Il devient à la mode, en certains milieux, de dire et répéter que l'entreprise privée a fait faillite, et qu'il faut nationaliser, étatiser, socialiser, pratiquer l'économie plannifiée, etc.
Mais comment donc l'industrie privée a-t-elle fait faillite ? En quoi a-t-elle fait défaut ?
Est-ce que l'agriculture n'a pas toujours fourni tout ce qu'on lui demandait ? Est-ce qu'elle n'a pas même accumulé des surplus ? Du blé dans l'ouest ? Des produits laitiers dans l'Est ? Des pommes de terre et d'autres légumes ? Est-ce que, avant la guerre, l'agriculture ? — entreprise privée — n'offrait pas plus qu'elle pouvait vendre ?
Est-ce la fabrication de chaussures qui a fait défaut ? Est-ce que l'industrie privée des chaussures ne s'est pas montrée capable de fournir toutes les chaussures réclamées par les pieds du pays ?
Serait-ce l'industrie du vêtement qui ne fournissait pas les vêtements sur demande ?
Serait-ce l'industrie électrique qui ne pouvait fournir le courant aux clients ?
Serait-ce l'imprimerie qui n'était pas capable de fournir tous les imprimés réclamés d'elle ?
Nous nous rappelons fort bien que, au contraire, ce sont les chefs d'industrie qui couraient et faisaient courir le pays pour chercher des clients, des consommateurs pour leurs produits.
En quoi, qu'on le dise donc, en quoi l'entreprise privée a-t-elle fait faillite ?
Ah ! répondront les critiques, elle a fait faillite parce qu'elle n'a pu fournir d'emploi à tout le monde. Elle a fait faillite, parce que le nombre des salariés de l'industrie diminuait.
Mais, ce n'est pas une faillite. Au contraire, c'est un succès. Si l'industrie a pu fournir les produits, tous les produits demandés, avec de moins en moins d'employés, c'est un magnifique succès.
Prenez une manufacture de chaussures qui emploie cent hommes et produit 500 paires de chaussures par jour. Si cette même manufacture réussit à faire la même quantité de chaussures avec seulement soixante hommes au lieu de cent, c'est un magnifique succès, pas seulement pour elle, mais pour la collectivité. Tout de suite, en effet, voilà 40 hommes libérés pour faire d'autre chose, sans diminuer la production de chaussures. Ces 40 hommes pourront ajouter d'autre chose à la richesse du pays.
Blâmer l'entreprise privée pour ne pas employer tout le monde, c'est la blâmer pour une chose dont on devrait la louer.
Ce qui est blâmable, ce sont des bouts de chemin qui emploient du monde, mais qui ne sont jamais terminés. Cela, c'est une faillite. Et ce n'est pas l'habitude de l'entreprise privée de faire des choses pareilles : elle ne tiendrait pas.
Le but de l'industrie est de fournir des biens, non d'employer les hommes. Et plus une industrie fournit de biens avec le minimum de travail, plus elle est parfaite. Moins elle absorbe de travailleurs, plus elle en laisse pour d'autres occupations, donc plus elle est bienfaitrice.
Mais, dira-t-on, ceux-là qui se trouvent être sans emploi n'auront pas de quoi vivre !
Et qu'est-ce qui a fait ce règlement-là ? Sûrement pas l'entreprise privée.
Qu'on ne blâme pas une personne ou un groupe pour une chose qui ne dépend pas de cette personne ni de ce groupe.
Les agriculteurs, les ouvriers, les industriels, fournissent les choses, et ils les fournissent bien.
Si les fabricants de piastres ne fournissent pas les piastres, ou s'ils les fournissent d'une manière qui ne les laisse pas aller là où les piastres devraient aller, qu'on s'en prenne aux fabricants de piastres.
Au lieu de mettre son nez dans l'industrie qui va merveilleusement bien, qui produit abondamment, de plus en plus avec de moins en moins de dépenses d'énergie, que le gouvernement mette donc son nez dans la manufacture qui ne va pas, qui n'accomplit pas sa fonction : la manufacture des piastres qui seules font défaut quand tout le reste est présent.
Au lieu de crier sur l'entreprise privée, qui s'acquitte très bien de son rôle, et de vouloir la remplacer par la socialisation, qu'on reconnaisse donc l'incompétence du système d'argent, et qu'on le corrige par le système monétaire scientifique du Crédit Social.