Pour les esprits bornés — c'est-à-dire pour ceux qui n'ont pas encore vu la lumière créditiste — la guerre engendre des dettes inouïes pour tous les pays qui y prennent part. Le Canada comme les autres.
Prenons cela avec un grain de gaieté. Si les dettes se créent de simples coups de plume, elles peuvent aussi bien se régler de simples coups de plume. C'est à voir si le soldat qui reviendra du front, après avoir exposé sa vie et peut-être perdu des membres pour sa patrie, devra, tout le reste de ses jours, payer tribut à des banquiers qui n'ont fait qu'additionner et soustraire des chiffres dans des livres, bien à l'abri des bombes et des obus ?
Les signes ne devront plus dominer les choses, surtout pas des signes en désaccord ou en contradiction avec les choses.
Ce qui est intéressant et ce qui compte, c'est le développement considérable imprimé à notre pays dès qu'on a mis de côté les restrictions du non-sens financier.
Ce sont les choses utiles qui sortent du sol, des forêts, des mines, des rivières, des usines, des laboratoires d'un pays, qui en constituent la véritable richesse — quelle que soit par ailleurs la manière dont il plaît aux larves bancaires d'enregistrer toutes ces choses dans les sacrées colonnes des sacrés livres logés avec précautions dans leurs sacrées voûtes. Le monde a fini de croire à la supercherie bancaire et voit les choses réelles où elles sont.
Lorsque finira la guerre, le Canada en sortira avec un actif national immensément plus grand qu'en y entrant. La liste suivante est déjà vieille d'une année, il faudrait encore y ajouter aujourd'hui. Voici quelques-unes des acquisitions avec lesquelles le Canada émergera de la guerre :
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Une industrie du magnésium flambant neuve.
Une usine de production d'étain.
Une production de mercure très au-dessus des besoins nationaux.
Nombre d'établissements producteurs de tungstène, soit comme produit principal, soit comme sous-produit.
Une augmentation considérable dans la capacité de production de cuivre et de nickel.
Une production augmentée de zinc, actuellement compris dans des concentrés expédiés à l'étranger, mais qui pourra très bien être raffiné ici.
Un rendement considérablement augmenté de produits de cuivre, dans les nouvelles usines établies pour des fins de guerre.
Une nouvelle industrie du minerai de fer, grâce aux nouveaux gisements mis en exploitation pendant la guerre.
Probablement des aciéries plus puissantes dans l'est.
Une nouvelle industrie du fer et de l'acier sur la côte du Pacifique, à Frobisher.
Une nouvelle industrie du manganèse, utilisant les gisements du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et de la Colombie.
Un grand développement dans l'industrie d'alliages métallurgiques, à base de nickel, de cobalt et autres.
Une augmentation dans la production des alliages de chrome.
Une industrie du molybdène, actuellement en développement.
Probablement une industrie du béryllium.
Une production augmentée d'uranium et de radium.
La restauration de l'industrie du mica.
L'activation de la production de graphite.
Un rendement record des puits de pétrole.
Une industrie de caoutchouc synthétique plus que suffisante pour tous les besoins civils du pays.
Une production au moins quadruplée d'aluminium.
Probablement une industrie d'alumine, utilisant des matières premières domestiques.
Une industrie de coupe au diamant bien établie.
Des ateliers d'usinage du fer et de l'acier considérablement augmentés.
Une armée de mécaniciens nouvellement entraînés.
Un réseau de chemins de fer réhabilité.
Des chantiers maritimes et des experts en construction de bateaux de toutes sortes.
Une industrie et une technique de verres optiques.
Une industrie et une technique d'avionnerie.
Plus de 50,000 pilotes d'avions.
Des milliers d'aéroplanes.
Des milliers de moteurs à vapeur et de moteurs diesel.
Une industrie chimique considérablement développée.
Une production de soufre et de pyrites.
Plus d'un million de nouveaux chevaux-vapeur d'énergie électrique.
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Ces acquisitions, cet enrichissement sont-ils bien exactement le fruit de la guerre elle-même ? Non, la guerre vise la destruction, destruction des choses et destruction des hommes.
Ces développements sont, en réalité, la suite de la mise au rancart, en temps de guerre, des freins imposés par la finance en temps de paix.
Ce que l'on fait pour la tuerie, on peut le faire pour la vie. Aussi, toutes ces richesses nouvelles du Canada pourront-elles servir à embellir la vie des Canadiens, s'ils mettent autant de vigueur à se débarrasser des dictateurs de l'argent qu'ils en ont déployé pour aider à combattre les dictateurs militaires d'Europe.