La maman, déjà surchargée d'ouvrage, qui doit perdre du temps à se démêler avec les dates d'échéance des coupons de rationnement et veiller sur les précieuses pages d'une dizaine de carnets, porter ces carnets avec elle au magasin, surveiller attentivement le commis pour qu'il détache les coupons appropriés et pas plus qu'il faut — combien est-elle payée pour tout cela ? — Rien.
Le marchand qui doit ajouter les opérations des coupons à celles de ses ventes et de sa comptabilité — combien est-il payé pour ce travail supplémentaire ? — Rien.
La maman est limitée dans son droit d'acheter. Le marchand est limité dans son droit de vendre. Et l'une et l'autre doivent s'imposer du surcroît de travail pour collaborer avec la Commission des Rationneux.
Mais le banquier ? Le banquier que ni la crise ni la guerre n'ont affecté, le banquier qui n'est pas rationné dans son commerce d'argent et d'usure, est grassement payé par le gouvernement, avec l'argent du public, pour recevoir les coupons des marchands et les conduire à leur destruction.
Répondant au député Hoblitzell à la Chambre des Communes, le 30 mars, l'Honorable Ralston nous apprend que les banques ont reçu, en onze mois, la somme de $575,046.84 pour services rendus à l'échange des coupons de rationnement.
Voilà pour les coupons de rationnement des ménagères.
Et pour les coupons de rationnement de gazoline ?
Le même jour, répondant au même député, le sous-ministre Chevrier dit que des ententes ont été conclues avec les banques à charte pour ouvrir des comptes de coupons de rationnement d'essence pour tous les marchands d'essence qui vendent par année 12,000 gallons ou plus d'essence graduée.
Il n'a pas encore le rapport de leurs encaissements. Mais la banque est payée 6 sous par inscription au débit ou au crédit, plus 12 sous par millier de coupons déposés.
Six sous pour écrire une ligne dans un livre de comptes !
Ce ne sont pas les banquiers qui vont demander la disparition du système de rationnement. D'ailleurs, ne sont-ils pas eux-mêmes "rationneux" par métier ?