Beaucoup de nos hommes publics semblent vivre dans la lune. Ou bien ils ont perdu le sens des notions.
Ainsi, un de nos Épistoliers demande à son député : Pourquoi des taxes de vente sur le commerce domestique et des primes sur le commerce d'exportation ? Est-ce pour punir le consommateur canadien ?
Le député répond : Je ne vois pas pourquoi vous n'appréciez pas les primes sur le commerce d'exportation : c'est la vente de ces produits à l'étranger qui contribue à amener la prospérité ici.
D'abord, le député oublie l'autre question : Pourquoi une taxe de vente sur le marché domestique ?
Quant à la prime sur le commerce d'exportation, prise dans la poche d'un homme pour mettre dans la main d'un autre, elle a pour but d'encourager le commerce qui fait les produits sortir du pays. On n'a pas l'habitude de donner ainsi des primes pour aider les produits étrangers à entrer dans le pays ; on fait le contraire, on les charge de droits de douane.
Tout cela va à favoriser la sortie des produits et à ralentir leur entrée.
Maintenant, par quelle contorsion de raisonnement va-t-on nous dire que les produits qui sortent du pays augmentent la prospérité dans nos maisons ?
Le bacon qui sort du Canada ne vient certainement pas sur la table des Canadiens. S'il fait venir d'autre chose de l'étranger en échange, c'est parfait. Mais on punit ce qui entre et on bénit ce qui sort.
Les pommes, le beurre, le fromage, qui sortent du Canada ne viennent certainement pas sur les tables canadiennes, pas même sur celles du député.
La prospérité dans les maisons est causée par ce qui entre de bon dans les maisons, pas par ce qui s'en va bien loin.
Sans doute que quand vous donnez une prime à un exportateur, cette prime va augmenter le pouvoir d'achat de l'exportateur, mais elle ne fait jamais entrer dans la maison le produit qui s'en va.
Si vous donniez la prime sur le commerce domestique, vous feriez le même plaisir à celui qui reçoit le produit, et, en plus, le produit entrerait dans une maison canadienne.
Ce serait favoriser le consommateur canadien en même temps que le producteur canadien. Le Canadien serait encouragé à travailler pour le Canadien.
Tandis que la Prime sur l'exportation punit le consommateur canadien qui n'a pas le produit et qui, en plus, paie la prime comme contribution. Elle encourage le producteur canadien à travailler pour le consommateur étranger, et on fait payer cet encouragement par le consommateur canadien qui n'obtient pas le produit.
Si l'on peut mettre cela dans la tête du député en question ! C'est aux électeurs de l'Abitibi d'y travailler, parce qu'il s'agit de leur député provincial. Mais il y en a beaucoup d'autres comme lui. Leurs électeurs créditistes vont leur brasser les méninges.