Voici des extraits d'une causerie donnée par Clifford Hugh Douglas en novembre 1934 sur les ondes de la BBC (British Broadcasting Corporation) :
La définition technique de la guerre est toute action entreprise pour imposer votre volonté à un ennemi ou pour l'empêcher d'imposer sa volonté sur vous. Vous reconnaîtrez, je pense, que cette définition fait du motif, et non de la méthode (armées ou tarifs), l'élément essentiel à considérer.
La plupart des hommes d'État conviendraient sans doute que leur premier défi est d'augmenter l'emploi et d'encourager la prospérité commerciale pour leurs citoyens. Et beaucoup ajouteraient que le moyen le plus rapide d'y parvenir est de conquérir des marchés étrangers. Dès lors que cette théorie commune du commerce international est admise, nous nous engageons, à mon sens, sur un chemin dont l'aboutissement inévitable est la guerre.
L'usage du mot conquérir révèle une volonté de prendre à d'autres peuples quelque chose dont ils ont besoin pour leur propre prospérité dans les conditions actuelles. C'est une tentative d'imposer sa volonté à un adversaire – une guerre économique. Et l'histoire montre que les guerres économiques aboutissent toujours à des guerres militaires.
Aussi longtemps que nous admettons que supprimer le chômage industriel est le principal objectif des gouvernements, et que la conquête de marchés étrangers est la voie la plus rapide pour y parvenir.
Alors nous avons là la cause économique principale de la guerre militaire. Une cause qui croît rapidement car la production augmente grâce aux machines puissantes, tandis que les marchés non saturés dans lesquels on pourrait déverser le surplus se contractent.
Prenez un village avec deux épiceries, en concurrence pour une clientèle insuffisante et décroissante, tout en agrandissant leurs locaux : vous avez là une démonstration vivante des causes économiques de la guerre… Si l'un des épiciers ruine l'autre, ce dernier souffrira – tout comme si une nation conquiert le commerce d'une autre, cette dernière tombera dans le chômage et souffrira aussi.
Alors, pour savoir si la guerre est inévitable, il nous faut répondre à deux questions : Y a-t-il suffisamment de richesse réelle (non pas d'argent, mais de biens et services) pour que toute la population vive confortablement sans que tout le monde soit employé ? Et si oui, qu'est-ce qui empêche cette richesse d'être distribuée ?
Concernant la première question, je pense qu'il ne fait aucun doute qu'il y a abondance de richesse réelle. Nous connaissons tous l'expression "la pauvreté au milieu de l'abondance". Il est reconnu que la crise des dernières années était une crise de surplus, non de pénurie, et pourtant la pauvreté s'est étendue car le chômage s'est étendu. Nous avons donc la preuve que l'emploi intégral n'est pas nécessaire pour produire la richesse nécessaire – il est seulement nécessaire pour distribuer des salaires, ce qui est une question entièrement différente.
Pour la seconde question, nous savons donc que ce n'est pas le manque de biens, mais le manque d'argent entre les mains des individus qui les empêche d'y accéder. Or actuellement, l'argent est principalement distribué en fonction de l'emploi, qui, dans bien des cas, n'est pas nécessaire ni même souhaitable.
Ainsi, on peut dire que les causes de la guerre et celles de la pauvreté au milieu de l'abondance sont les mêmes : elles résident dans le système monétaire et salarial. Et, d'une manière générale, le remède à la pauvreté et le début du remède à la guerre peuvent être trouvés dans une simple réforme du système monétaire.
La question importante qui se pose alors est : Est-il possible de distribuer l'argent sur une autre base que l'emploi ?... C'est ici qu'intervient la notion de dividende national. L'idée est simple : tout citoyen, du simple fait qu'il est membre de la communauté, a droit à une part de la richesse créée collectivement. Ce droit n'est pas basé sur l'emploi individuel, mais sur la propriété commune des ressources naturelles, des connaissances scientifiques, et des avancées techniques qui ont permis la productivité actuelle.
L'effet pratique d'un dividende national serait d'abord de fournir une source de revenu sûre à chaque individu, revenu qu'il serait peut-être souhaitable de compléter par un travail lorsque cela est possible, mais qui fournirait néanmoins le pouvoir d'achat nécessaire pour maintenir la dignité personnelle et la santé. En assurant une demande constante sur notre système de production, il contribuerait largement à stabiliser les conditions économiques et garantirait aux producteurs un marché intérieur constant pour leurs produits.
Ce dividende pourrait être financé par l'État, via un système de comptabilité nationale moderne, qui tienne compte des vraies capacités de production et du potentiel de consommation. L'État créerait alors l'argent non pas comme une dette, mais comme une reconnaissance du droit de chacun à vivre dignement
Clifford Hugh Douglas
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En bref, on peut conclure, avec Douglas : Tant que les nations auront besoin de se battre pour vendre leurs surplus à d'autres peuples, les guerres commerciales continueront. Mais si chacun a les moyens d'acheter ce qui est produit, alors le commerce international redevient un échange volontaire et équitable, et non une lutte pour la survie économique. Le dividende national n'est pas une utopie, c'est une nécessité. C'est, en réalité, la seule alternative véritable à la guerre.