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Crédit Social et parti politique

Louis Even le samedi, 01 avril 1944. Dans La politique

Plus intéressé au service qu'au pouvoir

Le Crédit Social prêche une économie nouvelle : la production au service de tous les consomma­teurs, sans exception. Sa réalisation ne se fera bien que par une politique nouvelle : la politique d'un gouvernement au service de tous les citoyens.

L'idée de service doit prédominer, et non pas l'idée de pouvoir. Service en économique. Service en politique.

Le parti politique, tel qu'on le connaît, est un groupement d'hommes qui cherchent à conquérir ou à retenir le pouvoir.

La recherche du pouvoir — la domination — est contraire à l'esprit créditiste.

Le Crédit Social met en vedette la personne, chaque personne — chaque consommateur en économique, chaque membre de la société en poli­tique. Il les met en vedette, tous et chacun. Le Crédit Social veut l'association au service des membres de l'association, de tous et chacun des membres de l'association, sans en négliger un seul.

Le parti politique met en vedette des hommes. Il les place devant le public. Il leur crée une au­réole, si creux soient-ils bien souvent. Lisez les journaux de parti, même les moins compromis, et voyez si ces journaux ne s'appliquent pas surtout à vanter les chefs et les lieutenants du parti.

Le Crédit Social, c'est la multitude, c'est tous et chacun des membres de la multitude.

Le parti, c'est un clan, c'est une clique, c'est une aristocratie. La multitude n'existe que pour don­ner des votes aux vedettes.

C'est pour cela que le Crédit Social va si bien à la masse, à la multitude vivant en société, lors­qu'elle prend conscience d'elle-même. Elle sent que c'est enfin son affaire.

Et c'est pour cela que les partis politiques vont si bien aux ambitieux, à ceux qui aiment à briller, à dominer les autres, ou aux gogos qui n'ont ni le cœur ni la tête à réfléchir.

Pour la véritable démocratie

Le Crédit Social croit en la démocratie, mais en la véritable démocratie.

Nous avons déjà défini ce que nous entendons par un gouvernement démocratique. Les créditis­tes ne se paient pas de mots. Ils définissent une chose en fonction de son objectif ; ils qualifient une chose d'après ses résultats. Vers Demain du 1er dé­cembre s'exprimait ainsi :

"On a un gouvernement démocratique lors­que le gouvernement est au service du peuple.

"On a un gouvernement totalitaire lorsque le peuple est au service du gouvernement."

Lequel a-t-on aujourd'hui ? Est-ce le gouverne­ment qui sert le peuple, ou est-ce le peuple qui sert le gouvernement ?

Le parti politique ne peut faire fleurir la démo­cratie, parce que le parti est en lui-même une dic­tature. Aussi le système de partis tue la démocra­tie.

Le gouvernement de partis est un gouvernement de factions. Le parti politique enrôle des citoyens sous la bannière du parti pour conquérir le pou­voir. Une fois au pouvoir, le parti continue, comme son prédécesseur, à mettre les citoyens au service du gouvernement. La succession des tyrans dans Athènes ou dans Rome, durant certaines périodes de leur histoire, ne faisait pas autrement.

Le parti, élément de division

La recherche du pouvoir crée nécessairement de la division entre les différents clans qui aspirent à la domination.

Le Crédit Social ne peut cultiver la division, mais l'union, et c'est une des raisons pour lesquel­les il est incompatible avec l'idée de parti politi­que — si l'on entend toujours le parti politique dans le sens où l'on a toujours vu les partis politi­ques à l'œuvre.

On peut s'entendre sur des besoins communs, sur des aspirations communes, sur des objectifs com­muns, et c'est cela que cultive le Crédit Social.

Mais la division commence lorsqu'on veut décider qui va gouverner, surtout lorsque le gouver­nement signifie plus les faveurs aux amis que le service à tous.

Dans la province de Québec, on nous l'a dit sur tous les tons, la politique de partis a fait un tort considérable aux Canadiens-français, en les divi­sant au lieu de les unir. Des hommes, écœurés du gâchis politique, se sont levés pour dénoncer la politique de partis, pour attaquer l'esprit de parti, et ils avaient raison.

Pourquoi donc, après cela, doit-on voir plusieurs de ces mêmes hommes pousser de toutes leurs for­ces un parti politique et prêcher à leur tour l'esprit de parti (du leur) et la fidélité au parti (au leur) ?

Où le courage ? Où la lâcheté ?

Dans l'idée de vouloir relever un peuple au moyen d'un vote, n'y a-t-il pas l'aveu d'un cer­tain fonds de lâcheté ?

Voici deux hommes, également bien intention­nés ; tous deux déplorent l'immolation qui a été faite du peuple sur les autels de l'argent, sous le couteau des grands prêtres de l'argent.

Tous les deux entreprennent de libérer leurs con­citoyens de cette dictature.

L'un d'eux dit :

"Je vais former un parti politique nouveau. Je vais m'entourer d'hommes de prestige ; je ne dé­daignerai pas des hommes bien munis d'argent, pourvu qu'ils disent comme moi. Nous allons rédi­ger un programme. Nous allons nous présenter de­vant le peuple avec notre programme et solliciter son vote. Si le peuple vote pour moi et les miens, il est sauvé."

L'autre dit :

"Le peuple est tombé là où il est, parce qu'on l'a exploité en se jouant de son ignorance et en l'amu­sant par des duels entre partis politiques. À cha­que signe de mécontentement, le parti dans l'op­position disait au peuple : Change d'équipe. Le peuple a changé d'équipe plus d'une fois, mais le char a continué dans la même direction. Et le peu­ple désemparé, déçu, ahuri, a perdu confiance. Je crois que l'ignorance ne se corrige bien que par l'éducation ; que la division ne se corrige bien que par l'union. L'éducation ne peut être le fruit que d'un effort constant, alimenté par un dévouement inlassable. Je crois que l'union ne peut bien se faire qu'autour d'objectifs simples, mais communs, au­tour de choses que tout le monde veut et dont tous peuvent facilement se rendre compte qu'ils s'ac­cordent à les vouloir. Je vais m'atteler à cette be­sogne : renseigner et grouper le peuple. Cela pren­dra beaucoup plus de temps qu'une belle journée d'élection ; mais je commence et je tiendrai, quand même je ne devrais jamais connaître le couronne­ment de mes efforts. C'est une ascension ; elle peut être lente, mais elle ne se fera jamais pour un bul­letin de vote."

Lequel de ces deux hommes est le plus coura­geux ?

Les créditistes de Nouvelle-France — ceux du moins qui ont fait des sacrifices de temps, d'ar­gent et de leur personne, pour renseigner et unir les gens du peuple autour d'objectifs communs —

croiraient tomber dans la lâcheté en renonçant à leur formule pour dire au peuple : C'est un nou­veau parti politique qu'il vous faut ; vous n'aurez qu'à voter pour nous, et tout est réglé.

Parti créditiste fédéral, une impossibilité

Les 4, 5 et 6 avril, il y aura à Toronto une convention nationale des créditistes du Canada. No­tre province y sera très bien représentée, parce que, c'est avec l'Alberta, la province où il y a le plus de créditistes et les mieux organisés.

Nous trouverons certainement à Toronto des créditistes qui voudront établir un parti fédéral du Crédit Social. Ligne du moindre effort, et des plus piteux résultats, qui ne sera certainement pas pré­conisée par ceux qui travaillent le plus pour la cause.

Si le parti, pour ceux qui en réclameraient un, signifie ce que signifient aujourd'hui les partis po­litiques, il est évidemment impossible de songer à un parti fédéral du Crédit Social.

Supposez un moment tel parti fondé et que son chef soit, disons, M. Blackmore, ou M. Manning.

Sur la question monétaire, et sur les questions économiques en général, nous serons certainement d'accord avec ce leader. Mais vienne une occasion où il faut prendre attitude vis-à-vis d'une guerre impériale, ou de la conscription, comment des cré­ditistes de chez nous pourraient-ils, sans trahir leurs électeurs, voter comme un chef dont les opi­nions sur ces sujets sont très bien connues de tous ?

Et si le parti a pour but de prendre ou garder le pouvoir, comment un vote divisé accomplira-t-il ce résultat ?

Ce problème n'est pas limité aux créditistes. Et c'est justement cette cohésion du vote pour le pou­voir qui explique les trahisons des députés de chez nous à Ottawa.

Peut-on avoir des candidats créditistes ?

Mais peut-on avoir des candidats créditistes ?

Certainement. On peut avoir des candidats, et même des députés créditistes ; on peut avoir un parlement plein de créditistes, sans pour cela avoir de parti créditiste.

Lorsque la population sera créditiste, comment peut-on concevoir autre chose que des créditistes partout, même dans les parlements ? Tout comme dans un pays, telle la province de Québec, où la population est à peu près toute catholique, il est difficile de concevoir un parlement qui ne soit pas presque exclusivement composé de catholiques. Sans pour cela avoir de parti catholique.

Et de même que des catholiques doivent agir en catholiques partout, de même des créditistes agi­raient en créditistes partout, même dans les parle­ments, et la législation serait certainement crédi­tiste.

Le Crédit Social est une ligne de force, une fa­meuse. Qu'on le pousse par une formation politi­que, oui, mais pas par un parti politique. On peut concevoir des formations politiques qui ne sont pas des partis politiques. Nous en parlerons une au­tre fois.

Si l'on veut du nouveau, il ne faut pas le cher­cher dans l'ancien. Si l'on veut la liberté de la per­sonne, il ne faut pas la chercher dans l'atrophie du jugement exigée par la soudure au parti. Si l'on veut la démocratie effective, il ne faut pas la cher­cher dans la dictature.

Que ce soit la dictature militaire, ou la dictature de l'argent, ou la dictature du prestige, ou la dic­tature du parti, c'est toujours une dictature : elle diminue l'homme, elle rapetisse la personne — et c'est essentiellement contraire à la philosophie de la liberté si bien comprise des créditistes.

D'ailleurs, l'Union des Électeurs, tout en reje­tant le rachitisme inhérent à tout parti politique, ne renonce nullement à faire de l'action politique, même électorale quand c'est le temps. Et de la po­litique de pression en tout temps, en dehors du Parlement, et dans le Parlement quand c'est pos­sible.

Mais nous espérons bien que les créditistes de Nouvelle-France garderont leur noblesse actuelle et n'iront pas s'encarcaner dans un parti politique quelconque.

Louis Even

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