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Crise de logement

le vendredi, 01 octobre 1943. Dans L'économique

Il existe une crise de logement. Tout le monde des villes le sait, même lorsque les journaux ou­blient d'en parler.

Dans les communiqués qu'elle transmet aux sal­les de rédaction de ce temps-ci, la Commission d'Information prend la peine de rappeler que plusieurs familles n'ont pas où loger. Un bon nombre vivent dans d'anciens magasins mal amé­nagés ou dans des abris de fortune. D'autres fa­milles sont démembrées, le père logeant d'un bord, la mère de l'autre, les enfants ici et là. Et c'est très mauvais, souligne la Commission. Ce qui n'empêche pas un autre organisme fédéral, qui s'appelle Service Sélectif, d'opérer le même démembrement, soit dit en passant.

La Commission d'Information ajoute que le problème du logement est devenu un problème national.

Vous croyez peut-être que, pour remédier à la pénurie du logement, il y a un moyen bien sim­ple, le seul logique : construire des logements neufs.

Pas du tout. De la nourriture pour passer la faim, des maisons pour recevoir les familles sans abri ? C'est par trop banal. Seuls les créditistes peuvent avoir des idées pareilles. Dans le monde éclairé du vingtième siècle, on se nourrit en se pri­vant d'aliments, on se loge en se privant de maisons.

Le remède au manque de logement, c'est de vous tasser dans un coin de votre maison, puis inviter une famille sans gîte à se tasser dans l'autre coin. L'idéal serait quatre familles dans quatre coins !

Il ne peut être question de bâtir, dit la Com­mission d'Information, car les matériaux néces­saires au bâtiment sont requis par la production de guerre. Très bien, et par quoi étaient-ils requis avant 1939 ? Chaque famille avait-elle bien son propre logement, vaste et convenable, en ce temps-là ?

Pendant que la Commission d'Information pu­blie sa déclaration sur la pénurie de logements, le Ministre des Munitions, l'Honorable Howe, annonce que le gouvernement continuera de refu­ser les permis de bâtir. Il en refuse une couple de mille par mois.

Et Monsieur Howe console les Canadiens : Plus on retarde la construction de maisons, dit-il, plus il y en aura à construire après la guerre, et cela assurera du travail à un grand nombre.

Vous couchez dehors, tant mieux, c'est du tra­vail en puissance qui s'accumule pour les soldats démobilisés, pour les travailleurs de guerre congé­diés.

Ce n'est pas la maison qui est intéressante, c'est le travail. Si, au lendemain de la guerre, les Ca­nadiens bénéficiaient de maisons toutes faites, pour toutes les familles, quel malheur ! La guerre, même gagnée, aurait été un échec.

Heureusement pour les gens qui raisonnent comme M. Howe (et ils sont nombreux), heureu­sement que les torpilles, les bombes et les canons détruisent au lieu de bâtir. Si, par quelque dé­rangement impardonnable, les bombes allaient se mettre à élever des maisons au lieu de les dé­molir, il faudrait terminer la guerre au plus tôt, sous peine d'avoir à envisager un chômage sans précédent.

Vous êtes servis à souhait, messieurs les grands esprits qui présidez à nos destinées. La guerre est votre meilleur auxiliaire ; Maudissez le progrès qui, en temps de paix, fait venir les produits plus vite que le travail ; et bénissez les fauteurs de guerre, grâce auxquels tout le monde a une "job", même en détruisant.

Ce genre d'occupation peut faucher des vies en pleine fleur, il est vrai, mais au moins il laisse du travail sur la planche pour le lendemain de la paix. Tout le monde bien attelé après la guerre comme pendant la guerre : le Canada n'aura plus rien à envier à l'Allemagne de Hitler, ni à la Rus­sie de Staline.

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