Beaucoup d'encre a coulé sur la question de l'amendement précipité à l'Acte de 1867. Tout le monde sait à peu près de quoi il s'agit :
Après avoir annoncé, dans le discours du Trône de la présente session des Communes à Ottawa, une nouvelle répartition des sièges électoraux, basée sur le recensement 1941, tel que le veut ce qu'on appelle la Constitution, M. King a décidé tout d'un coup de faire remettre cette répartition à l'après-guerre.
C'était aller contre les intérêts de la province de Québec. Notre population augmente plus vite que celle d'autres provinces : notre représentation à Ottawa devrait en être plus forte. Si le nombre de nos députés doit rester à 65, celui des autres provinces doit diminuer en conséquence.
Il paraît que, si l'on s'en tenait à l'arrangement adopté par les Pères de la Confédération, l'Ontario perdrait sept ou huit députés. Notre position, au point de vue nombre, en serait fortifiée.
* * *
Pour faire immoler notre province, M. King a eu la délicatesse de choisir comme grand-prêtre du sacrifice le successeur de M. Lapointe, l'honorable Louis St-Laurent, qui s'en est acquitté avec beaucoup de précaution, mais a parfaitement atteint le résultat. Une nouvelle plume à son chapeau !
Tout Québec a protesté : les libéraux de M. Godbout, aussi bien que l'Union Nationale de M. Duplessis et le Bloc Populaire de M. Raymond.
Mais rien n'a arrêté la machine lancée à toute vitesse. Lorsqu'il s'agit d'arracher le pays à une crise causée par les financiers, M. King — comme les autres — y va avec une telle lenteur que rien ne change. Mais lorsqu'il s'agit d'une déclaration de guerre à une dictature étrangère, ou d'un coup de couteau dans les droits du Québec, il ne badine pas, et ça marche. Même le Parlement de Westminster, même la signature du Roi, sont prestement mobilisées et la date ultime du sanctionnement fixée.
* * *
L'unanimité dans la protestation des divers groupes politiques de la province de Québec mérite certainement d'être enregistrée. Mais, si l'on ouvre le Hansard du 5 juillet et qu'on examine le vote donné sur cette question à Ottawa — à Ottawa où notre province compte encore une soixantaine de députés vivants, on est stupéfait de n'y voir consignés que neuf votes en opposition à la motion présentée par l'Honorable St-Laurent.
Neuf députés seulement ont voté contre. Les autres étaient, ou bravement absents, ou moutonnièrement alignés derrière l'appel du parti. Moins du quart de notre propre députation pour faire écho à la voix bien audible de toute la province ! Allez-y, monsieur King, pas besoin de vous gêner.
Mais où donc étaient nos "nationalistes", nos patriotes de tribune, ce jour-là ?
Nous jugeons notre représentation de 65 députés trop faible par rapport à celle du reste du pays ; mais nous n'avons que neuf députés pour oser exprimer le point de vue unanime de toute la province. À quoi bon en demander plus, si les quatre cinquième sont si prompts à nous lâcher ?
Cela voudrait-il dire qu'un député du Québec, une fois rendu à Ottawa, cesse de représenter le Québec ? Il est vrai que, en vertu des coutumes sacrées des partis politiques, un député est, avant et par-dessus tout, membre de son parti.
* * *
Continuons de réclamer notre juste proportion de la députation fédérale, aussi longtemps au moins que nous jugerons devoir continuer à faire partie de la confédération canadienne ; mais commençons donc par placer au fédéral, comme partout ailleurs, des représentants qui nous représentent véritablement. Et pour cela, point besoin de l'intervention du Parlement de Westminster, celle d'une réelle Union des Électeurs suffira amplement.