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La réclame

Louis Even le mardi, 01 septembre 1942. Dans Réflexions

Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, toutes les teintes combinées par les fabricants d'encre et de peinture y passent. On mobilise tous les véhicules : le quotidien qui vous apporte les nouvelles de la guerre, le magazine à romans, les panneaux multicolores qui enlaidissent villes et campagnes, l'intérieur des tramways pour inoculer les passagers condamnés à l'oisiveté pendant une demi-heure ou deux. Cela ne suffit pas : les yeux peuvent se détourner, s'abaisser, se fermer, négliger de regarder, de lire. On va tonner dans les oreilles. Et c'est la radio qui se met de la partie.

Pourquoi ? Pourquoi ? Pour vous affirmer que telle nourriture est nécessaire à votre santé. Elle contient des vitamines qu'elle a sans doute acquises dans les entrepôts des trustards. Tel savon vous nettoiera, vous parfumera et vous laissera une peau incomparable : il bénéficie probablement de tous les secrets d'Israël. Voici ce qu'il faut pour Madame : elle ne le savait pas, l'ignorante ; la réclame la renseigne. On s'intéresse à vous dans le menu : vos cheveux, vos oreilles, vos yeux, vos dents, le bout de vos ongles, le dessous de vos pieds, les retraites les plus ignorées de vos intestins.

Vous serez beau — ou belle ; vous serez fort ; vous jouirez d'un confort indescriptible ; vous serez comme des dieux, si vous achetez tel ou tel produit, si vous fumez ceci, si vous mangez cela, si vous buvez cette liqueur, si vous portez cette robe, si vous vous habillez chez Untel, si vous passez tel bijou à votre dulcinée.

"Mentez, mentez toujours ; il en restera bien quelque chose". La réclame finit bien aussi par tirer quelque chose, et même beaucoup, d'un public qui n'est pas immunisé. Et le public paie les frais de l'annonce en même temps que le produit.

C'est pourtant ce que la réclame passe sous silence. La chose la plus vraie est celle qu'elle ne mentionne jamais. Où donc est l'annonce qui commence par poser son objectif : "Je veux votre argent, alors suivez mes conseils ?"

L'information a sa raison d'être ; la réclame est un chancre. Jamais les éloges les mieux tournés, les boniments les mieux présentés, n'ajouteront une seule vertu, un iota de qualité aux produits qu'ils préconisent.

Pour nous, créditistes, nous avons depuis longtemps cessé de nous laisser berner par toutes ces tentacules des trusts. Nous savons, par exemple, que des tomates ou des petits pois mis en boîtes cet automne par l'associé Aristide Houle, de St-Germain de Grantham, valent bien n'importe quel étalage Alymer, Clark et autres qui traînent peut-être depuis des mois sur des étagères de nos magasins, sans compter les stages préliminaires ailleurs.

Nous donnerons notre préférence aux produits de chez nous, aux produits "Nouvelle-France". Et nos producteurs "Nouvelle-France" s'appliqueront à nous servir des produits de premier ordre, riches des vitamines du sol et du soleil canadiens.

Nous ignorerons "It's a Borden product — it's good", et nous dirons : "C'est Nouvelle-France, c'est bon."

Louis Even

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