L'Australie est, comme le Canada, un dominion de l'empire britannique.
Comme le Canada, l'Australie est une fédération. Mais les provinces y portent le nom d'États, comme aux États-Unis. Il y a six États dans le dominion australien.
La capitale fédérale d'Australie est Canberra. Le gouvernement fédéral actuel en Australie est un gouvernement travailliste (Labour Party). Le premier-ministre est l'Honorable Curtin.
Le 19 août dernier, les électeurs d'Australie étaient appelés à voter, en référendum, pour accorder ou refuser plus de pouvoirs à leur gouvernement fédéral. Plus de pouvoirs au central, afin, disait le gouvernement, de pouvoir mieux préparer l'après-guerre, d'instituer des mesures de sécurité sociale de toutes sortes.
Les premiers-ministres des six États appuyaient le programme du fédéral. Mais une grande campagne du NON s'est organisée, dans laquelle se sont distingués les créditistes d'Australie.
Malgré la pression d'en haut, le peuple a voté majoritairement contre.
Il fallait répondre OUI ou NON. Oui : Je suis en faveur de l'augmentation des pouvoirs à Canberra ; NON : je suis contre.
Le référendum a donné 1,733,978 NON et 1,506,846 OUI. Les votes des soldats, non reçus encore, ne peuvent changer la décision. Il fallait la majorité dans au moins quatre des six États ; or, deux seulement ont donné une majorité de OUI.
C'est une victoire contre la centralisation, et nous nous en réjouissons.
Derrière cette demande de plus de pouvoirs pour le central, se cache l'objectif socialiste. La centralisation serait un moyen pour y arriver plus efficacement.
D'ailleurs le gouvernement travailliste d'Australie est un gouvernement voué au socialisme, comme tous les partis travaillistes des autres pays, comme le parti C.C.F. au Canada.
Un journaliste australien, James Guthrie, a écrit plusieurs très bons articles contre la délégation de plus amples pouvoirs au gouvernement central :
"Vous ne pouvez, dit-il, donner à d'autres un pouvoir sur votre vie ou votre propriété, sans perdre vous-même ce pouvoir. Si vous donnez à un gouvernement le pouvoir de gérer votre vie, vous êtes ensuite obligé de vous plier à ses décisions. Vous n'avez plus le droit de résister, puisque vous avez cédé votre pouvoir. Par votre concession, vous avez perdu votre pouvoir aussi effectivement que s'il vous avait été enlevé par la force des armes.
"Pour exercer les pouvoirs plus grands que vous lui déléguez, le gouvernement vous prend plus d'argent. C'est de l'argent bien gagné par vous ; mais vous n'avez droit d'employer à votre guise que l'argent que vous gardez, et c'est de moins en moins. Le gouvernement décide quoi faire avec l'argent, gagné par vous, mais qu'il vous prend, et c'est de plus en plus."
Et c'est ainsi, que, de plus en plus, le gouvernement gère la vie des citoyens, décide ce qu'ils auront ou n'auront pas, et à quelles conditions. C'est le socialisme d'État, introduit par une confiscation du pouvoir d'achat des individus. Exactement le contraire du dividende du Crédit Social.
Les guerres créent un climat favorable pour introduire des mesures socialisantes, supposées temporaires, mais dont un grand nombre persistent après la guerre. Surtout lorsque la guerre a été (délibérément) précédée d'une crise, on argumente que, pour ne pas retomber en crise, il faut continuer l'enrégimentation et la bureaucratie introduites pour la conduite de la guerre.
Le premier-ministre d'Australie, Curtin, disait en juin 1943 :
"Aucun gouvernement ne peut s'assurer que l'industrie répondra aux demandes de l'État, à moins d'être un gouvernement de l'espèce de ceux que nous combattons."
C'est-à-dire : Nous ne pouvons bien conduire la guerre contre les pays totalitaires, à moins de mettre notre industrie au service d'un gouvernement de type totalitaire.
Cela s'est dit aussi, et pratiquement fait, au Canada. Mesures de guerre, mesures temporaires, assure-t-on dans les deux pays.
Mais voici que deux mois plus tard, en août 1943, le même premier-ministre Curtin disait à Adelaïde :
"Il sera impossible de s'occuper de l'héritage laissé par la guerre, à moins de maintenir un régime semblable à celui qui a été établi pour conduire la guerre."
Cela veut dire : Les mesures temporaires de totalitarisme devront être rendues permanentes. La même tendance se manifeste au Canada : des gouvernements qui se sont montrés incapables de conduire un pays avant de l'enrégimenter, veulent le garder enrégimenté pour pouvoir continuer à le conduire.
La demande de plus grands pouvoirs, conduite par le Dr. Evatt, procureur-général d'Australie, au nom de son gouvernement, avait pour but de planter définitivement le socialisme d'État en Australie au sortir de la guerre.
Si l'on doute des intentions du gouvernement travailliste d'Australie, on n'a qu'à prendre note des déclarations des chefs eux-mêmes.
M. Fallon, président du parti travailliste australien, disait en novembre 1942 :
"Notre effort de guerre est dirigé par l'intention d'accomplir le programme travailliste de nationalisation et de socialisation."
Le premier-ministre Curtin, à Perth, en mai 1943
"Un gouvernement ne peut être stable à moins de commander lui-même l'esprit du peuple."
Le docteur Lloyd, une autre tête dirigeante du parti, disait carrément en novembre 1943 :
"Les contrôles, la diminution de liberté, les faiseurs de plans et les bureaucrates seront nécessaires pour résoudre les problèmes d'après-guerre."
Pense-t-on autrement au Canada, où l'École Économique de Londres, séminaire des grands bureaucrates pour les pays anglo-saxons, a déversé ces dernières années les économistes auréolés qui inspirent le gouvernement actuel d'Ottawa ?
M. Cremean, en juin 1943 :
"Si vous voulez voir résoudre les problèmes d'après-guerre, il vous faudra consentir à être contrôlés par quelque autorité centrale."
M. Chiefley, autre chef politique d'Australie, en novembre dernier :
"Après la guerre, nous devrons avoir des taxes plus lourdes, des contrôles plus directs et plus positifs."
M. Longrove, président d'une branche "provinciale" du parti travailliste australien :
"Le socialisme est l'objectif de notre parti et de tous les autres mouvements travaillistes du monde."
Les socialistes considèrent même la guerre comme faite expressément pour hâter l'avènement du socialisme. À preuve cette phrase de M. Ward, prononcée en plein parlement australien et consignée au Hansard de février dernier :
"À moins que le socialisme soit établi dans le monde à la fin de la guerre, c'est en vain que plusieurs millions d'hommes seront morts."
Les centralisateurs s'abritent toujours derrière les besoins de mesures de sécurité sociale pour demander plus de pouvoirs. En apprenant le résultat du référendum, le premier-ministre Curtin déclare
"Il reste maintenant à ceux qui sont opposés à notre plan d'après-guerre d'en présenter un. Autrement, l'Australie aura à faire face à une période très difficile."
Comme si c'était la décentralisation des pouvoirs qui empêche de régler les problèmes économiques. Dans ce cas-là, comment expliquer que la grande crise fut aussi longue et aussi dure dans des pays à gouvernement central unique, comme l'Angleterre, la France et d'autres. Ce n'étaient toujours pas les gouvernements provinciaux qui faisaient obstacle dans ces pays-là, puisqu'il ne s'y trouve pas de gouvernements provinciaux.
L'obstacle était situé ailleurs, dans la puissance qui, sans mandat, règle le niveau de vie des hommes.
Pourquoi, au lieu de demander les pouvoirs qui restent aux gouvernements locaux, le central ne commence-t-il pas par exercer d'abord ses pouvoirs incontestés sur le système d'argent ?
Au lieu de pomper l'argent des contribuables et de dicter le mode de vie des citoyens pour avoir droit aux répartitions de l'argent ainsi soustrait à la communauté, pourquoi ne voit-il pas à ce que le pouvoir d'achat des citoyens soit à la hauteur de l'immense production de leur pays ?
On n'aurait besoin ni des bureaucrates d'Ottawa ici, pas plus que les Australiens n'auraient besoin des bureaucrates de Canberra, ni les Américains des bureaucrates de Washington, si l'argent entrait dans les poches des consommateurs au même rythme que les produits s'entassent devant leurs besoins.