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L'orgueil du bureaucrate

le jeudi, 15 juillet 1943. Dans Réflexions

"L'impulsion la plus profonde de la plupart des hommes paraît être l'orgueil ou, plus exactement, le besoin ardent d'un sentiment de supériorité ! La vie en société exige que les hommes cachent leur orgueil avec plus de pudeur encore que leur instinct sexuel. Il ne les en consume intérieurement que davantage.

"En outre, chaque classe a une nature et un degré d'orgueil qui lui sont propres. Mais peut-être l'orgueil du bureaucrate, quand on l'irrite, dépasse-t-il encore celui des autres catégories humaines. Car l'employé n'est pas, à ses propres yeux, un simple fonctionnaire de l'État. Quand il est assis derrière son bureau, il se prend pour l'État lui-même.

"Quand il se bornerait à estampiller des lettres, il est tout de même d'une autre essence, d'une essence supérieure à celle du public, à peu près comme les an­ges sont d'une essence différente et supérieure à celle du commun des mortels. Sous les aspects du juge, du chef de police, du douanier, du percepteur tyrannique, il tient entre ses mains le sort des humains, beaucoup plus visiblement que la Providence elle-même. Tout le monde le traite avec une révérence craintive, car la loi est de cire entre ses mains.

"Il sait parfaitement qu'il a moins de connaissances que n'importe quel savant, médecin ou ingénieur, même que n'importe quel forgeron ou serrurier qui a appris son métier, et qu'il leur est inférieur. Si on lui supprime cette magie qui vient du pouvoir, il n'est rien de plus qu'un bruyant copiste déclassé. Mais plus un orgueil humain est étrange, plus il doit être âpre­ment défendu. Si le bureaucrate se critique lui-même, il critique le principe divin du pouvoir en personne. Ce serait intolérable."

(Franz Werfel — Le Chant de Bernadette. p. 291)

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