale.

    * * *

Mais, l'histoire de mon chien continue. Voyant que mon chien ne comprend pas, j'insiste :

"Écoute, mon chien, je t'aime bien, moi. Puis­que tu ne veux pas comprendre, sais-tu ce que je vais faire ? Je vais me faire chien comme toi, je vais me mettre dans ta peau, dans ta vie de chien pour te montrer comment je t'aime. Exactement comme Dieu s'est mis dans une peau d'homme, dans une substance d'homme pour montrer aux hommes comment il les aimait, et pour en faire des Dieux. Je me ferai chien comme toi, mon chien, afin que tu deviennes un homme. Peut-être que tu comprendras, alors, et que tu voudras renoncer à ta vie de chien et accepter la grande dignité que je t'offre de devenir un homme."

    * * *

Aux électeurs créditistes, qui comprenaient la grande beauté du Crédit Social, et qui, dans l'élec­tion du 8 août, ont préféré rester chiens, les mis­sionnaires du Crédit Social, qui s'étaient présen­tés devant eux pour leur demander l'aumône de leur confiance et de leur aide, n'ont plus qu'à dire :

"Messieurs les électeurs, vous n'avez pas com­pris le grand amour que nous avons pour vous. Malgré votre trahison, vos missionnaires du Crédit Social continuent à vous aimer. Et ils vous le prou­veront en se faisant chiens comme vous, pour vous sauver et faire de vous des hommes. La vie de chien qu'ils ont menée, ils la continueront. Ils con­tinueront à quêter, à être pauvres, à être bafoués. Alors peut-être, comprendrez-vous le grand amour qu'ont voué au peuple les missionnaires du Crédit Social. Ils oublieront que vous leur avez préféré Barabbas. D'ailleurs, cette insulte fera partie de leur sacrifice. Ils savent si bien, les missionnaires du Crédit Social que le sacrifice seul est le chemin du salut. Ils vous aiment de plus en plus, les mis­sionnaires du Crédit Social. Ils vous aiment parce que vous êtes bien misérables et que vous avez be­soin d'eux".

Gilberte Côté-Mercier

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