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La dictature du prestige

le jeudi, 15 juin 1944. Dans La politique

Toute dictature est odieuse aux amants de la liberté et de la personne humaine.

Mais il est remarquable que, dans un monde où on s'est habitué à considérer l'homme comme un instrument, souvent moins qu'une bête à pro­duction, on ne dénonce guère que les dictatures qui s'attaquent au corps et l'on applaudit les actes de la dictature qui s'impose aux esprits.

*    *    *

On connaît la dictature du pistolet et la dicta­ture de la faim.

La dictature du pistolet est à l'honneur en Allemagne et en Russie. Il faut ou penser comme le dictateur ou se taire. Sinon, c'est la vie du corps qui est en jeu.

La dictature de la faim, moins violente, moins sanglante, moins apparemment brutale, n'est pas moins efficace. Elle emploie, non plus l'arme à feu, mais l'arme de l'argent. Il faut accepter un emploi pour lequel on n'est pas fait, des conditions de tra­vail qui minent la santé et abrègent la vie ; sinon, perdre le droit de manger. Des patrons sans cœur, de gros trusts et le patronage politique pratiquent la dictature de la faim. 

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Mais il y a une troisième dictature que nous, les créditistes, avons appris à détester. C'est la dicta­ture du prestige. Celle-là s'exerce sur les esprits.

Au lieu de s'adresser à l'intelligence de l'homme pour l'amener à étudier, réfléchir et conclure, elle fait parader des hommes de renommée devant la masse, et la renommée de ces hommes doit dis­penser la masse de se servir de ses facultés pen­santes.

La dictature du prestige est une insulte à la personne humaine. Elle piétine ce qu'il y a de plus noble dans la personne humaine. Or, la dictature du prestige est pratiquée le plus possible par tous les partis politiques, les nouveaux comme les an­ciens. C'est pour cela que tous les partis politiques commencent par chercher un noyau de grosses têtes et de grosses poches — du titré et du brillant, du tonnant et du sonnant.

Les nouveaux partis comme les anciens, avons-nous dit. Est-ce que, par exemple, pour l'élection de Stanstead, le parti de monsieur Raymond n'a pas déversé sur le comté tous les orateurs presti­gieux qu'il a pu embrigader ? Depuis l'élection, que font ces "éducateurs" de passage pour leurs "élèves" de passage ?

Au Palais Montcalm, le 21 mai, qui était au programme, sinon des avocats, des députés, un orateur de renom ? Et depuis, le journal Le Bloc ne répète-t-il pas : Bourrassa a dit de voter com­me ça, donc votez comme ça.

Un tel, qui a du reluisant, dit telle chose, donc c'est bon. Voilà l'argument de la dictature du prestige.

Nous trouvons cette dictature, celle du prestige, extrêmement pernicieuse. Elle prolonge l'ignorance des masses, comme elle prolonge leur esclavage.

D'ailleurs, les exploitants du prestige se fichent passablement de la masse. Tel ce porte-bannière du Bloc qui disait, en parlant de l'Union des Électeurs : Depuis quand faudrait-il que les ânes con­duisent les lions ? C'est-à-dire : Le peuple, les électeurs sont des ânes, qu'ils gardent leur place ; nous, de la haute, nous sommes les lions et nous ne nous occupons des ânes que pour en tirer parti.

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