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Du sucre au poivre

le samedi, 01 avril 1944. Dans La politique

Propos peu sucrés

Le 7 mars, à la Chambre des Commune, M. Blackmore, leader créditiste à la Chambre, disait :

"Je suppose que les honorables députés seront fort étonnés d'apprendre que, depuis le début de la guerre, des hommes sont venus ici, ont entrevu des hauts fonctionnaires compétents du gouvernement fédéral et leur ont offert d'établir dans notre pays trois sucre­ries, et qu'on leur a refusé les avantages dont ils avaient besoin pour leur fournir la chance de fonder ces industries au Canada. Ceux qui sont chargés de l'administration se montrent disposés à laisser la po­pulation manquer de certaines denrées, plutôt qu'à courir le risque de voir le sucre en abondance — abon­dance qu'ils redoutent.

"Je vais maintenant poser des questions auxquelles on devrait répondre.

"Quel rapport existe-t-il entre le Gouvernement et ce grand monopole du sucre (la St. Lawrence Sugar Refining Co.), et entre le gouvernement et le chef de cette corporation, un certain John -W. McConnell ?

Pourquoi le Gouvernement s'est-il montré indulgent pour ces tripotages de l'industrie sucrière ?

"Bien des soupçons seraient dissipés ici et dans tout le Canada, si le premier-ministre déclarait catégorique­ment que le parti libéral n'a jamais reçu, directement ou indirectement, de la St. Lawrence Sugar Refining Co., de J.-W. McConnell, ou d'un représentant de l'un ou des deux, ou de toute autre sucrerie canadien­ne, des fonds pour la caisse électorale du parti libéral.

"Nous serions également fort aises de recevoir du premier-ministre l'assurance que la Canada Packers n'a fourni aucune contribution à la caisse électorale du parti libéral...

"J'aurais pu ajouter que, si l'on savait que ces im­portantes maisons, auxquelles j'ai fait allusion, ont souscrit généreusement aux emprunts de guerre et que le Gouvernement se gardait de les offenser de crainte qu'elles ne cessent leurs prêts, cela nous aiderait à com­prendre qui domine ce Gouvernement et comment s'exerce cette domination.

"Puis-je dire au Gouvernement qu'il pourrait se soustraire à toutes ces influences pernicieuses, s'il adop­tait un régime fondé sur les réalités de l'économie ca­nadienne ? Car aucune compagnie dans ce pays ne pourrait acquérir ou exercer une domination sur un gouvernement qui serait libre d'émettre des devises en fonction des marchandises et des services que peut produire le peuple."

Réponse qui ne répond pas

Le premier ministre, l'ion. Mackenzie King, a répondu le 10 mars, également à la Chambre des Communes.

M. King s'est montré fort indigné des insinuations de M. Blackmore ; mais il n'a point du tout dit si la compagnie de sucre ou son président avait ou n'avait pas fourni des fonds à la caisse électorale du parti libéral. Rien non plus sur le même point au sujet de Canada Packers.

M. King a plutôt fait l'éloge de M. McConnell et de sa compagnie. Selon M. King, nul n'a fait preuve d'un plus grand empressement que M. McConnell à placer les intérêts du Canada au-dessus des intérêts de son propre commerce.

Il y a bien, dans le pays, des petits et moyens commerçants qui ont été mis à pied devant les intérêts suprêmes du pays et qui ne sortiront pas de la guerre en aussi bonne posture financière que la St. Lawrence Sugar Refining Co. ; mais c'est du menu fretin, et le patriotisme de M. McConnell les dépasse tous.

Confiance du peuple sabotée

Selon M. King :

"Ce sont des déclarations irresponsables et in­justifiées comme celles-ci, faites tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Chambre, qui détruisent la confiance du peuple dans le Gouvernement et dans le Parlement, à un moment où il n'a ja­mais été aussi nécessaire d'avoir foi dans les ins­titutions démocratiques de gouvernement que présentement."

C'est à voir ! Comme si l'inertie du gouverne­ment Bennett de 1930 à 1935, et l'inertie du gou­vernement King de 1935 à 1939, en face de 750,­000 chômeurs, n'avaient pas plus que toute autre chose contribué à ébranler la confiance du peuple dans ses gouvernements et ses parlements.

Est-ce le silence des députés, ou leur vigilance, qui est de nature à rehausser la confiance du peu­ple dans son Parlement ?

Politiciens confirmés en grâce

Entre les lignes de la réponse de M. King, on est tenté de lire avec beaucoup d'édification :

"Des contributions sont faites aux fonds électo­raux du parti libéral, c'est vrai. Et des autres par­tis aussi. Mais cela n'effleure en rien la vertu de ceux qui en bénéficient.

"Le seul fait d'être élus par la machine bien financée du parti nous rend invulnérables.

"Les influences pernicieuses dont parle M. Blackmore peuvent être à l'œuvre, mais nous y résistons héroïquement.

"La St. Lawernce Sugar ou la Canada Packers peuvent nous bourrer d'argent, leurs intérêts ne nous émeuvent pas plus que les intérêts du pau­vre diable qui mendie son pain pour dîner ou son gîte pour la nuit.

"Ne pas admettre que nous sommes confirmés en grâce, c'est porter atteinte à la vertu sancti­fiante de la démocratie, surtout à une époque où nous démontrons si éloquemment qu'un Canada en guerre peut nourrir ses fils lorsqu'un Canada en paix les laissait crever de faim."

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