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Aux mamans de Nouvelle-France

Louis Even le samedi, 01 juillet 1944. Dans Réflexions

Mamans de Nouvelle-France, n'avez-vous jamais éprouvé de chagrins, de peines, de soucis, dans vos fonctions de mères de famille ?

— Mais notre vie est pleine de cela. Elle a sûre­ment ses joies, notre vie de maman, mais ni les chagrins, ni les peines, ni les soucis n'y manquent.

Il y a les soucis bien maternels et bien chrétiens de l'ordre spirituel : soucis sur la conduite des enfants, et parfois sur celle du mari. Mais les ma­mans de Nouvelle-France savent où aller, à qui s'adresser et quoi faire dans ces circonstances. L'Union Créditistes des Électeurs ne se reconnaît pas de compétence dans ce domaine. C'est le do­maine de l'Esprit-Saint, de l'Église, du clergé.

Notre rôle est plus humble. Il reste de l'ordre profane, du domaine temporel, domaine économi­que et politique. Et il a son importance, les ma­mans le savent bien.

Privations pour les enfants

Lorsque vous vous penchez sur un berceau, ma­man de Nouvelle-France, vous l'aimez, ce petit qui est là. Vous l'aimez et vous lui voulez du bien, même du bien temporel, n'est-ce pas ? Et c'est dans le plan providentiel, puisque c'est le bon Dieu qui a fait l'être humain corps et âme, et non pas âme seulement. Vous voulez du confort à ce petit ; vous lui voulez des soins, et vous en prodiguez autant qu'il dépend de vous.

Autant qu'il dépend de vous. Car ne vous est-il jamais arrivé, souvent même, d'être privée de cho­ses que vous saviez être bonnes et désirables pour votre enfant ? Ne parlons pas du superflu — rien que de l'utile. Vous avez dû vous passer de bien des choses, que vous ne pouviez avoir, même si elles abondaient dans le magasin, en face de votre maison.

Oh ! ces privations — privations dans le rayon de la nourriture, dans le rayon du vêtement, du logement, de l'air pur, des soins médicaux — ces privations-là, combien de vous, mamans de Nou­velle-France, ont souffert de les voir imposées, non seulement aux enfants dans le berceau, mais aussi aux garçonnets et fillettes qui vont à l'école, aux adolescents qui finissent leurs études primaires.

Il leur faudrait, une nourriture plus vitaminée, des fruits et des légumes frais. Vous le savez, et les instructions écrites sur l'alimentation appropriée ne manquent pas. Mais allez donc acheter des fruits, par exemple, au prix où ils sont et avec l'argent dont vous disposez !

Le médecin recommande des toniques, peut-être, il suggère un stage à la campagne. Ah ! oui, elle est grande et belle, la campagne canadienne ; et les toniques, les pharmaciens en ont de toutes sor­tes. Mais tout cela dépasse les moyens financiers, n'est-ce pas ?

Privations pour les parents

Vous êtes des mamans de cœur, vous aimez vos enfants. Mais vous êtes aussi des épouses et vous n'oubliez pas le cher compagnon. Vous est-il arrivé de ne pouvoir servir à votre mari le confort que vous lui croyiez dû à la maison, après ses journées, et parfois ses nuits, d'ouvrage dans toutes sortes d'atmosphères et de températures ?

Puis, chères mamans de Nouvelle-France, si vous êtes tout dévouement pour les enfants et pour le mari, vous avez tout de même parfaitement le droit de penser que, pour vous dévouer mieux encore et plus longtemps, il vous faut des forces, et si ces forces vous les sentez décliner plus vite que l'accumulation des années. Il vous faudrait, à vous aussi, une nourriture plus appropriée, de l'aide dans vos travaux interminables, des soins médi­caux, un certain degré de confort, un minimum de distractions. Qui donc peut résister à une vie à la fois dure et monotone, à l'horizon limité des quatre murs d'une maison qui pèse souvent au lieu de reposer ?

Crise, puis guerre

Les privations, mamans de Nouvelle-France, vous les avez donc connues pour vous-mêmes, pour vos maris, pour vos enfants ; elles ont été vos com­pagnes quotidiennes, peut-être, tout au long de nombreuses années.

Lesquelles d'entre vous ne se rappellent vivide­ment les dix années de crise d'avant-guerre, qui ont laissé des traces dans combien de rides prématurées, dans combien de santés atteintes pour toujours, dans combien de vides mêmes creusés au foyer par la grande misère devenue mortelle ?

Vous vous souvenez de ces années sombres, où vos grands quittaient la maison, allaient à droite, à gauche, loin souvent, à pied ou accrochés à des wagons de fret, pour chercher des moyens quelcon­ques de gagner leur vie, parce que le papa ne pou­vait plus gagner la sienne propre, encore moins celle de la famille.

Et ces grands, vous vous inquiétiez d'eux à bon droit. Vous les voyiez revenir de temps en temps, les habits râpés, la figure émaciée, l'œil mauvais, mécontents de la vie, mécontents du Canada, aigris des injures qu'on ajoutait à leur misère, la révo­lution bouillonnant dans leur cœur — jusqu'au jour où une grande calamité s'est abattue sur le monde désaxé : la guerre.

La guerre. Ah ! alors, ces jeunes, vos grands dont le pays ne savait que faire la veille, voilà que le même pays vous les réclame pour aller verser le sang d'autres jeunes et exposer leurs propres mem­bres, pour cette civilisation qui les repoussait hier. Devrez-vous donc toujours pleurer sur le sort fait à vos grands, mamans de Nouvelle-France ?

Mais vos époux, femmes de Nouvelle-France, voici qu'avec la guerre ils ont retrouvé un emploi. Voici qu'ils ont ramené un peu plus de pain sur la table. Un peu plus de pain, depuis que les hom­mes ont moins de temps pour faire du pain, depuis qu'ils mettent le meilleur d'eux-mêmes à se tuer les uns les autres !

Si contents êtes-vous de trouver un peu plus de pain sur la table pour les bouches qui ne sont pas à l'armée, n'avez-vous jamais senti une certaine horreur à la pensée que ce pain est en quelque sorte lié à l'effusion de sang et à la multiplication des tombes ? Oh ! c'est le prix du travail aussi, et vous pouvez le servir sans scrupule. Mais pourquoi fallait-il que les canons grondent et que les cime­tières se peuplent en Europe, avant que les Cana­diens aient le droit de puiser un peu plus largement aux greniers débordants de leur pays ?

Contradictions criminelles

Toutes ces réflexions-là, mamans de Nouvelle-France, vous ont sûrement trotté plus d'une fois dans la tête. Car, si occupées soyez-vous par vos journées surchargées et sans fin, si confinées soyez-vous par vos devoirs domestiques, vous n'êtes pas sans avoir remarqué les grandes contradictions étalées autour de vous.

Dans les dix années de noires privations, avant la tuerie, vous avez vu, vu de vos yeux, les ma­gasins pleins, pleins de nourriture, de vêtements, de meubles, de bonnes choses de toutes sortes. Ils étaient aussi pleins que vos maisons étaient vides. C'était même parce que les magasins étaient trop pleins, que vos maris et vos grands garçons battaient le pavé, marqués du stigmate des chô­meurs.

Vous vous demandiez sans doute pourquoi un pays qui produisait tant de bonnes choses ne pou­vait les avoir dans ses maisons.

On ne vous disait jamais : Les produits sont rares. Oh ! non, on vous disait : Il y en a trop, ça ne se vend pas, et c'est pour cela qu'on ne travaille plus.

On ajoutait : L'argent est rare. Et vous le saviez bien.

Tout le monde disait : L'argent est rare. Mais personne n'ajoutait : Donc, il faut fabriquer de l'argent. Non, on disait avec résignation : L'argent est rare, donc il faut faire pénitence et laisser les produits se perdre.

Quand ce sont les produits qui manquent, com­me c'est arrivé pendant la guerre, on dit bien : Travaillez, faites plus de produits. Faites du beur­re, parce qu'il manque du beurre. Faites de l'alu­minium, jour et nuit, parce qu'il manque de l'alu­minium. Faites des obus et des mitrailleuses, le dimanche comme la semaine, parce qu'il manque des obus et des mitrailleuse.

Mais quand c'est l'argent, rien que l'argent qui manque, si quelqu'un dit : Il faut faire de l'argent puisqu'il ne manque que cela, on lui répond : Tai­sez-vous ; vous ne savez ce que vous dites, vous êtes un homme dangereux.

Commander aux cultivateurs de faire la nour­riture qui peut manquer, très bien. Commander aux fabricants d'armes de faire les armes qui man­quent, très bien. Mais, de grâce, il ne faut jamais rien commander aux fabricants d'argent, quand même l'univers crève de faim, faute d'argent, en face de montagnes de blé.

Les fabricants d'argent

Les fabricants d'argent — cela existe-t-il ? Mais oui, chères mamans de Nouvelle-France. Il y a des fabricants d'argent, puisqu'il y a de l'argent. Et l'argent n'est fait ni par le bon Dieu, ni par ses anges, ni par le soleil, ni par la pluie.

Les fabricants d'argent existent, puisque l'argent a doublé depuis qu'on est en guerre, et ce ne sont pas les coups de fusil qui fabriquent les piastres.

Les fabricants d'argent existent. Mais il ne faut rien leur dire, paraît-il, ou bien la civilisation va chavirer. Ils ont le droit de décréter dix années de manque d'argent, et il faut accepter dix années de misère. Après quoi, ils mettent l'argent au monde, dès que le monde se lance à tuer, à détruire, à fabriquer des choses qui ne se vendent pas dans les familles.

Les fabricants d'argent sont-ils des fous à en­fermer, des criminels à mettre sous les verrous, ou des hommes possédés du démon pour faire souffrir la masse du peuple ?

* *    *

Voilà le grand désordre du monde moderne. Le désordre d'un argent fait et supprimé sans rap­port avec les produits que l'argent doit acheter.

Cette barbarie soulève votre indignation, n'est-ce pas, mamans de Nouvelle-France ? Eh bien, c'est contre cette barbarie que l'Union Créditiste des Électeurs organise la plus belle lutte des temps modernes. C'est pour cela qu'elle fait appel, chaque dimanche, à vos maris, à vos grands garçons, pour aller porter aux autres le message de la grande croisade de la libération, C'est pour cela que même les femmes qui le peuvent sont invitées à joindre l'armée volontaire des patriotes qui veulent sauver, par la lumière créditiste, un pays dépouillé à la faveur de l'ignorance.

Mamans de Nouvelle-France, vous nous aiderez de vos vœux, si vous ne pouvez contribuer de vos personnes. Et vous pousserez vos maris et vos grands à joindre les rangs de l'Union Créditiste des Électeurs, même à entrer dans la légion militante de l'Union Créditiste des Électeurs, ces Défricheurs et Voltigeurs qui vont au voisin pour gagner le voisin, afin que le peuple entier s'unisse contre l'ennemi commun. (Causerie à CHRC, 11 juin)

Louis Even

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