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Ignorance ou malveillance ?

Louis Even le jeudi, 01 octobre 1942. Dans Réflexions

Le journal mensuel des Jocistes, La Jeunesse Ouvrière, dans son édition de septembre, consacre les deux pages du centre à un coup d'œil sur la situation sociale actuelle, sur les doctrines qui meurent et sur celles qui montent, et conclut, avec beaucoup de raison, que la vraie solution est dans la doctrine sociale de l'Église.

Tout de même faut-il que cette doctrine trouve des réalisateurs et des réalisations. Il ne suffit pas de proclamer et admirer des principes ; il faut en imprégner, non seulement des consciences privées, mais les institutions et les administrations.

La troisième colonne de ce double-page pose les questions :

"Qui nous sauvera ?... La politique ?... Le Nazisme ?... Le Libéralisme ?... La C.C.F. ?... Le Crédit Social ?..."

Voilà le Crédit Social en bonne compagnie ! À dessein ou par inadvertance ? Pour éclairer ou pour préjuger ?

Et que dit du Crédit Social l'auteur de ce placard ? Parce que, auteur il y a. C'est quelqu'un qui a écrit ces lignes qui sont à la page 9 de La Jeunesse Ouvrière de septembre. Elles n'y sont pas venues toutes seules. Quelqu'un en est responsable. Quelqu'un qui les a pensées avant de les écrire et de les passer à l'imprimeur — à moins qu'il ait simplement fait office de perroquet.

Voici son texte :

"Le Crédit Social ? Il veut la réforme du système actuel de la circulation de l'argent, système qui est très défectueux. La réforme suggérée est-elle établie bien clairement ? A-t-elle fait ses preuves quelque part sur notre planète ? D'ailleurs, même si elle apportait la solution au problème monétaire, la question sociale ne dépasse-t-elle pas l'envergure d'une question d'argent ?"

Dans le même alinéa, l'auteur nous dit donc que le système actuel d'argent est très défectueux et il repousse l'idée de la réforme créditiste en donnant comme raison qu'elle n'a pas encore fait ses preuves.

Dans ce cas, il n'y a rien à faire qu'à rester avec le système actuel, puisque les autres n'ont pas fait leurs preuves :

—Que dites-vous, monsieur, du système d'argent actuel ?

— Il est très défectueux.

—Alors on va en mettre un nouveau ?

— Non, parce qu'il n'a pas fait ses preuves.

—Lequel a fait ses preuves ?

— Celui qu'on a.

—Puisque celui qu'on a est le seul qui ait fait ses preuves, il faut donc le garder ?

— Non, il est très défectueux.

A-t-on affaire à un homme ou à un enfant ?

Lorsque le fondateur des Jocistes groupa ses premiers ouvriers, ne faisait-il pas du nouveau ? Y eut-il aussi des luminaires autour de lui pour mettre les gens en garde parce que le mouvement n'avait pas fait ses preuves ?

Notre auteur pose la question : "La réforme suggérée est-elle établie bien clairement ?" Si elle n'est pas établie bien clairement dans son esprit, il ne tient qu'à lui de se renseigner. S'il ne l'a pas comprise clairement, pourquoi la juge-t-il ?

Il ajoute que, même si le Crédit Social apportait la solution au problème monétaire, la question sociale dépasse l'envergure d'une question d'argent. Cela, on le sait. Mais le même argument pourrait lui servir à marquer du même haussement d'épaules les caisses populaires ou les coopératives. Pourtant, notre homme n'a que du bien à dire des coopératives à quatre pouces de l'endroit où il essaie de classer le Crédit Social parmi les indésirables.

Remarquons en passant que tout ce qu'il dit du coopératisme, ainsi que du service du bien commun, dans la même page, s'appliquerait à la lettre au Crédit Social.

Puis, si le problème monétaire a si peu d'importance, que l'auteur ait donc à envisager une couple de mois sans argent, avec le souci du lendemain pour toute une famille, sous un régime où rien ne passe du magasin à la maison sans que de l'argent passe de la maison au magasin. L'expérience personnelle pourrait lui faire reviser quelques notions.

*    *    *

Nous estimons beaucoup le magnifique mouvement de la J.O.C., et nous ne relevons pas cette absurdité du numéro de septembre pour déprécier leur journal. Mais il est temps que les insinuations gratuites contre le Crédit Social cessent d'émaner de milieux où l'on est tellement habitué à entendre dire la vérité qu'on reçoit tout sans examen.

Puisque c'est sur le terrain religieux et moral que l'auteur est plus à son aise, nous lui rappellerons que les études argumentées avec conclusion favorable au Crédit Social, sur ce terrain, ne manquent pas ; tandis que les études argumentées contre le Crédit Social, sur ce même terrain, sont inexistantes, à notre connaissance. Si l'auteur en a, il est prié de nous les transmettre. Pas de déclarations sans preuves, ni de conclusions sur des textes faussés, cela n'a pas de poids.

Voici, pour ceux qui les ignoraient encore, l'énumération des trois études sérieuses sur le Crédit Social, toutes les trois considérant les principes du Crédit Social à la lumière des enseignements de l'Église catholique :

    1. "Crédit Social et Catholicisme", par le R. P. G.-H. Lévesque, dominicain et sociologue connu. Après avoir exposé les cinq caractères du communisme et du socialisme, et démontré comment le Crédit Social va exactement à l'opposé, tout en s'éloignant des vices du capitalisme actuel, le religieux conclut : "Si vous ne voulez ni du socialisme ni du communisme, opposez-leur le Crédit Social ; il met entre vos mains une arme terrible contre ces ennemis."

    2. La déclaration de neuf théologiens de la province de Québec, à l'automne de 1939 ; elle aussi examinant les données du Crédit Social à la lumière des enseignements de l'Église, pour voir si le Crédit Social ne serait pas entaché de communisme ou de socialisme ; et ils concluent : Non. De plus, ils font des rapprochements très intéressants entre les demandes du Crédit Social et des textes encyclicaux.

    3. "God or Mammon", du Révérend Peter Coffey, distingué professeur de métaphysique et de logique au célèbre collège catholique de Maynooth, en Irlande. Le Père Coffey étudie la question monétaire à la fois au point de vue économique et au point de vue catholique, avec force renvois aux encycliques ; et il conclut exactement comme les créditistes : demandant un office national du crédit, un dividende national à tout le monde et le mécanisme créditiste d'ajustement des prix.

Ces trois études ont été répandues dans la province de Québec. Les créditistes y ont placé au moins 50,000 brochures du Révérend Père Lévesque et 45,000 exemplaires de la déclaration des théologiens et du travail du Père Coffey (ce dernier traduit sous le titre "Dieu ou le Veau d'Or"). Si cela ne suffit pas, qu'on nous le dise : nous sommes prêts à recommencer.

L'ignorance de cette question est à peine explicable aujourd'hui. Mais si l'on continue d'ignorer, qu'on ait au moins la décence de se taire.

Louis Even

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