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Dans le monde des permis

le dimanche, 15 août 1943. Dans Réflexions

Je demeure à Cadillac. Après sept mois de maladie, voulant reprendre mon travail, je me fais dire par la compagnie qu'il faut d'abord un permis du bureau sélectif de Val d'Or.

—Mais quel ouvrage pourrez-vous me donner ?

—Va d'abord chercher ton permis ; on verra en­suite.

Allez chercher mon permis à quarante milles, sans savoir si je pourrai avoir de l'ouvrage ensuite. Et cela à mes frais !...

Je décide d'essayer Rouyn-Noranda, où il y a plus de compagnies, donc plus de chances de me placer.

Il faut d'abord m'enregistrer à Rouyn comme si je venais d'arriver au monde. On me donne un permis pour aller demander de l'ouvrage à la mine Noranda. Là, il me faut un autre permis, d'un autre monsieur, assis dans un beau fauteuil, avec quatre demoiselles à son service, avant d'entrer sur le terrain de la com­pagnie.

—Quel travail pouvez-vous faire ? me demande-t-il.

—J'ai des aptitudes comme mécanicien.

Ils avaient justement besoin d'un mécanicien. Mais il me faut d'abord passer la visite d'un médecin qui, lui aussi, doit donner ou refuser son permis.

Le médecin m'examine des pieds à la tête, dans tous les détails, pour savoir si j'étais un homme ou une femme, et finit par me découvrir un œil faible. Per­mis refusé : c'est sous terre qu'ils ont besoin d'un mé­canicien, et ils n'acceptent que des yeux parfaits sous terre, les yeux médiocres ne sont bons qu'en plein soleil.

Il me faut retourner au bureau sélectif de Rouyn pour avoir la permission de chercher une autre place, sans plus d'assurance de l'obtenir.

Permis pour essayer de se placer ; permis pour se placer ; permis pour travailler ; permis pour changer d'emploi ; permis pour se loger ; permis pour se dé­barrasser d'un logeur insupportable ; permis pour cou­per une corde de bois de chauffage dans les forêts pu­bliques où le bois se perd ; permis pour changer de district ; permis pour faire un tour de chasse ; permis pour prendre du poisson même dans une rivière qui passe sur votre terre ; permis pour sucrer votre café, si toutefois vous avez un permis pour le café lui-même ; permis pour tout. Non, il reste une chose pour laquel­le il n'y a pas besoin de permis : c'est de mourir. Vous pouvez mourir sans permis, et c'est à peu près le seul moyen de se débarrasser d'une bureaucratie qui rend la vie de plus en plus insupportable.

Un créditiste de Cadillac (Abitibi).

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