À Loretteville, le 21 juin, un soir de très grosse pluie et de froid, onze hommes et une femme prennent les rangs de la campagne, et vont de porte en porte, demander l'hospitalité pour les six cents congressistes du Crédit Social qui viendront le 1er juillet.
Sur les douze, trois de Loretteville, les autres de Québec.
Ils ont tous travaillé bien fort dans la journée. Ils ont soupé en vitesse. Mais quand même, ils sont à l'assaut le soir, gaillards et heureux.
Il y en a des jeunes et des vieux en âge. Mais tous ont un cœur de vingt ans, un cœur qui chante déjà dans la bataille la gloire du salut de leur Nouvelle-France.
Oui, c'est ceux-là qui la sauveront leur Nouvelle-France, ceux-là seuls et ceux qui leur ressemblent.
Ils sont des sauveurs, parce qu'ils sont des humbles et parce qu'ils sèment la charité.
Le démon de l'orgueil, ils l'ont chassé de leur cœur.
Le démon de l'égoïsme aussi, ils l'ont chassé de leur cœur. Et ils veulent faire rentrer la charité dans les maisons.
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Pour partir comme ils le font, modestement, sous la tempête, et aller, les uns à pieds, dans les ténèbres du soir, frapper à toutes les portes, proches ou non, et demander la charité pour les autres, il faut en avoir de l'humilité et du cœur !
Pensez donc, il en faut de la foi dans l'idéal, il en faut de l'amour, pour aller dire aux gens qui sont bien assis chez eux, près du poêle : "Monsieur, madame, nous vous amènerons un quêteux, deux, trois quêteux de créditistes que vous logerez gratuitement pendant trois jours. Monsieur, madame, nous vous en supplions, faites-leur la charité, ouvrez votre maison pour nourrir et abriter des Canadiens français qui viennent de l'Abitibi, du Lac St-Jean, de Montréal, de Hull, de Sherbrooke, du Nouveau-Brunswick. Monsieur, madame, nous vous imposons la charité. C'est l'invasion, dans Loretteville, des créditistes de Nouvelle-France : Ils viennent vous apporter un message de lumière et de paix, la charité pour l'âme. Donnez-leur le pain du corps, recevez-les chez vous."
Quelle belle semence de charité que ce discours de nos Voltigeurs, si simples pourtant !
Humilité et charité, vous vous entendez donc bien dans le même cœur d'homme !
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N'avez-vous point honte, vous tous les grands qui croyez, par votre grandeur, pouvoir sauver le pays ?
Mais le pays, il sera sauvé par les petits, et par les grands qui se font petits.
N'avez-vous point honte, vous tous, les égoïstes qui croyez sauver le pays en satisfaisant vos appétits de pouvoir et d'honneurs ?
Mais le pays, il ne sera pas sauvé par les cupides. Non, il sera sauvé par les semeurs de charité.
Arrière, tous, démons de l'orgueil et de l'égoïsme ! Arrière, Satan ! Vous n'avez jamais produit que des fruits de crise et de guerre. Arrière les grands sauveurs du peuple !
Et en avant, les humbles semeurs d'amour ! En avant, vous, les Voltigeurs de Nouvelle-France, vous seuls portez avec gloire le drapeau de la liberté !