Dans son journal du 6 mai, le Bloc Populaire donne son programme monétaire, en sept points.
Le Bloc affirme la souveraineté monétaire de l'État — sans dire comment il fera l'État exercer cette souveraineté. Tous les dix ans, à Ottawa, l'État renouvelle les privilèges des banques à charte. Quelle fut l'attitude du chef du Bloc à cet égard dans le passé ?
Le Bloc déclare que la monnaie et le crédit doivent être au service de l'économie et du peuple, et non de quelques financiers. Il oublie de spécifier comment il va mettre l'argent au service du peuple. Pour nous, le peuple, ce sont les hommes, femmes et enfants du pays, dans quelque coin qu'ils soient. Comment le Bloc va-t-il placer l'argent au service de chaque homme, femme et enfant du pays ? Par des discours sur la famille ?
Le Bloc réclame assez d'argent pour assurer la circulation des richesses. S'il en manque, que va-t-il faire ? Où va-t-il mettre l'argent nouveau en circulation ? Du côté de ceux qui font les produits, ou du côté de ceux qui ont besoin de les acheter ?
Le Bloc déclare que le crédit doit reposer, non seulement sur la capacité à payer des individus, mais sur l'aptitude à produire de la communauté. Très bien : et quel mécanisme le Bloc va-t-il établir pour voir à cela ?
Tels sont les points 1, 2, 3 et 4 du programme monétaire du Bloc. Les points 5, 6 et 7 nous donnent une idée des moyens qu'il envisage pour accomplir sa réforme monétaire.
Vous y trouvez, entre autres :
Surveillance des profits ;
Répartition des moyens de paiement ;
Fixation de prix ;
Contrôle des devises ;
Contrôle des mouvements de capitaux ;
Contrôle du commerce extérieur ;
Coopératives ;
Caisses populaires.
Si c'est avec ces choses-là qu'on fait une réforme monétaire, il n'y a pas besoin du Bloc pour l'entreprendre.
En fait de plafonnements de profits, de répartitions de rareté, de rationnements, de fixations de prix, de contrôles de toutes sortes, de nez dans les affaires des individus, les gouvernements actuels ont déjà trouvé des experts. Il n'y a qu'à retenir les services de Donald Gordon, Cyrille Vaillancourt et autres phénomènes de cette espèce.
Quant aux coopératives et aux caisses populaires, excellents organismes pour l'usage de l'argent, mais absolument inaptes à fabriquer un seul dollar, il n'y a pas non plus besoin du Bloc pour les établir. Il suffit de coopérateurs pour avoir des coopératives ; comme il suffit d'épargnants qui décident de grouper leurs épargnes et faire des prêts entre sociétaires, pour établir une caisse populaire. Ni le gouvernement de Lomer Gouin, ni celui de Taschereau, ni celui de Duplessis, ni celui de Godbout, ne se sont le moins du monde opposés aux coopératives ou aux caisses populaires.
Le Bloc cherche sans doute des votes. Et comme il y a passablement de créditistes dans la province de Québec, il pense donner le change avec sa littérature d'emprunt. Mais il ne peut s'empêcher d'y apposer sa marque de fabrique, la marque de fabrique de tous les partis politiques, avides de prendre le pouvoir et avoir, à leur tour, le privilège de conduire le peuple avec un anneau dans le nez. Leur appât est le même : Une étable prospère, si le troupeau veut bien voter pour eux !
Jamais on n'aura le Crédit Social avec des politiciens de cette mentalité, même s'ils parlent contre la dictature d'argent, même s'ils alignent des principes immortels dans leurs programmes. Les déceptions n'en seraient que plus cuisantes pour des électeurs qui s'y feraient prendre.
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Comparez l'apocalypse monétaire du Bloc avec la réforme précise, claire, concrète et ensoleillée du Crédit Social :
1. — Regarder ce que le pays offre ;
2. — Regarder ce que les habitants du pays peuvent prendre avec leur pouvoir d'achat actuel ;
3. — Compléter ce pouvoir d'achat, en distribuant l'augmentation entre tous les hommes, femmes et enfants du pays, sans enquêtes et sans conditions.