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L'appareil démocratique

Louis Even le mardi, 15 août 1944. Dans La politique

Appareil démocratique, cela ne veut pas dire mécanisme électoral.

Le mécanisme électoral n'est qu'une partie de l'appareil démocratique. L'appareil démocratique est l'appareil établi dans les pays démocratiques pour que le peuple se fasse servir par son gouver­nement.

On a assez parlé du gouvernement du peuple pour le peuple. On constate pourtant, un peu par­tout, un peuple qui se plaint, qui n'est pas content, qui marque souvent son mécontentement en chan­geant le parti au pouvoir, quand ce n'est pas par des révoltes ou par des orientations vers des for­mes de fascisme.

L'appareil démocratique, pour le service du peu­ple, peut n'être pas parfait ; mais si le peuple vou­lait au moins s'en servir, il en pourrait certaine­ment tirer beaucoup de satisfaction, surtout dans un pays comme le Canada, où les possibilités phy­siques sont presque illimitées.

QUI et QUOI ?

Qu'est-ce qui est le plus important pour vous ? Ce que vous voulez avoir, ou celui qui va vous le donner ?

On vous propose deux choses : une que vous dé­sirez depuis longtemps, et une autre qui vous est indifférente et peut-être odieuse. Laquelle allez-vous choisir ? La première, sans hésiter.

On vous présente maintenant deux hommes pour entrer en fonction pour vous. L'un est aimable, mais va faire la chose qui vous est indifférente, si­non odieuse. Le second est plus bourru, mais va faire pour vous la chose que vous désirez depuis longtemps. Lequel des deux hommes allez-vous désigner pour la fonction ? Le deuxième, sans hé­siter.

C'est ce que vous vous voulez avoir, le QUOI faire, qui est le plus important. Le "Qui va le fai­re" a son importance, mais à la condition que le QUI soit engagé à faire le QUOI.

Or, n'est-il pas étrange de constater que :

1o. — Le public est très excité et tout en agitation pour désigner qui va entrer en fonction pour le servir ;

2o. — Une fois l'homme désigné, le public ne s'occupe plus du tout de lui exprimer ses désirs, de lui dire quoi faire.

Choix des hommes, choix des choses

Le choix des hommes constitue l'objet d'une campagne électorale.

La campagne électorale dure à peu près quatre semaines tous les quatre ans. Tout le monde s'y intéresse.

Il reste 204 semaines sur 208, non plus pour choisir les hommes, mais pour dire à ces hommes quoi faire pour nous.

Or, c'est pendant ces 204 semaines que le peu­ple se tait, laisse faire n'importe quoi aux hommes choisis avec tant d'excitation pendant les quatre semaines.

Avouons au moins que, si le public n'est pas con­tent du service, il n'a pas le droit de se plaindre, puisqu'il ne dit jamais ce qu'il veut.

Si le peuple abandonne aux hommes qu'il a choi­sis le soin de décider eux-mêmes et de dicter au peuple les objectifs, les résultats à accepter, bon gré mal gré, alors le peuple a voté pour des dictateurs. Il ne faut plus appeler cela une démocratie, mais un régime de dictature dans lequel le peuple a le droit de nommer et changer ses dictateurs tous les quatre ans.

Si, au contraire, le peuple s'organise pour dicter les objectifs et exiger leur accomplissement, tant qu'il s'agit d'objectifs désirables, désirés par la masse et possibles, alors on a une véritable démo­cratie. Le peuple n'administre pas et ne dicte pas les méthodes, mais il exige les résultats et aban­donne au gouvernement le soin de les lui donner.

L'appareil de service

En quoi consiste l'appareil démocratique de service du peuple ?

Il consiste dans la présence au parlement de dé­putés pour exprimer la volonté commune du peu­ple. Puis, dans la présence au gouvernement d'un cabinet ministériel, investi de tous les pouvoirs né­cessaires pour commander l'exécution de la volon­té exprimée communément par le peuple.

Le rôle du député n'est donc pas du tout de s'in­génier à trouver des moyens et des méthodes pour exécuter, encore moins à discuter en expert uni­versel les techniques proposées par des hommes capables pour accomplir telle ou telle chose.

Le député est ce que son nom indique : un délé­gué du peuple auprès du gouvernement, pour por­ter au gouvernement la volonté de ses commet­tants. Il est envoyé au parlement exprès pour cela.

Le député est un bon représentant du peuple lorsqu'il se sert de l'institution parlementaire pour exprimer au gouvernement la véritable volonté commune de l'électorat qu'il représente.

Mais, pour bien exprimer cette volonté, il faut qu'il la connaisse.

L'expertise d'un député consiste donc :

    1. — À savoir ce que ses électeurs veulent com­munément ou d'une manière prépondérante ;

    2. — À exprimer cette volonté au gouverne­ment.

Un député n'a donc pas besoin de préparer et dé­biter des thèses. Mais il doit s'appliquer à établir un moyen de connaître, facilement, rapidement et en tout temps, la volonté prépondérante de ses électeurs, les résultats, désirables et possibles, que ses électeurs attendent du gouvernement.

C'est pour faciliter au député les moyens d'être ainsi en rapport avec ses électeurs, et ses électeurs avec lui, que les créditistes, les plus grands et plus vrais démocrates, cherchent à établir une Union des Électeurs de plus en plus complète, de plus en plus capable d'obtenir le choix de tous les électeurs sur les questions d'objectif et de transmettre ra­pidement ce choix au représentant des électeurs.

Les députés qui veulent bien remplir leur rôle devraient donc voir de bon œil l'édification de l'Union des Électeurs, et même aider à la monter, au lieu de se borner à leurs petits comités de satel­lites intéressés au patronage politique.

Allant plus haut que le député, on dira que le gouvernement lui-même n'a pas besoin d'être ex­pert sur les questions de technique ; mais que son expertise consiste :

    1. — À recevoir des députés l'expression de la volonté commune des électeurs ;

    2. — À savoir commander à qui de droit l'exé­cution de la volonté commune des électeurs.

Le gouvernement dispose de la loi, de la police, de sanctions de toutes sortes pour se faire obéir. S'il mettait cette force au service de la volonté des électeurs, lui venant par l'intermédiaire du parle­ment, ce serait immensément plus démocratique que ce qu'on a aujourd'hui. L'appareil à sanctions du gouvernement est mis au service des pompeurs d'argent, au lieu d'être mis au service de la volonté des électeurs.

Mais cette volonté n'est même pas exprimée !

Responsabilité

Si la démocratie confère au peuple le privilège d'exprimer sa volonté, elle lui impose en même temps la responsabilité de faire la distinction en­tre le possible et l'impossible, entre l'utile et le nuisible, entre le commun et le particulier, entre l'urgent et le moins pressé.

C'est pourquoi une véritable démocratie n'est possible qu'avec un peuple qui prend conscience des principes et des notions. C'est pourquoi les cré­ditistes précèdent et accompagnent la structure de leur Union des Électeurs de l'instruction, de la lecture, de l'étude. Autrement ce serait l'anarchie et le désordre.

Champ libre

Nous venons de passer par les quatre semaines du choix des députés. Nous avons perdu la partie, contre des machines organisées depuis longtemps, contre des machines qui ne fonctionnent guère que pendant quatre semaines sur 208, mais qui fonc­tionnent avec une force écrasante.

Nous sommes maintenant dans les 204 semaines, dans les semaines les plus importantes, non seule­ment pour la longueur, mais parce que ce sont les semaines où les électeurs disent, ou doivent dire, à leurs élus quoi faire.

Les électeurs ne sont pas organisés pour cela encore. Les politiciens ne sont intéressés qu'au mécanisme des quatre semaines, parce qu'ils ne sont intéressés qu'au pouvoir.

Les créditistes, eux, qui sont du côté des élec­teurs et non des politiciens, sont intéressés au ser­vice des électeurs, à l'appareil qui devrait fonction­ner pour le service 204 semaines sur 208.

Aussi les créditistes s'acharnent, comme avant l'élection, à établir ce mécanisme — l'Union Cré­ditiste des Électeurs — qui apprendra aux électeurs à se faire servir, à être maîtres pendant les 204 semaines qu'ils sont ignorés aujourd'hui, même s'ils ont été bourrés pendant les quatre semaines qu'ils pensaient être les maîtres.

Et dans ce grand travail des 204 semaines, les créditistes n'ont pas de concurrents, ils ont le champ libre ; ils sont les seuls qui comprennent et enseignent la démocratie.

Créditistes, c'était l'heure des politiciens le 8 août et les jours précédents. C'est votre heure au­jourd'hui. C'est l'heure de l'éducation, de l'organi­sation pour le service du peuple, même du peuple qui ne vous a pas encore compris.

Louis Even

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