Un bon journal, qui a défense de publier des écrits favorables au Crédit Social, mais qui reste autorisé à loger des attaques contre le Crédit Social, reproduisait, dans son édition du 25 novembre, un article non signé, intitulé : "Il en coûte $9 pour gagner $1 avec la réforme monétaire en Alberta." Après avoir signalé la recrudescence créditiste dans l'Ouest et fait allusion aux activités de la province de Québec, l'auteur inconnu pose cette question :
"Quel serait l'effet de leur espèce de réforme monétaire sur l'argent que les Canadiens ont en poche ou en banque, ou sur l'argent qu'ils ont placé en obligations de la Victoire ?"
Les créditistes pourraient répondre en demandant, à leur tour, à l'auteur qui ne signe pas : Quel effet la politique financière poursuivie par notre gouvernement a-t-elle et aura-t-elle sur la valeur de l'argent que les Canadiens ont en poche actuellement ou qu'ils ont investi dans les obligations de la Victoire ?
De l'aveu même du gouvernement et des porte-paroles des contrôleurs de notre régime monétaire, l'inflation a bel et bien déjà commencé à faire ses ravages en notre pays ; à tel point que le Cabinet fédéral a dû recourir à des décrets pour fixer arbitrairement la valeur de la monnaie, en établissant un plafond aux prix et aux gages.
La réforme monétaire préconisée par les Créditistes, par sa définition même, éviterait toute inflation. Mais que sert de le crier à des sourds volontaires ?
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Puis l'auteur de la communication mentionnée se tourne vers l'Alberta et le gouvernement d'Aberhart :
"Aucune de ses promesses électorales, telles que le dividende mensuel de $25 à tout le monde et les prêts sans intérêts, n'a été tenue ; et la législation relative au mythe du Crédit Social a été en très grande partie déclarée inconstitutionnelle par la Cour Suprême du Canada ou par le Conseil Privé."
Les lecteurs de cette citation remarqueront sans doute que l'auteur anonyme donne lui-même, dans la deuxième partie de sa phrase la réponse à la question que suggère la première partie. Toutes les lois votées par la législation de l'Alberta pour concrétiser la réforme monétaire promise ont été ou désavouées, ou déclarées inconstitutionnelles ou ultra vires, par le gouvernement d'Ottawa, par la Cour Suprême ou par le Conseil Privé d'Angleterre. Était-il alors possible pour Aberhart et les créditistes de donner suite à leurs promesses ? Si le monsieur qui a écrit l'article non signé promettait de participer à une course à pieds et si ses concurrents lui coupaient les jambes avant de partir, se trouverait-il un esprit sérieux pour lui reprocher de ne pas tenir sa promesse ?
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L'article hébergé par Le Droit cite ensuite l'expérience albertaine, avec ses bureaux de crédit.
Afin de dégager la province de la dictature bancaire, le gouvernement de l'Alberta a fondé depuis deux ans, près de 500 bureaux (ou agences) de crédit, où les citoyens peuvent ouvrir des comptes courants ou d'épargnes, et dont ils obtiennent des bonis mensuels dans la mesure où ils se servent de ces bureaux pour régler leurs paiements de produits albertains.
Notre auteur croit avoir découvert la lune en nous faisant part d'un déficit de $300,000 dans le bilan de ces succursales du Trésor pour le dernier exercice fiscal.
Qui donc songeait à tirer des profits dans l'administration de cette entreprise ? Le but de cette initiative n'est pas du tout de faire des profits pour le gouvernement. Le gouvernement d'Edmonton existe pour servir le peuple, non pour réaliser des profits commerciaux ; en quoi il diffère des banques qui se moquent passablement du service de la multitude, mais ne perdent jamais de vue le mobile profit.
Qui osera dire que le gouvernement de Québec devrait cesser de consacrer des millions à la colonisation, parce que les colons ne font pas rentrer ces millions plus un profit ?
Faudra-t-il cesser les octrois aux collèges, aux hôpitaux, aux asiles d'aliénés, parce que ces octrois ne montrent pas de profit dans le bilan annuel ? Faudra-t-il renvoyer les agents de police et les pompiers de nos villes, parce qu'on ne trouve pas de profit dans leur compte public au bout de l'année ? Est-ce par le profit en piastres qu'on juge de l'utilité d'une chose gouvernementale, ou par les services qu'elle rend aux administrés ?
N'oublions pas que, s'ils ont coûté un service administratif, les $114,266 distribués en bonis d'achat signifient $2,285,320 de paiements effectués par l'entremise du Trésor. Et des paiements dans le commerce de détail, dans l'achat des nécessités de la vie par l'homme et la femme d'Alberta. Les banques peuvent aligner des millions beaucoup plus élevés avec des frais relativement moindres : leurs transactions sont d'un autre ordre ; ça ne prend pas plus de temps pour faire deux entrées (débit et crédit) de $500,000 pour un trustard, que faire une double entrée de $5.00 pour l'acheteur d'une paire de chaussures.
De plus, sur les paiements effectués par l'entremise des maisons du Trésor, d'où naissent les bonis d'achat, au moins la moitié doivent être des produits faits en Alberta. De sorte que le système des maisons du Trésor a provoqué le développement de la production albertaine de produits de consommation pour les Albertains, peut-être pour plus d'un million et demi. De toute façon, l'activité ainsi encouragée en Alberta a permis, sans augmenter le pourcentage des taxes, de grossir considérablement les recettes du Trésor ; puisque, malgré les frais d'opération que critique l'auteur, le gouvernement d'Aberhart a remplacé par des excédents annuels les déficits annuels de l'administration précédente.
C'est justement le succès que les adversaires ne pardonnent pas au gouvernement créditiste.
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La dictature bancaire n'aime pas Aberhart, parce qu'il menace son monopole, parce qu'il n'a pas emprunté un seul sou des banques depuis 1936, parce qu'il ne perd aucune occasion de mettre à jour la plaie de notre système monétaire, et parce que ce prédicant insubordonné montre des surplus chaque année dans son administration.
Tout récemment un observateur impartial, qui occupe une position importante dans le Service fédéral, et qui n'est pas du tout créditiste, me disait qu'Aberhart avait donné à l'Alberta la meilleure administration provinciale au Canada. Je le crois facilement. Les citoyens de cette province ne lui ont-ils pas témoigné leur reconnaissance et leur confiance en l'élisant pour un second terme, malgré la meute des adversaires rouges et bleus coalisés pour la circonstance, malgré les cris aux promesses non remplies ?
Le journaliste, ou le publiciste, responsable de l'article que nous relevons ferait mieux de tourner sa loupe vers le système financier actuel et vers ceux qui le contrôlent. Il découvrirait là facilement la cause et les auteurs de grands bouleversements sociaux du dernier demi-siècle.
Armand TURPIN