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Loisirs, liberté, bénéfice social

le lundi, 15 mai 1944. Dans Réflexions

Les loisirs font peur à des économistes morali­sants, comme M. Angers, qui professe un culte spé­cial pour le régime du bâton.

Les créditistes, eux, n'ont peur ni du progrès, ni de la machine, ni des loisirs, ni d'un homme libre. Le Père Paul Labarre, jésuite, n'a pas non plus peur des loisirs et de la liberté pour l'homme.

Le jansénisme économique admet que, dans une famille, tous les membres bénéficient des acquisi­tions de la famille, même ceux qui n'y contribuent pas individuellement. Mais, dans la société civile, rien pour rien, dira M. Angers.

Les créditistes, eux, croient que, si l'homme est fait pour vivre dans une famille, il est aussi fait pour vivre dans une société, et que, s'il y a un pa­trimoine commun familial, il y a aussi un patrimoi­ne commun social.

Le Père Labarre n'est pas janséniste en écono­mie, comme Angers. Il pense plutôt comme nous, créditistes, sur le point de l'héritage culturel, trans­mis et grossi de génération en génération.

Les partisans du bâton veulent que l'homme sue avant de manger, même si le pain s'entasse devant lui. Pour eux, le travail est une fin : l'homme est fait pour travailler.

Pour les créditistes, l'homme est fait pour vivre, pour vivre de toute sa vie. Il lui faut un minimum de biens matériels pour pouvoir épanouir sa vie su­périeure. Il lui faut du pain. Si le pain manque, qu'il travaille pour en avoir. Mais si le pain est là, qu'il le prenne et applique ses loisirs à quelque cho­se de supérieur.

Le Père Labarre n'est pas un homme du bâton. Il laisse cet honneur au champion de la nature vi­ciée par le péché originel, le professeur François-Albert Angers.

*    *    *    *

Voici, en effet, une partie de l'article publié, sous la signature du Père Labarre, jésuite, dans l'Action Nationale d'avril :

En saine philosophie chrétienne, le travail n'est pas un but. Les biens matériels sont pour l'homme, les activités matérielles de l'homme sont pour les activités de l'esprit, les activités de l'esprit sont pour la vie surnaturelle et pour Dieu.

Plus le travail matériel, par son organisation tech­nique, libérera l'esprit et lui permettra de s'exercer librement, mieux il atteindra sa fin.

Que de plus grands loisirs soient une occasion d'abus pour certains, cela n'entame en rien les prin­cipes. La liberté humaine est un fait : personne n'ad­met que le but vertueux d'empêcher l'homme de mal user de sa liberté permette d'en faire un esclave.

Si les progrès techniques et les circonstances écono­miques permettent vraiment de plus grands loisirs, il ne faut pas songer à les supprimer, mais s'en réjouir au contraire et tâcher, par des organisations sociales, d'en favoriser la meilleure utilisation. Loin de perdre sa finalité, le travail trouve ainsi son parachèvement dans les activités supérieures auxquelles il est natu­rellement ordonné.

Si l'on interprète les choses dans le sens de la pensée thomiste, de multiples individus (les enfants, les vieillards, les infirmes) n'ont pas besoin de travailler, parce que "ils ont par ailleurs de quoi vivre hon­nêtement" (selon les paroles citées de saint Thomas).

Et ils ont ainsi droit à tout ce qui leur est nécessaire pour vivre honnêtement, parce que, à titre de mem­bres de la famille, ou de membres de la société, ils ont droit de bénéficier du bien commun de la société familiale ou civile.

Tous admettent le principe quand il s'agit de la famille. Pourquoi hésite-t-on à l'admettre quand il s'agit de la société civile, qui n'est que l'élargissement, dans l'espace et dans le temps, de la société familiale ?

C'est parce qu'il est membre de la famille, que l'en­fant ou le vieillard ont réellement droit de participer au bien commun de la famille. C'est parce qu'il est réellement membre de la société, que tout homme a droit de participer au bien commun et de jouir du "patrimoine commun légué par les devanciers et en­richi à chaque génération". Ce n'est que l'affirmation du caractère social de l'homme, et la juste interpréta­tion de la notion de bien commun.

Paul LABARRE, S.J.

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